®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
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Du silence au mensonge
Chapitre VII
J’arrive à R**-sur-O**, une petite bourgade quasi déserte. Me sachant proche du but, je demande à un gendarme bienvenu, la direction de B**-les-Templiers.
Il ne me reste que dix kilomètres et je suis arrivé. Il est seize heures, le temps est superbe. J’entame alors cette dernière étape avec plaisir.
J’ai à peine effectué un tiers du trajet que deux charmantes petites vieilles me prennent dans leur 104, pour me déposer quelques minutes plus tard au cœur du village.
C’est la Bourgogne profonde. Un vieux village aux nombreuses maisons abandonnées. Les pierres jaunâtres et les silex leur donnent un genre unique. Je me dirige vers la petite église romane, espérant trouver la Commanderie — Lemire ne m’avait guère expliqué de choses à son sujet — car rien ne me laisse supposer pareille construction.
Je suis obligé de chercher une habitation afin de découvrir dans ce village quelque peu désert, une bonne âme pour m’indiquer mon gîte. J’ai affaire à un vieux paysan peu gracieux au premier abord puis méfiant lorsque je lui demande le renseignement. Il me faut remonter le village : “les ruines de l’ancienne Commanderie” se trouvent en face de la vieille fontaine.
Cinq cents mètres encore et me voici arrivé.
Un petit chemin de terre me conduit à une entrée dont le portail gît, rouillé, à côté d’une vieille Ford des années soixante… ou plutôt de ce qu’il en reste.
Une maisonnette à droite, dont le toit possède plus de sacs en plastique que de tuiles, me fait douter de ma destination… C’est la chapelle, en vis-à-vis, si j’en juge au clocher, qui me redonne quelque espoir. Son état très acceptable me fait constater que le “messire Dieu premier servi”, semble ici de rigueur !
J’entre dans la cour et tout s'explique alors : j’ai autour de moi d’immenses pans de murs de dix à quinze mètres de haut. Sur beaucoup encore se dressent, majestueuses, de superbes fenêtres sous des voûtes romanes qui devaient supporter il y a quelques siècles d’impressionnants vitraux.
Je me trouve au centre de ce qui a été au Moyen-Âge une gigantesque Commanderie. Il reste au fond de la cour la seule bâtisse debout, encore habitable. Elle devait abriter — selon moi — les anciennes cuisines du temple et le dortoir des frères convers : une vieille maison de silex et de pierres à un étage, aux quelques petites fenêtres romanes.
C’est d’un style massif, rustique et bien solide. Le fait qu’elle soit toujours debout en est certainement une preuve ! Il y a encore une porte massive, surmontée d’une croix templière gravée dans la pierre… sur un transept fort abîmé.
C’était à la fois magnifique
et à faire peur.
Je n’existais plus,
j’étais comme envoûté.
Je vivais un rêve.
Perdu,
entre ces immenses murs
tenant seuls,
prêts à s’écrouler aujourd’hui…
Prêts à lutter encore des siècles…
et à faire peur.
Je n’existais plus,
j’étais comme envoûté.
Je vivais un rêve.
Perdu,
entre ces immenses murs
tenant seuls,
prêts à s’écrouler aujourd’hui…
Prêts à lutter encore des siècles…
Autour de l’entrée se trouvent des sarcophages de pierre, ouverts… C’est assez glauque de voir étalées quelques fouilles macabres, mises au grand jour : une reconstitution quasi complète de deux squelettes, les gardiens de la mémoire des lieux.
J’espère que ce sont des templiers !
Il n’y a pas âme qui vive, et rien en haut du mât planté au centre de la cour ne me donne signe de présence.
Je me risque à frapper à la petite porte. N’entendant rien, j’ouvre en criant :
Une main massive sur mon épaule me fait sursauter. Je me retourne, et la vision du personnage m’affole davantage. C’est finalement plus un sentiment de faiblesse que de peur.
Gros, gras… graisseux, même, il doit avoir environ cinquante ans. Ses cheveux gris-blancs et courts, sont couverts par un superbe béret “rouge commando” avec comme insigne celui de la cavalerie, rehaussé d’émaux azur, sinople et gueule.
Il n’est pas beau. Seul son regard est impressionnant. Ses yeux bleus, presque nuit, me semblent encore plus persuasifs que ceux de Lemire.
Je suis un peu plus grand que lui.
Il a vraiment une drôle d’allure, vêtu d’une culotte de cheval bouffante, d’une chemise Lacoste beige, avec des rangers bien cirées aux pieds.
C’est Yvon Ray — il se présente ainsi — maître des lieux après Dieu le Père. Il est le Précepteur. C’est son rang dans la hiérarchie templière.
À peine rassuré, j’ai le droit à une avalanche de questions.
À propos du voyage tout d’abord. Le fait qu’il se soit bien passé lui importe peu… Il me teste en m’interrogeant à la manière de Lemire… Je me rends vite compte qu’il connaît d’avance les réponses ! (Les réunions nocturnes n’ont pas servi à rien).
Yvon Ray me fait entrer dans l'espace de vie. Me voici dans une grande pièce rectangulaire. Une monumentale cheminée — ou d’énormes bûches, des troncs mêmes, brûlent avec de grandes flammes qui lèchent la porte d’un four à pain — en occupe presque tout un mur. Elle est surmontée d’une énorme croix templière et de sa devise en latin :
J’espère que ce sont des templiers !
Il n’y a pas âme qui vive, et rien en haut du mât planté au centre de la cour ne me donne signe de présence.
Je me risque à frapper à la petite porte. N’entendant rien, j’ouvre en criant :
- — Y’a quelqu’un ?
Une main massive sur mon épaule me fait sursauter. Je me retourne, et la vision du personnage m’affole davantage. C’est finalement plus un sentiment de faiblesse que de peur.
Gros, gras… graisseux, même, il doit avoir environ cinquante ans. Ses cheveux gris-blancs et courts, sont couverts par un superbe béret “rouge commando” avec comme insigne celui de la cavalerie, rehaussé d’émaux azur, sinople et gueule.
Il n’est pas beau. Seul son regard est impressionnant. Ses yeux bleus, presque nuit, me semblent encore plus persuasifs que ceux de Lemire.
Je suis un peu plus grand que lui.
Il a vraiment une drôle d’allure, vêtu d’une culotte de cheval bouffante, d’une chemise Lacoste beige, avec des rangers bien cirées aux pieds.
C’est Yvon Ray — il se présente ainsi — maître des lieux après Dieu le Père. Il est le Précepteur. C’est son rang dans la hiérarchie templière.
À peine rassuré, j’ai le droit à une avalanche de questions.
À propos du voyage tout d’abord. Le fait qu’il se soit bien passé lui importe peu… Il me teste en m’interrogeant à la manière de Lemire… Je me rends vite compte qu’il connaît d’avance les réponses ! (Les réunions nocturnes n’ont pas servi à rien).
Yvon Ray me fait entrer dans l'espace de vie. Me voici dans une grande pièce rectangulaire. Une monumentale cheminée — ou d’énormes bûches, des troncs mêmes, brûlent avec de grandes flammes qui lèchent la porte d’un four à pain — en occupe presque tout un mur. Elle est surmontée d’une énorme croix templière et de sa devise en latin :
« OBSERVANTIA MILITUM CHRISTE »
De chaque côté de la cheminée se trouve une porte, menant chacune à des remises. À l’opposé, mais sur la longueur, deux autres portes : une donnant sur le dehors, l’autre sur une arrière cuisine possédant tout le nécessaire pour préparer les repas.
Nous revenons à la salle principale : c’est semble-t-il l’endroit où se passent les journées. Une grande table en “T” sur la gauche, et autour de la cheminée, fauteuils, chaises, tabourets et table basse constituent un beau coin salon et lecture. Je remarque aussi les deux vieux buffets rustiques et la bibliothèque riche en livres reliés cuir… et en bandes dessinées.
Le plus impressionnant ce sont les murs : à une hauteur de deux mètres du sol et sur un mètre cinquante pour arriver presque au plafond, est peinte sur les quatre pans de la salle, une superbe fresque à la “Pierre Joubert”. Elle représente divers épisodes des croisades… des conquêtes templières.
Je regarde avec discrétion pour découvrir l’auteur… Ma première impression était la bonne : mon dessinateur favori des Signes de Piste était passé par ici !
Ray me confirme ma découverte en l’enrichissant :
En ruban — au-dessous des peintures — se trouvent plus de cinquante blasons peints sur de vieux écus. Quelques uns blancs, n’attendant que d’être garnis d’armes nouvelles.
Nous revenons à la salle principale : c’est semble-t-il l’endroit où se passent les journées. Une grande table en “T” sur la gauche, et autour de la cheminée, fauteuils, chaises, tabourets et table basse constituent un beau coin salon et lecture. Je remarque aussi les deux vieux buffets rustiques et la bibliothèque riche en livres reliés cuir… et en bandes dessinées.
Le plus impressionnant ce sont les murs : à une hauteur de deux mètres du sol et sur un mètre cinquante pour arriver presque au plafond, est peinte sur les quatre pans de la salle, une superbe fresque à la “Pierre Joubert”. Elle représente divers épisodes des croisades… des conquêtes templières.
Je regarde avec discrétion pour découvrir l’auteur… Ma première impression était la bonne : mon dessinateur favori des Signes de Piste était passé par ici !
Ray me confirme ma découverte en l’enrichissant :
- — Oui, Joubert vient peindre régulièrement…
En ruban — au-dessous des peintures — se trouvent plus de cinquante blasons peints sur de vieux écus. Quelques uns blancs, n’attendant que d’être garnis d’armes nouvelles.
J’entrais dans le domaine
de la chevalerie.
Je croyais me retrouver
au Moyen-Âge.
C’était bien un autre monde
et je savais…
j’étais certain d’y être heureux.
Tôt ou tard,
les armes de la famille,
mes armes de chevalier
— "d’argent à l’aigle de gueule" —
seraient tracées
de main de maître
à l'emplacement d’un écu vide.
Je le sais : j’en suis sûr.
de la chevalerie.
Je croyais me retrouver
au Moyen-Âge.
C’était bien un autre monde
et je savais…
j’étais certain d’y être heureux.
Tôt ou tard,
les armes de la famille,
mes armes de chevalier
— "d’argent à l’aigle de gueule" —
seraient tracées
de main de maître
à l'emplacement d’un écu vide.
Je le sais : j’en suis sûr.
Ray est plutôt pressé. Il souhaite me montrer la chambre où déposer mes affaires. Nous prenons la porte opposée, donnant sur une petite cour intérieure avec vue sur le village. Il y a une fontaine avec un bac, ainsi qu’un bassin où il y a bien longtemps que des poissons n'ont plus élu domicile.
C’est par un escalier extérieur — en pierre — que nous nous rendons à l’étage.
Nous entrons dans une grande pièce avec deux lits et un canapé-lit à deux places. C’est miséreux et sale. La literie n’est que du gris tissu sergé…
Au fond, deux petites pièces : une chambre avec deux lits et une table pour tout confort, l’autre fait office de cabinet de toilette avec deux grandes bassines de cuivre émaillé, des brocs et des seaux en plastiques, posés sur une petite table et des chaises, ainsi qu’un radiateur électrique à soufflerie. Pour protéger les murs, ce sont des couvertures plastifiées des « Safaris – Signe de Piste », clouées à hauteur d’homme, qui font office de papier peint… Des matrices erronées, m’explique Ray, me voyant surpris. L’Observance est actionnaire de la maison d’édition.
Je n'ai pas accès aux autres pièces, si ce n'est, à droite, une autre chambre… ce sera la mienne.
C’est certainement la plus correcte à première vue.
La surprise, c’est d’abord la poussière. Elle n’est pas sale… je dirais que c’est plutôt vétuste ! J’ai l’impression d’entrer dans une maison abandonnée depuis cinquante ans. Tout semble être mort, ou d’une autre époque.
Me laissant seul ranger mes affaires, il quitte la pièce.
Je contemple le tout : un lit, une commode basse avec une cuvette et un broc. Un miroir cassé, une chaise et un bureau. Aussi, une table de nuit avec des photos. Deux bien distinctes en noir et blanc me montrent un homme en tenue de camouflage, puis dans l’uniforme des officiers parachutistes comme celle que j’ai de mon père, lors de la guerre d’Algérie.
Les initiales E.G. et la date de 1961 au dos des photos ne me laissent aucun doute.
J'ai lu son livre, il y a deux ou trois ans. Je dois même l'avoir dans ma bibliothèque. C'est un Signe de Piste : Les Seigneurs de la nuit. Une superbe aventure d'un jeune chevalier au temps du roi Arthur, avec des illustrations de Pierre Joubert.
Le titre seul m'avait déjà séduit. Je me retrouve aujourd'hui prêt à vivre pour de vrai la même chose… je sais qu'il doit y avoir un autre volume. La neige noire ? Je ne m'en souviens plus exactement, mais ce livre est attendu depuis déjà un bon moment.
C’est par un escalier extérieur — en pierre — que nous nous rendons à l’étage.
Nous entrons dans une grande pièce avec deux lits et un canapé-lit à deux places. C’est miséreux et sale. La literie n’est que du gris tissu sergé…
Au fond, deux petites pièces : une chambre avec deux lits et une table pour tout confort, l’autre fait office de cabinet de toilette avec deux grandes bassines de cuivre émaillé, des brocs et des seaux en plastiques, posés sur une petite table et des chaises, ainsi qu’un radiateur électrique à soufflerie. Pour protéger les murs, ce sont des couvertures plastifiées des « Safaris – Signe de Piste », clouées à hauteur d’homme, qui font office de papier peint… Des matrices erronées, m’explique Ray, me voyant surpris. L’Observance est actionnaire de la maison d’édition.
Je n'ai pas accès aux autres pièces, si ce n'est, à droite, une autre chambre… ce sera la mienne.
C’est certainement la plus correcte à première vue.
La surprise, c’est d’abord la poussière. Elle n’est pas sale… je dirais que c’est plutôt vétuste ! J’ai l’impression d’entrer dans une maison abandonnée depuis cinquante ans. Tout semble être mort, ou d’une autre époque.
- — C’est la chambre d’Eric Galo, me dit Yvon, qui m'invite à l'appeler par son prénom.
Me laissant seul ranger mes affaires, il quitte la pièce.
Je contemple le tout : un lit, une commode basse avec une cuvette et un broc. Un miroir cassé, une chaise et un bureau. Aussi, une table de nuit avec des photos. Deux bien distinctes en noir et blanc me montrent un homme en tenue de camouflage, puis dans l’uniforme des officiers parachutistes comme celle que j’ai de mon père, lors de la guerre d’Algérie.
Les initiales E.G. et la date de 1961 au dos des photos ne me laissent aucun doute.
J'ai lu son livre, il y a deux ou trois ans. Je dois même l'avoir dans ma bibliothèque. C'est un Signe de Piste : Les Seigneurs de la nuit. Une superbe aventure d'un jeune chevalier au temps du roi Arthur, avec des illustrations de Pierre Joubert.
Le titre seul m'avait déjà séduit. Je me retrouve aujourd'hui prêt à vivre pour de vrai la même chose… je sais qu'il doit y avoir un autre volume. La neige noire ? Je ne m'en souviens plus exactement, mais ce livre est attendu depuis déjà un bon moment.
Je me sentais bien,
j'étais heureux.
Je prenais davantage
confiance et force.
j'étais heureux.
Je prenais davantage
confiance et force.
Cet endroit perd son côté inquiétant et se transforme en sanctuaire : si ici même, des Signes de Piste ont pris naissance, le bien ne peut être que le maître des lieux. Je suis flatté de me retrouver dans la chambre de l'écrivain. Je prends cela comme un honneur.
La littérature est une de mes raisons de vivre.
Un peu de ménage avec un mouchoir pour ôter la poussière. J’aère la pièce aussi.
Je n'ose ouvrir le lit. Je déballe mon sac de couchage : je dormirai sur le couvre lit, ce sera parfait. Mon duvet est très épais, et dans la chambre passe l'énorme conduit de la cheminée. Pas de danger d'avoir froid.
Laissant tous mes habits au propre dans le sac à dos, je ne sors que mes affaires de toilette, mon réveil et quelques gadgets dont de l’encens : de quoi purifier la chambre.
Je n'ai guère le temps de rêver : la voiture de Lemire vient d'arriver dans la cour principale.
La littérature est une de mes raisons de vivre.
Un peu de ménage avec un mouchoir pour ôter la poussière. J’aère la pièce aussi.
Je n'ose ouvrir le lit. Je déballe mon sac de couchage : je dormirai sur le couvre lit, ce sera parfait. Mon duvet est très épais, et dans la chambre passe l'énorme conduit de la cheminée. Pas de danger d'avoir froid.
Laissant tous mes habits au propre dans le sac à dos, je ne sors que mes affaires de toilette, mon réveil et quelques gadgets dont de l’encens : de quoi purifier la chambre.
Je n'ai guère le temps de rêver : la voiture de Lemire vient d'arriver dans la cour principale.
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Chapitre VIII
Chapitre VIII
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