®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Du silence au mensonge
Chapitre XI
Alphonse Daudet :
…La petite chèvre de monsieur Seguin
« Elle s'est battue avec le loup toute la nuit…
puis, le matin, le loup l'a mangée ».
…La petite chèvre de monsieur Seguin
« Elle s'est battue avec le loup toute la nuit…
puis, le matin, le loup l'a mangée ».
De l'unique fenêtre je perçois la lueur mouvante d'une bougie, malgré l'étoffe qui couvre les carreaux.
La pluie ne tombe plus ; le vent est entré dans la partie.
Il fait nuit noire.
J'attends mon sort.
Vingt heures sonnent.
Je frappe à la porte de la maisonnette.
J'attends toujours.
De longues minutes s'écoulent. Je suis certain de leur présence dans la maisonnette.
L'ordre d'entrer. Enfin.
J'ouvre la porte.
Je vois les quatre chevaliers dans la plus belle des tenues : avec les capes.
Avec le poêle et la bougie pour tout éclairage, ces quatre hommes ont une allure fantastique. J'ai l'impression d'être au cœur d'un film. Le seul petit problème… c'est que je ne connais pas le scénario… je ne sais ce qu'il doit advenir du héros que j’ai bien souhaité être !
Yvon me montre d'un geste de la main la place qui m'est destinée : là, debout, au milieu des quatre chevaliers.
Le silence qui règne est à glacer le sang. Pourtant, le poêle dégage une chaleur étouffante. Il doit faire plus de vingt-cinq degrés.
Dévisagé par quatre paires d'yeux, mon attention va de l'un à l'autre afin de ne pas baisser la tête. Les regards sont difficilement soutenables.
Doudou m'ordonne de me déshabiller.
J'ai pour ma part, le droit de garder mon slip.
Je me dénude devant eux.
À part Jean-Marc qui est fort athlétique et un peu plus grand que moi, je me trouve bien mieux bâti que ces hommes qui me scrutent avec force.
Je crois avoir belle allure, et mon slip couleur rouge lie de vin doit être du meilleur goût avec le vieux poêle et la bougie !
Ils sont assis sur de larges fauteuils.
Je prends la position du repos militaire, épaules bien en arrière, torse bombé… au centre d’un cercle tracé à la craie.
Les mains crispées dans le dos : les ongles prêts à me labourer la chair.
Cette attitude me donne de l'assurance, quasi nu devant eux.
Yvon et Lemire sont en face de moi. Jean-Claude à gauche, devant la porte, et Jean-Marc sur ma droite.
Je recule légèrement contre un des deux piliers. La fenêtre est derrière moi. Je suis prêt à la lutte… sans craindre qu'elle puisse être perdue d'avance…
L'épreuve du héros — ou peut-être son supplice — commence.
Nous sommes au Moyen-âge…
C’est vraiment la question !
La pluie ne tombe plus ; le vent est entré dans la partie.
Il fait nuit noire.
J'attends mon sort.
Vingt heures sonnent.
Je frappe à la porte de la maisonnette.
J'attends toujours.
De longues minutes s'écoulent. Je suis certain de leur présence dans la maisonnette.
L'ordre d'entrer. Enfin.
J'ouvre la porte.
Je vois les quatre chevaliers dans la plus belle des tenues : avec les capes.
Avec le poêle et la bougie pour tout éclairage, ces quatre hommes ont une allure fantastique. J'ai l'impression d'être au cœur d'un film. Le seul petit problème… c'est que je ne connais pas le scénario… je ne sais ce qu'il doit advenir du héros que j’ai bien souhaité être !
Yvon me montre d'un geste de la main la place qui m'est destinée : là, debout, au milieu des quatre chevaliers.
Le silence qui règne est à glacer le sang. Pourtant, le poêle dégage une chaleur étouffante. Il doit faire plus de vingt-cinq degrés.
Dévisagé par quatre paires d'yeux, mon attention va de l'un à l'autre afin de ne pas baisser la tête. Les regards sont difficilement soutenables.
Doudou m'ordonne de me déshabiller.
J'ai pour ma part, le droit de garder mon slip.
Je me dénude devant eux.
À part Jean-Marc qui est fort athlétique et un peu plus grand que moi, je me trouve bien mieux bâti que ces hommes qui me scrutent avec force.
Je crois avoir belle allure, et mon slip couleur rouge lie de vin doit être du meilleur goût avec le vieux poêle et la bougie !
Ils sont assis sur de larges fauteuils.
Je prends la position du repos militaire, épaules bien en arrière, torse bombé… au centre d’un cercle tracé à la craie.
Les mains crispées dans le dos : les ongles prêts à me labourer la chair.
Cette attitude me donne de l'assurance, quasi nu devant eux.
Yvon et Lemire sont en face de moi. Jean-Claude à gauche, devant la porte, et Jean-Marc sur ma droite.
Je recule légèrement contre un des deux piliers. La fenêtre est derrière moi. Je suis prêt à la lutte… sans craindre qu'elle puisse être perdue d'avance…
L'épreuve du héros — ou peut-être son supplice — commence.
Nous sommes au Moyen-âge…
C’est vraiment la question !
Ce n'est que
quelques jours
plus tard
que j’ai pu
me remémorer
un maximum des faits
de cette longue nuit.
Je tente de vous conter
cette initiation
dans ses grandes lignes,
sans être sûr
de n'avoir rien
oublié.
quelques jours
plus tard
que j’ai pu
me remémorer
un maximum des faits
de cette longue nuit.
Je tente de vous conter
cette initiation
dans ses grandes lignes,
sans être sûr
de n'avoir rien
oublié.
Les questions fusent de partout. Chacun leur tour ils me harcèlent… sans arrêt. Je dois répondre toujours plus vite, toujours avec davantage de précision.
Des questions simples tout d'abord :
Me voici en plein vent dans la nuit, presque nu, à attendre le bon vouloir de ces seigneurs tyranniques.
Quelques minutes s'écoulent et la porte s'ouvre : Doudou me fait signe de rentrer et l'interrogatoire reprend.
J'acquiesce sans dire un mot de plus.
J'ai à peine fait quelques pas dans la nuit que Doudou me rappelle, et c'est reparti…
De nouveau dehors, j'apprécie le fait qu'il recommence à pleuvoir : j'ai trop chaud. Du coté de la commanderie, il n'y a pas de lumière. Les autres doivent dormir.
C'est bon, on me rappelle.
Je crois que je suis en forme.
Yvon me montre la porte.
Je sors sous la pluie battante.
Il fait froid et l'estomac gargouille.
Je commence à souffrir psychologiquement.
Je dois tenir… m'apaiser.
J'ai l'impression de subir un lavage de cerveau.
J'attends cette fois de longues minutes.
Jean-Claude vient me chercher, toujours sans un mot.
Je reprends ma place…
Le tourbillon des questions recommence.
C’est noté : a déjà vécu quelques aventures féminines…
Je n’ai pas menti, car je n’ai jamais vécu la pénétration avec…
C’est un jeu de dupe… où ils tentent de me faire culpabiliser… ce que les prêtres et la famille, n’avaient pas réussi encore à ce jour !
Les sujets se suivent…
Je suis bon joueur.
Après d’autres nombreuses questions sur la considération de soi et de l’autre, nous entrons dans une phase plus philosophique de la discussion : sur la vie, la mort, la capacité à donner, le sens du sacrifice… puis vient le temps de la compréhension des éléments. Ils me testent sur mes connaissances… comme Lemire avait déjà abordé ces sujets lors des réunions nocturnes.
Les questions continuent… elles fusent de toutes parts, entrecoupées de sorties sous la pluie.
Des questions simples tout d'abord :
- — Qui es-tu ?
- — Philippe Marie Joseph de Bourlon.
- — D'où viens-tu ?
- — De D**, dans la Somme.
- — Ton âge ?
- — Dix-huit ans.
- — Es-tu physiquement un homme ?
- — Si je suis un homme ?
- — Tu dois répondre correctement à nos questions !
Me voici en plein vent dans la nuit, presque nu, à attendre le bon vouloir de ces seigneurs tyranniques.
Quelques minutes s'écoulent et la porte s'ouvre : Doudou me fait signe de rentrer et l'interrogatoire reprend.
- — Es-tu un homme ?
- — Oui…
- — Sportif ?
- — Oui, je fais de la natation, du ski, du badminton…
- — C'est un sport de fillette.
- — Non, c'est aussi physique que le squash !
- — Aimes-tu te mesurer aux autres ?
- — Oui.
- — Tu aimes gagner ?
- — Oui, bien sûr… mais j'aime surtout jouer
- — Tu triches pour gagner ?
- — Non, je serais plutôt du style à changer les règles si je les trouve inadaptées !
- — Tu triches alors !
- — Non, j'adapte.
- — Sors immédiatement…
J'acquiesce sans dire un mot de plus.
J'ai à peine fait quelques pas dans la nuit que Doudou me rappelle, et c'est reparti…
- — Crois-tu être un homme, lorsque tu triches ?
- — Je ne triche pas.
- — Bien. As-tu des loisirs ?
- — Oui, lecture, jeux…
- — Quels jeux ?
- — Des jeux de rôle, de stratégie.
- — Tu joues souvent ?
- — Une fois par semaine, le vendredi soir.
- — Avec qui, où ?
- — Chez des copains…
- — Qui ?
- — Julien Delbon, François d'Autheuil, François Caudin… et aussi Michel de Marbot.
- — Ce sont tes amis ?
- — Si on veut…
- — Tu dois donner des réponses exactes !
De nouveau dehors, j'apprécie le fait qu'il recommence à pleuvoir : j'ai trop chaud. Du coté de la commanderie, il n'y a pas de lumière. Les autres doivent dormir.
C'est bon, on me rappelle.
Je crois que je suis en forme.
- — Qu'as-tu fait pour te dire homme ?
- — … ?
- — Es-tu fier de toi ?
- — Oui.
- — Pourquoi ?
- — Eh bien…
- — Tu as sauté ?
- — Oui, bien sûr, déjà dix-sept fois… Je profite toujours des places disponibles dans les avions, et mon capitaine l’apprécie beaucoup.
- — Tu l’aimes ?
- — Beaucoup… le parachutisme.
- — Pourquoi ?
- — J'aime me confronter au vide.
- — Tu as peur lorsque tu sautes ?
- — Non.
- — Tu n'as pas peur en sortant de l'avion ?
- — Non, c'est ce que j'aime le plus !
- — Tu n'as pas peur de la mort, alors ?
- — Je ne sais pas…
- — Tu es physiquement un homme, alors.
- — Je crois que vous pouvez le constater en me regardant… surtout dans ma tenue !
- — Tes propos sont déplacés.
Yvon me montre la porte.
Je sors sous la pluie battante.
Il fait froid et l'estomac gargouille.
Je commence à souffrir psychologiquement.
Je dois tenir… m'apaiser.
J'ai l'impression de subir un lavage de cerveau.
J'attends cette fois de longues minutes.
Jean-Claude vient me chercher, toujours sans un mot.
Je reprends ma place…
Le tourbillon des questions recommence.
- — As-tu des amis ?
- — Oui.
- — Des filles ?
- — Aussi.
- — Beaucoup ?
- — Non.
- — Combien ?
- — Une surtout.
- — Qui est-ce ?
- — Laure de Vallons.
- — Tu as déjà eu des rapports avec elle ?
- — Des rapports sexuels ??
- — Oui !
- — Non… pour être précis…
- — Mensonge… dit Lemire !
C’est noté : a déjà vécu quelques aventures féminines…
- — Oui, et non… vous le savez donc !
Je n’ai pas menti, car je n’ai jamais vécu la pénétration avec…
- — Suffit !
- — Avec d'autres filles ?
- — Non… toujours pas de pénétration : quelques embrassades et câlins… des caresses… et…
- — Hum… et avec des garçons ? As-tu déjà eu des relations sexuelles ?
- — Pareil… oui, pas davantage : encore moins l’idée d’une pénétration, car la sodomie ne m’attire pas du tout.
- — Tes commentaires sont inutiles !
- — Comme tout le monde… certainement.
- — Tu n’es pas tout le monde…
- — Oui…
- — Tu as honte ?
- — Non.
- — C’est mal…
- — Non, c’est naturel !
- — Comment peux-tu dire cela ?
- — Je connais plutôt bien mon corps et je le respecte…
C’est un jeu de dupe… où ils tentent de me faire culpabiliser… ce que les prêtres et la famille, n’avaient pas réussi encore à ce jour !
Les sujets se suivent…
Je suis bon joueur.
Après d’autres nombreuses questions sur la considération de soi et de l’autre, nous entrons dans une phase plus philosophique de la discussion : sur la vie, la mort, la capacité à donner, le sens du sacrifice… puis vient le temps de la compréhension des éléments. Ils me testent sur mes connaissances… comme Lemire avait déjà abordé ces sujets lors des réunions nocturnes.
Les questions continuent… elles fusent de toutes parts, entrecoupées de sorties sous la pluie.
Une heure
passe encore,
deux
ou trois
peut-être ?
Beaucoup de questions
et de réponses m'échappent…
encore à ce jour.
La tension monte
peu à peu.
Je tiens bon
jusque maintenant.
J’ai vraiment réussi
à garder ma liberté
sans dévoiler
totalement
ma nature…
conserver
mon jardin secret.
Rester moi-même !
Je tente d’utiliser
la tactique des questions
comme réponse,
et celle
des développements fleuves…
passe encore,
deux
ou trois
peut-être ?
Beaucoup de questions
et de réponses m'échappent…
encore à ce jour.
La tension monte
peu à peu.
Je tiens bon
jusque maintenant.
J’ai vraiment réussi
à garder ma liberté
sans dévoiler
totalement
ma nature…
conserver
mon jardin secret.
Rester moi-même !
Je tente d’utiliser
la tactique des questions
comme réponse,
et celle
des développements fleuves…
- — Crois-tu ?
- — En qui ?
- — Arrête de poser sans arrêts des questions !
Retourne te changer d'air.
Ce n’est pas gagné !
Me voici encore grelottant dans la nuit noire, les pieds nus dans les rigoles creusées par l'orage, le slip trempé me glace, je me réchauffe en me frottant les mains contre mon sexe, en évitant d’être en érection….
J’en profite pour uriner. Cela remet généralement l’esprit en place.
Le vent me fouette le corps.
J'attends que la porte s'ouvre de nouveau. Ah…
Apaisé, je regagne ma place au geste de Jean-Marc.
- — Crois-tu ?
- — Oui et non.
- — En Dieu ou au diable ?
- — Je pense qu’il faut apprendre à croire… pour croire en un dieu ou en un diable.
Oui, par tradition, « je crois au Dieu tout puissant créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible »…
- — C'est bon !
- — Je ne sais pas… le bien et le mal sont deux oppositions qui se rejoignent… je ne les comprends pas vraiment.
- — As-tu déjà menti ?
- — À moi-même, le moins possible… pour les autres, la vérité est relative !
- — As-tu déjà menti à tes idées ?
- — Non… je ne le pense pas ?
- — Non, par rapport à quoi, à qui ?
- — Cela dépend… je n’aime pas faire souffrir les autres…
- — Pour te protéger ?
- — Je ne sais vraiment pas ? Oui peut-être ?
- — Pour ton plaisir ?
- — Aussi, certainement. Mais je n’ai pas de plaisir à voir les autres souffrir… ni à souffrir moi-même.
- — As-tu fauté ?
- — Je ne sais pas… oui et non ?
- — As-tu honte de toi ?
- — Ça, Non.
- — Comment cela ?
- — Non.
- — Tu n'as jamais eu honte ?
- — De moi, non !
- — Tu es orgueilleux.
- — Non, je suis fier.
- — C'est la même chose.
- — Non.
- — Explique-toi ?
- — Les orgueilleux abaissent les autres ; le fier les élève !
- — Et la honte ?
- — C'est refuser d'assumer ses actes.
- — Comment réagis-tu devant une faute commise par un autre ?
- — Je peux avoir du mépris, de la pitié ou de la haine…
- — As-tu de la haine contre quelqu'un ?
- — Oui, peut-être !
- — Contre qui ?
- — Contre VOUS, contre vous tous !!
Les yeux d'Yvon me brûlent le visage…
- — Tu as peur.
- — Ce n'est pas de la peur : j’ai trop froid et trop chaud.
- — Que crains-tu le plus ?
- — RIEN !!
- — Tu veux le fouet ?
- — Si vous voulez !
Doudou se lève.
Yvon le fait rasseoir.
- — Pas maintenant.
Le rythme s'accélère.
La tension monte.
Je sens des gouttes de sueur brûlantes, me couler le long du dos.
Une question revient toujours :
- — Es-tu un homme ?
- — Oui.
- — Es-tu un garçon ?
- — Oui !
- — Prouve-le !
Je ne sais que faire,
que répondre encore…
leur montrer mon sexe ?
Cela fait déjà un bon moment
que cette possibilité
aurait dû être formulée
en question !
Je baisse soudainement
mon slip trempé
qui me dérangeait,
jusqu’au bas des chevilles,
l’abandonne
d’un coup de pied,
et me voici nu
comme un vers
devant eux…
Fier !
Plus libre,
plus beau !
Plus fort !
Comme Yvon me renvoie
dehors…
cela ne devait pas
être exactement
la solution
qu’ils espéraient ?
que répondre encore…
leur montrer mon sexe ?
Cela fait déjà un bon moment
que cette possibilité
aurait dû être formulée
en question !
Je baisse soudainement
mon slip trempé
qui me dérangeait,
jusqu’au bas des chevilles,
l’abandonne
d’un coup de pied,
et me voici nu
comme un vers
devant eux…
Fier !
Plus libre,
plus beau !
Plus fort !
Comme Yvon me renvoie
dehors…
cela ne devait pas
être exactement
la solution
qu’ils espéraient ?
Cela me paraît féerique.
Je n’ai plus froid : je brûle de mille feux.
Le repas de midi est bien loin, et cependant la faim ne me fait pas souffrir.
J'ai l'impression que je vais m’envoler…
Je suis libre.
Nu — sous la pluie — c’est une sensation de bien être magnifique comme lorsque je me baigne dans la mer ! Un plaisir intense me gagne.
Me voici plus fort qu’eux tous réunis.
J’ai laissé loin de moi les biens du monde — comme François d’Assise — pour partir libre, à l’aventure !
Je n’ai plus froid : je brûle de mille feux.
Le repas de midi est bien loin, et cependant la faim ne me fait pas souffrir.
J'ai l'impression que je vais m’envoler…
Je suis libre.
Nu — sous la pluie — c’est une sensation de bien être magnifique comme lorsque je me baigne dans la mer ! Un plaisir intense me gagne.
Me voici plus fort qu’eux tous réunis.
J’ai laissé loin de moi les biens du monde — comme François d’Assise — pour partir libre, à l’aventure !
Je veux tenir
jusqu’au bout
et gagner :
lutter de toutes mes forces,
de toute mon âme,
de tout mon corps…
de tout mon cœur !
jusqu’au bout
et gagner :
lutter de toutes mes forces,
de toute mon âme,
de tout mon corps…
de tout mon cœur !
Jean-Marc vient me rechercher.
Je n'ai pas vu son geste, de la porte.
Je suis fort, plus fort certainement que vous tous car j’ai soif d’apprendre la vie et d’être libre !
J’aime la liberté.
Je ne crains pas la souffrance ! Je suis prêt à tout pour devenir un homme fier et vivant…
Je vous méprise tous !!
Lemire se lève, sort.
Quelques longues minutes passent dans un silence pesant.
Il revient avec Yannick, en tenue d’écuyer.
Il n’était pas encore endormi, à son allure… à son regard.
Philippe, tu dois gérer cette situation.
Prends le fouet et agis donc en homme.
Moi, cela m’est bien égal d’avoir un voyeur de plus dans la nuit…
C’est cela être un homme !
Yannick défait sans broncher sa chemise, pour montrer un dos où se dessinent encore quelques anciennes traces… quelques lézardes rappelant des corrections passées.
Je me place — avant que l’on ne m’y invite — à côté de lui… paré !
Jean-Claude a pris le fouet…
Il le claque au sol.
Yannick ne dit rien.
Il serre les dents sans trembler.
Le fouet claque encore sur le sol, deux fois, trois fois, et sur le dos de Yannick… encore…
…Puis sur le mien.
Deux fois aussi.
Oui ! Face à ces monstres, il est préférable d’avoir Yannick comme allié plutôt que de le savoir ennemi. Si je me venge de cette histoire où nous ne sommes que des pions, je serai toujours en danger de nouvelles représailles ou de trahisons. Là, Yannick me sera fidèle car il n’oubliera pas ma clémence !
Yannick s’est blotti dans un angle de la pièce.
Il a quelques larmes silencieuses qui coulent le long de son visage ingrat.
Les questions reprennent et se répètent parfois…
Dans un élan de folie ?
Je me dirige… calmement vers le poêle.
Yvon frémit lorsqu'il me voit passer près du poignard accroché au deuxième pilier. Une certaine angoisse passe sur son visage. J'émets presque un sourire… je suis fier ! Il est vrai que je le fixais depuis un bon moment… sans trop le voir en fait.
Je ne pensais plus du tout les tuer. Cette vaine révolte oubliée serait plutôt celle d'un combattant sans force et au bord de la soumission malgré tout. La petite chèvre de Monsieur Seguin est toujours mangée par le loup lors d’un combat…
Les armes — cette nuit — ne sont pas égales.
« Combattre est déjà une défaite » me disait mon père. C’était, à mon souvenir, une maxime d’un grand sage chinois…
Il me faut continuer à les surprendre, être dans la lutte : les mettre en défaut… montrer que je tiens la barre !
Mon plan se préparait soigneusement depuis déjà quelques minutes.
De la main gauche — trempée par la transpiration — j'ouvre la porte rougeoyante du petit poêle.
D'un geste lent et mesuré, à l'image d'un film au ralenti… j'attrape à pleine paume un charbon ardent, et je le montre en vainqueur aux quatre bourreaux.
Je suis Guépard Ardent : mon totem !
Il prend davantage sens, cette nuit !
Mon corps tout entier frémit ; je sens même mon sexe se durcir légèrement… tout en gardant j’espère, un aspect décent devant ces voyeurs !
Je ne gère plus rien, en fait !
L'accueil est d’un silence glacial.
Ils ont l'air de souffrir pour moi… ces minables, en ne voyant que la braise crépiter sur la paume.
D'un signe d'Yvon, je sais que je dois sortir.
Je remets alors calmement le charbon de bois à sa place… et referme même la porte du petit poêle.
…Un silence à glacer le sang…
Je retourne dehors.
La pluie a cessé.
Le vent a chassé quelques nuages.
J'aperçois la Grande Ourse.
Ma main ne me fait absolument pas mal.
J'ai chaud, très chaud, au point de grelotter. Mes genoux s'entrechoquent légèrement.
J'entreprends quelques exercices de respiration appris par mon père.
Mon pouls se calme.
Je n'ai pas vu son geste, de la porte.
- — Es-tu un homme ?
- — Oui !
- — Es-tu un garçon ?
- — Oui ! Je m'appelle Philippe… Je n'ai pas peur !
Je suis fort, plus fort certainement que vous tous car j’ai soif d’apprendre la vie et d’être libre !
J’aime la liberté.
Je ne crains pas la souffrance ! Je suis prêt à tout pour devenir un homme fier et vivant…
Je vous méprise tous !!
Lemire se lève, sort.
Quelques longues minutes passent dans un silence pesant.
Il revient avec Yannick, en tenue d’écuyer.
Il n’était pas encore endormi, à son allure… à son regard.
- — Voici Yannick.
Philippe, tu dois gérer cette situation.
Prends le fouet et agis donc en homme.
- — Quelle faute ?
- — Il a tenté de regarder ton initiation…
- — Qui le condamne ? Vous ?
Moi, cela m’est bien égal d’avoir un voyeur de plus dans la nuit…
- — Tu refuses d’obéir à la règle ?
- — Oui, je refuse d’obéir… non pas à la règle mais à votre idée de la règle, si l’ordre n’est pas honnête.
- — Comment oses-tu dire que l’ordre n’est pas juste ?
- — Je ne suis pas un lâche.
C’est cela être un homme !
- — Tu vas donc payer pour lui…
- — Avec plaisir !
- — Yannick et Philippe, vous allez donc recevoir chacun deux coups de fouets pour non respect des règles de la chevalerie.
Yannick défait sans broncher sa chemise, pour montrer un dos où se dessinent encore quelques anciennes traces… quelques lézardes rappelant des corrections passées.
Je me place — avant que l’on ne m’y invite — à côté de lui… paré !
- — Es-tu un homme ? Es-tu un garçon ?
- — Plaise à vous.
Jean-Claude a pris le fouet…
Il le claque au sol.
Yannick ne dit rien.
Il serre les dents sans trembler.
Le fouet claque encore sur le sol, deux fois, trois fois, et sur le dos de Yannick… encore…
…Puis sur le mien.
Deux fois aussi.
- — Tu as le droit maintenant de punir vraiment Yannick, car tu as été fouetté par sa faute : il a été désobéissant vis-à-vis de la règle, et fort lâche de ne pas assumer son acte.
- — Je lui pardonne…
Oui ! Face à ces monstres, il est préférable d’avoir Yannick comme allié plutôt que de le savoir ennemi. Si je me venge de cette histoire où nous ne sommes que des pions, je serai toujours en danger de nouvelles représailles ou de trahisons. Là, Yannick me sera fidèle car il n’oubliera pas ma clémence !
Yannick s’est blotti dans un angle de la pièce.
Il a quelques larmes silencieuses qui coulent le long de son visage ingrat.
Les questions reprennent et se répètent parfois…
- — Es-tu un homme ? Es-tu un garçon ?
Dans un élan de folie ?
Je me dirige… calmement vers le poêle.
Yvon frémit lorsqu'il me voit passer près du poignard accroché au deuxième pilier. Une certaine angoisse passe sur son visage. J'émets presque un sourire… je suis fier ! Il est vrai que je le fixais depuis un bon moment… sans trop le voir en fait.
Je ne pensais plus du tout les tuer. Cette vaine révolte oubliée serait plutôt celle d'un combattant sans force et au bord de la soumission malgré tout. La petite chèvre de Monsieur Seguin est toujours mangée par le loup lors d’un combat…
Les armes — cette nuit — ne sont pas égales.
« Combattre est déjà une défaite » me disait mon père. C’était, à mon souvenir, une maxime d’un grand sage chinois…
Il me faut continuer à les surprendre, être dans la lutte : les mettre en défaut… montrer que je tiens la barre !
Mon plan se préparait soigneusement depuis déjà quelques minutes.
De la main gauche — trempée par la transpiration — j'ouvre la porte rougeoyante du petit poêle.
D'un geste lent et mesuré, à l'image d'un film au ralenti… j'attrape à pleine paume un charbon ardent, et je le montre en vainqueur aux quatre bourreaux.
- — Je suis un garçon, je suis un HOMME !
Je suis Guépard Ardent : mon totem !
Il prend davantage sens, cette nuit !
Mon corps tout entier frémit ; je sens même mon sexe se durcir légèrement… tout en gardant j’espère, un aspect décent devant ces voyeurs !
Je ne gère plus rien, en fait !
L'accueil est d’un silence glacial.
Ils ont l'air de souffrir pour moi… ces minables, en ne voyant que la braise crépiter sur la paume.
D'un signe d'Yvon, je sais que je dois sortir.
Je remets alors calmement le charbon de bois à sa place… et referme même la porte du petit poêle.
…Un silence à glacer le sang…
Je retourne dehors.
La pluie a cessé.
Le vent a chassé quelques nuages.
J'aperçois la Grande Ourse.
Ma main ne me fait absolument pas mal.
J'ai chaud, très chaud, au point de grelotter. Mes genoux s'entrechoquent légèrement.
J'entreprends quelques exercices de respiration appris par mon père.
Mon pouls se calme.
Je sais
en moi-même
que cela n'ira pas
beaucoup plus loin.
Je pense avoir réussi.
J’ai gagné cette
partie infernale
d’un jeu
où ces hommes
ont cherché
à saisir les limites
et les failles
de mon être.
Je suis heureux
de cette épreuve
où j’ai pu tenir fièrement
sans me dévoiler…
J’ai gardé mon intégrité.
J’ai été brillant
dans cette lutte,
sans avoir
la moindre admiration
pour ces êtres
que je trouve
sans envergure.
Je les méprise…
je les déteste !
en moi-même
que cela n'ira pas
beaucoup plus loin.
Je pense avoir réussi.
J’ai gagné cette
partie infernale
d’un jeu
où ces hommes
ont cherché
à saisir les limites
et les failles
de mon être.
Je suis heureux
de cette épreuve
où j’ai pu tenir fièrement
sans me dévoiler…
J’ai gardé mon intégrité.
J’ai été brillant
dans cette lutte,
sans avoir
la moindre admiration
pour ces êtres
que je trouve
sans envergure.
Je les méprise…
je les déteste !
J'attends certainement dix longues minutes, apaisé.
Je les regarde lentement s'égrener à l'horloge de la chapelle.
La porte s'ouvre.
Je pense que c'est la dernière fois.
Jean-Claude me fait signe.
Dans la maisonnette, les quatre maîtres sont debout.
L'initiation est donc achevée.
Tous partent à l'exception d'Yvon.
Sans placer un mot, sans un regard, il allume une imposante torche, et d’un geste me convie à le suivre, à la lumière de feu.
Nous traversons les ruines de la Commanderie, escaladons deux pierriers, et nous voici à côté d'un des sarcophages où une tôle est relevée.
Une lueur émane du sol.
Un souterrain.
Yvon descend par une échelle dans les catacombes…
Je le suis.
Le passage est étroit, je me brûle le dos et les coudes aux murs de pierres, et après quelques mètres à quatre pattes, j’arrive dans une magnifique crypte voûtée.
Une douzaine de torches accrochées aux parois en arc roman, brûlent et animent la scène d’une manière féerique.
Ils sont là tous les quatre, debout, les mains jointes sur la garde de leurs épées, les pointes au sol.
Ils m’attendent !
C'est ma récompense !
Je me place au centre de l’étoile à cinq branches, dessinée en pisé sur le sol de la crypte.
Yvon me tend son épée.
Soupèse-la donc : mesure ta charge et prends en conscience.
Assume.
C’est l'épée que tu vas devoir porter pour ton Chevalier instructeur.
C’est encore pour toi le temps de l’apprentissage, avant d’assumer par toi-même les travaux de Chevalier qui t’incomberont… lorsque ton heure sera venue.
L’épée est lourde et massive.
Je dois donc mesurer le poids de la charge.
J’ai hâte d’être enfin Chevalier.
Porter cette épée pour moi-même, et vivre pleinement ma charge.
J’assume.
J’en suis fier.
Yvon me demande alors de m’allonger, dos contre le sol, les bras et jambes en croix, dans l’étoile, comme sur le dessin de Léonard de Vinci.
Alors, autour de mon corps nu, exposé sur ce sol humide, les quatre chevaliers tournent lentement en récitant des prières en latin.
Quelques minutes encore… une éternité ?
Je puis me relever, sale et transi.
Mais fier !
Si fier !
Nous quittons ce lieu fantasmagorique, sans que je puisse en saisir toutes les merveilles…
Cela fait beaucoup — en une nuit — pour un seul homme !
C’est vraiment fini cette fois. Les chevaliers se séparent.
Je rentre avec Yvon à la maisonnette. Il me plaque un thermomètre sensitif sur le front.
Quatre heures sonnent.
Il ouvre la grande malle rouge, emplie de nombreux médicaments.
Dors !
J'avale quasi la plaquette de médicaments avec l'eau qu'il me tend, et badigeonne la brûlure avec une pommade épaisse. Je me frotte un peu le corps avec ma serviette — surtout les pieds forts éprouvés — et je m'allonge.
Enveloppé dans mon bon duvet, je sombre dans un sommeil profond.
Je les regarde lentement s'égrener à l'horloge de la chapelle.
La porte s'ouvre.
Je pense que c'est la dernière fois.
Jean-Claude me fait signe.
Dans la maisonnette, les quatre maîtres sont debout.
L'initiation est donc achevée.
Tous partent à l'exception d'Yvon.
Sans placer un mot, sans un regard, il allume une imposante torche, et d’un geste me convie à le suivre, à la lumière de feu.
Nous traversons les ruines de la Commanderie, escaladons deux pierriers, et nous voici à côté d'un des sarcophages où une tôle est relevée.
Une lueur émane du sol.
Un souterrain.
Yvon descend par une échelle dans les catacombes…
Je le suis.
Le passage est étroit, je me brûle le dos et les coudes aux murs de pierres, et après quelques mètres à quatre pattes, j’arrive dans une magnifique crypte voûtée.
Une douzaine de torches accrochées aux parois en arc roman, brûlent et animent la scène d’une manière féerique.
Ils sont là tous les quatre, debout, les mains jointes sur la garde de leurs épées, les pointes au sol.
Ils m’attendent !
C'est ma récompense !
Je me place au centre de l’étoile à cinq branches, dessinée en pisé sur le sol de la crypte.
Yvon me tend son épée.
- — Doux et bel enfant du Dieu tout puissant, te voici artisan du Grand Architecte de l’Univers.
Soupèse-la donc : mesure ta charge et prends en conscience.
Assume.
C’est l'épée que tu vas devoir porter pour ton Chevalier instructeur.
C’est encore pour toi le temps de l’apprentissage, avant d’assumer par toi-même les travaux de Chevalier qui t’incomberont… lorsque ton heure sera venue.
L’épée est lourde et massive.
Je dois donc mesurer le poids de la charge.
J’ai hâte d’être enfin Chevalier.
Porter cette épée pour moi-même, et vivre pleinement ma charge.
J’assume.
J’en suis fier.
Yvon me demande alors de m’allonger, dos contre le sol, les bras et jambes en croix, dans l’étoile, comme sur le dessin de Léonard de Vinci.
Alors, autour de mon corps nu, exposé sur ce sol humide, les quatre chevaliers tournent lentement en récitant des prières en latin.
Quelques minutes encore… une éternité ?
Je puis me relever, sale et transi.
Mais fier !
Si fier !
Nous quittons ce lieu fantasmagorique, sans que je puisse en saisir toutes les merveilles…
Cela fait beaucoup — en une nuit — pour un seul homme !
C’est vraiment fini cette fois. Les chevaliers se séparent.
Je rentre avec Yvon à la maisonnette. Il me plaque un thermomètre sensitif sur le front.
- — Tu as de la fièvre. Montre ta main…
Quatre heures sonnent.
Il ouvre la grande malle rouge, emplie de nombreux médicaments.
- — Voici de quoi te refaire une santé.
Dors !
J'avale quasi la plaquette de médicaments avec l'eau qu'il me tend, et badigeonne la brûlure avec une pommade épaisse. Je me frotte un peu le corps avec ma serviette — surtout les pieds forts éprouvés — et je m'allonge.
Enveloppé dans mon bon duvet, je sombre dans un sommeil profond.
Vers le
Chapitre XII
Chapitre XII
®© Du silence au mensonge,
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
Pirate des mots et philanalyste en herbe.
Tous droits réservés.
Des écrits de Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
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Auteur : Yves Philippe de Francqueville