C'était le Paradis, des nouveaux Contes de moelle, par Yves Philippe de francqueville, philanalyste et pirate des mots…
C’était le Paradis…
Le Paradis…
Il était situé, avec ses annexes, à deux pas du grand manoir au milieu d’un jardin à la française, dans quelques bâtisses plus ou moins abandonnées dont les façades gardaient une certaine noblesse !
De la pierre et de la brique.
Les fondations du XVème siècle avaient conservé les belles caves voûtées aux souterrains introuvables, que je cherche encore…
Au rez-de-chaussée de l’une des salles, des outils d’un autre âge finissaient de rouiller, le bois mangé par la mérule depuis bien longtemps. C’était de grandes pièces majestueuses qui servaient voici à peine cent ans encore, de cuisines et d’arrière-cuisines, avec des cheminées immenses où un bœuf entier pouvait être embroché !
Il faut oser contourner les sacs d’engrais, le bûcher improvisé et affronter le vieil escalier, dont la rampe antique s’était trouvée une mission originale de bois de chauffage pour les Allemands qui avaient occupé les lieux, voici quarante ans.
Qui pouvait imaginer qu’au-delà de cette limite, après avoir traversé — tel Charon sur sa barque — le fleuve des Enfers, nous arrivions sur l’autre rive, non dans l’empire des morts, que nous quittions en fait… mais dans le monde des vivants ?
L’Enfer est sur Terre ?
Peut-être…
Et le Paradis ?
Oui. J’en ai la certitude…
Il faut d’abord « croire au bonheur » comme Léon Tolstoï sut si souvent me le rappeler à travers son œuvre.
Accueillir le plaisir, oser aller à sa rencontre…
Il faut aussi comprendre que la société — avec une très grande habileté — ne nous invite surtout pas à le découvrir !
Alors, lorsque l’on trouve un passeur : avec un peu d’audace, l’aventure est à nous !
Oui, c’était le Paradis.
Un jardin secret tout à côté d’un des manoirs de mon enfance…
Le château de ma mère.
La tétralogie de Marcel Pagnol est une aventure merveilleuse où l’auteur s’est magnifiquement révélé, tout en évitant jusqu’au Temps des Amours, de trop en écrire, au risque peut-être de ne pas en dire suffisamment sur les désirs des cœurs et des corps ?
Le Paradis.
Cette dénomination fut trouvée naturellement par Paul et moi.
Je l’avais écrite en belles majuscules, du haut de mes six ans, avec un final en « e ».
Présentant fièrement et en toute innocence « mon Paradie », je subissais alors les moqueries du redoutable dragon : cette professeur de français, bien plus apte à la critique qu’à l’encouragement et l’apprentissage…
La sorcière… la mère de Paul.
Le « s » réglementaire — bien compris — m’a convaincu par la suite qu’il y avait certainement plusieurs paradis…
D’autres alors ont pris naissance et formes heureuses…
Depuis, ma quête est inchangée : je suis à la recherche en tout lieu — par chacune de mes rencontres — de tous les édens !
J’en découvre, j’en bâtis, je me fais passeur !
Ah ! L’Enfer est cependant si proche… les ténèbres aussi.
Nous arrivions dans notre olympe, parfois blessés par les médiocres qui ne nous comprenaient pas, ou par les forces morales qui nous châtiaient souvent, sans jugement préalable…
Meurtris — soit — mais toujours ce merveilleux espace de liberté nous restaurait. Nous étions dans la cité des dieux.
Ceux qui ne nous tuaient pas, nous rendaient-ils plus fort ?
Oui et non !
Certainement davantage que ce pauvre Friedrich Nietzsche, qui n’a pas pu résister finalement aux assauts des bourreaux sans cœur, lui qui en avait trop pour le siècle où son génie du cœur ne pouvait poindre, en raison de sa solitude étrangère.
Il était situé, avec ses annexes, à deux pas du grand manoir au milieu d’un jardin à la française, dans quelques bâtisses plus ou moins abandonnées dont les façades gardaient une certaine noblesse !
De la pierre et de la brique.
Les fondations du XVème siècle avaient conservé les belles caves voûtées aux souterrains introuvables, que je cherche encore…
Au rez-de-chaussée de l’une des salles, des outils d’un autre âge finissaient de rouiller, le bois mangé par la mérule depuis bien longtemps. C’était de grandes pièces majestueuses qui servaient voici à peine cent ans encore, de cuisines et d’arrière-cuisines, avec des cheminées immenses où un bœuf entier pouvait être embroché !
Il faut oser contourner les sacs d’engrais, le bûcher improvisé et affronter le vieil escalier, dont la rampe antique s’était trouvée une mission originale de bois de chauffage pour les Allemands qui avaient occupé les lieux, voici quarante ans.
Qui pouvait imaginer qu’au-delà de cette limite, après avoir traversé — tel Charon sur sa barque — le fleuve des Enfers, nous arrivions sur l’autre rive, non dans l’empire des morts, que nous quittions en fait… mais dans le monde des vivants ?
L’Enfer est sur Terre ?
Peut-être…
Et le Paradis ?
Oui. J’en ai la certitude…
Il faut d’abord « croire au bonheur » comme Léon Tolstoï sut si souvent me le rappeler à travers son œuvre.
Accueillir le plaisir, oser aller à sa rencontre…
Il faut aussi comprendre que la société — avec une très grande habileté — ne nous invite surtout pas à le découvrir !
Alors, lorsque l’on trouve un passeur : avec un peu d’audace, l’aventure est à nous !
Oui, c’était le Paradis.
Un jardin secret tout à côté d’un des manoirs de mon enfance…
Le château de ma mère.
La tétralogie de Marcel Pagnol est une aventure merveilleuse où l’auteur s’est magnifiquement révélé, tout en évitant jusqu’au Temps des Amours, de trop en écrire, au risque peut-être de ne pas en dire suffisamment sur les désirs des cœurs et des corps ?
Le Paradis.
Cette dénomination fut trouvée naturellement par Paul et moi.
Je l’avais écrite en belles majuscules, du haut de mes six ans, avec un final en « e ».
Présentant fièrement et en toute innocence « mon Paradie », je subissais alors les moqueries du redoutable dragon : cette professeur de français, bien plus apte à la critique qu’à l’encouragement et l’apprentissage…
La sorcière… la mère de Paul.
Le « s » réglementaire — bien compris — m’a convaincu par la suite qu’il y avait certainement plusieurs paradis…
D’autres alors ont pris naissance et formes heureuses…
Depuis, ma quête est inchangée : je suis à la recherche en tout lieu — par chacune de mes rencontres — de tous les édens !
J’en découvre, j’en bâtis, je me fais passeur !
Ah ! L’Enfer est cependant si proche… les ténèbres aussi.
Nous arrivions dans notre olympe, parfois blessés par les médiocres qui ne nous comprenaient pas, ou par les forces morales qui nous châtiaient souvent, sans jugement préalable…
Meurtris — soit — mais toujours ce merveilleux espace de liberté nous restaurait. Nous étions dans la cité des dieux.
Ceux qui ne nous tuaient pas, nous rendaient-ils plus fort ?
Oui et non !
Certainement davantage que ce pauvre Friedrich Nietzsche, qui n’a pas pu résister finalement aux assauts des bourreaux sans cœur, lui qui en avait trop pour le siècle où son génie du cœur ne pouvait poindre, en raison de sa solitude étrangère.
Paul et moi étions deux… solidaires encore à l’époque.
Le monde du dehors maudissait notre nature.
Les cerbères de la porte des enfers, bien que redoutables, n’avaient pas les cartes, ni l’imagination pour trouver cet eldorado.
Nous y avions construit des espaces merveilleux, où l’amour était roi.
Nous n’avions pas la nécessité de rudes mules chargées d’or, mais nous vivions parmi de belles vigognes, offrant d’elles-mêmes le trésor de leur douceur sublime.
Celles et ceux qui osaient venir jusqu’à la berge recevaient notre approbation pour traverser le Styx — avec ou sans obole, un rameau d’or à la main — et les voici disposés à entrer dans ce paradis…
Nous savions les accueillir divinement, leur offrir de vivre quelque espace-temps de liberté.
Ah, chère zone autonome temporaire, où mon enfance a pris force vive !
Oui, c’est bien là que s’est forgée ma puissance de feu créatrice.
Au cœur de ce jardin secret se sont construits mille et un projets, des plans, des idées, des inventions, des créations, pour un à venir extraordinaire !
Sept années se sont passées où la richesse des rencontres, le merveilleux du présent vécu, laissaient présager un futur heureux… dans une joie sans fin, un bonheur révélant notre humanité !
Que s’est-il passé ?
Pourquoi ?
Comment ?
Tel Candide, chassé du château de Monsieur le baron de Tunder-ten-Tronkh, Paul ne vint plus en notre paradis. Je trouvais alors l’espace glacial et insupportable, sans sa présence aimante.
Le monde du dehors maudissait notre nature.
Les cerbères de la porte des enfers, bien que redoutables, n’avaient pas les cartes, ni l’imagination pour trouver cet eldorado.
Nous y avions construit des espaces merveilleux, où l’amour était roi.
Nous n’avions pas la nécessité de rudes mules chargées d’or, mais nous vivions parmi de belles vigognes, offrant d’elles-mêmes le trésor de leur douceur sublime.
Celles et ceux qui osaient venir jusqu’à la berge recevaient notre approbation pour traverser le Styx — avec ou sans obole, un rameau d’or à la main — et les voici disposés à entrer dans ce paradis…
Nous savions les accueillir divinement, leur offrir de vivre quelque espace-temps de liberté.
Ah, chère zone autonome temporaire, où mon enfance a pris force vive !
Oui, c’est bien là que s’est forgée ma puissance de feu créatrice.
Au cœur de ce jardin secret se sont construits mille et un projets, des plans, des idées, des inventions, des créations, pour un à venir extraordinaire !
Sept années se sont passées où la richesse des rencontres, le merveilleux du présent vécu, laissaient présager un futur heureux… dans une joie sans fin, un bonheur révélant notre humanité !
Que s’est-il passé ?
Pourquoi ?
Comment ?
Tel Candide, chassé du château de Monsieur le baron de Tunder-ten-Tronkh, Paul ne vint plus en notre paradis. Je trouvais alors l’espace glacial et insupportable, sans sa présence aimante.
Départ
...Et par ce doux baiser que tu me refusais,
Je compris cette route à parcourir encore
— Dans le noir de mes jours — sans entrevoir l’aurore
Étreignant notre amour, si tu me comprenais...
Je partirai ce soir avec une prière :
Que sèche toute larme afin de me laisser
L’espace d’un silence, où je devrai cesser
De n’avoir que ton nom pour seule lumière...
Pardonne ce départ, oublions tout. Je pars !
À te voir sans désir : j’aspire à une trêve
Loin du château perdu d’où saigne un vieux rêve.
Reste parfois l’espoir de souvenirs épars
Eveiller en ton cœur ce feu toujours à même,
Au rythme des saisons de jaillir en “je t’aime”.
Je compris cette route à parcourir encore
— Dans le noir de mes jours — sans entrevoir l’aurore
Étreignant notre amour, si tu me comprenais...
Je partirai ce soir avec une prière :
Que sèche toute larme afin de me laisser
L’espace d’un silence, où je devrai cesser
De n’avoir que ton nom pour seule lumière...
Pardonne ce départ, oublions tout. Je pars !
À te voir sans désir : j’aspire à une trêve
Loin du château perdu d’où saigne un vieux rêve.
Reste parfois l’espoir de souvenirs épars
Eveiller en ton cœur ce feu toujours à même,
Au rythme des saisons de jaillir en “je t’aime”.
Hélas…
La sorcière des Enfers avait jeté le sort et une si puissante malédiction planait sur ce bel enfant, qu’il avait préféré se détourner des plaisirs de la vie pour suivre la route des pénitents !
Paul devait très certainement payer de souffrances et de sacrifices, de frustrations et de résignations — comme tous les autres — pour réparer les fautes de ses ancêtres pécheurs, depuis Adam…
Pouvais-je le comprendre… alors que moi-même, j’avais saisi depuis toujours — comme pour la vierge Marie — que je n’étais pas touché par le péché originel ?
La justice morale avait tranché — sans mot dire — le cou de mes amours !
La faute d’un seul en a massacré beaucoup… et Paul était de la charrette…
Sans lui, mon soleil expire…
C’était le Paradis…
La sorcière des Enfers avait jeté le sort et une si puissante malédiction planait sur ce bel enfant, qu’il avait préféré se détourner des plaisirs de la vie pour suivre la route des pénitents !
Paul devait très certainement payer de souffrances et de sacrifices, de frustrations et de résignations — comme tous les autres — pour réparer les fautes de ses ancêtres pécheurs, depuis Adam…
Pouvais-je le comprendre… alors que moi-même, j’avais saisi depuis toujours — comme pour la vierge Marie — que je n’étais pas touché par le péché originel ?
La justice morale avait tranché — sans mot dire — le cou de mes amours !
La faute d’un seul en a massacré beaucoup… et Paul était de la charrette…
Sans lui, mon soleil expire…
C’était le Paradis…
La fin du jour
...Et mon soleil expire alors tout devient nuit.
Je n’aurai plus l’éclat d’une étoile pour guide
Au creuset de ma route où j’avance livide.
Me voici comme aveugle, affolé par le bruit
D’un obscur univers qu’il me semblait connaître.
Ainsi s’offrent mes jours à l’heure où tu n’es plus :
Pas à pas l’on me mène à l’antre des exclus...
Loin de toi mon frère, mon amour et mon maître.
Ai-je encore un destin, oublié désormais
Pour errer, solitaire, en quête de mon ombre ?
Aidez-moi, je m’éteins, l’avenir est si sombre...
Toute la création savait que je l’aimais :
Lorsque l’astre se lève, il exalte, il oppresse,
Et sa mort, dans le soir, étouffe la promesse.
Dois-je par son départ, me condamner à l’errance, comme Œdipe, à me croire puni par la culpabilité créée par les croyances des dominus d’un monde, dont je ne suis pas ?
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi » pleurait Michel de Montaigne à l’annonce de la mort de son grand amour… au départ d’Etienne de La Boétie.
Ah, quelle raison de vivre maintenant ?
Errer simplement ?
Sous-vivre en attendant son tour, pour rejoindre le néant ?
C’était le paradis, un de ces jardins secrets merveilleux pour lequel j’avais tant donné.
Oh, oui, je l’avais cultivé, mon jardin !
Les fruits nombreux me procuraient déjà des plaisirs délicats ; je voyais déjà saison après saison, l’espace s’embellir.
Mon jardin intérieur était une réalité qui me permit de comprendre que — malgré le départ de Paul — le feu d’amour continuait à brûler en moi.
Il n’avait pas le désir de s’éteindre.
Pour quelques instants d’espérances vaines, de suppliques, d’illusions ?
Qu’importe !
Oui, les ténèbres avaient gagné une grande part du monde de mon enfance, en me prenant une partie de moi-même.
Oui, je perdais ce jumeau qui savait composer avec moi, compléter mes vers, rire de mes rires, aimer et construire mes rêves…
Cependant, pouvais-je espérer que les flammes du désir soient parfois plus fortes que le froid glacial de l’indifférence qui sème la mort ?
Mes insomnies commencent, il n’y a que la nuit autour de moi.
Les murs de cet espace où j’ai connu l’amour, se rapprochent peu à peu…
J’étouffe, je m’éteins…
Vagabond de la vie, je quitte alors ce paradis, en songeant à senser autrement ma triste existence…
J’ai pris mille routes, sans cesser d’imaginer le retour de l’être aimé !
Alors ma quête commença à travers tous les mondes — de visages en paysages, d’aventures en aventures — comme Goldmund à la recherche de l’amour, ne pouvant recevoir davantage de son cher Narcisse, prisonnier volontaire des Enfers.
Je construis des mondes d’un instant, d’un regard, d’une étreinte… un univers original qui prend forme pour disparaître au pas suivant.
Jour après jour, année après année, j’apprends à aimer.
Je gère mes maladresses en esquivant celles des autres, je veille à ne pas m’abîmer, à ne pas abîmer l’autre…
Il me faut peser bien souvent le prix de la liberté !
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi » pleurait Michel de Montaigne à l’annonce de la mort de son grand amour… au départ d’Etienne de La Boétie.
Ah, quelle raison de vivre maintenant ?
Errer simplement ?
Sous-vivre en attendant son tour, pour rejoindre le néant ?
C’était le paradis, un de ces jardins secrets merveilleux pour lequel j’avais tant donné.
Oh, oui, je l’avais cultivé, mon jardin !
Les fruits nombreux me procuraient déjà des plaisirs délicats ; je voyais déjà saison après saison, l’espace s’embellir.
Mon jardin intérieur était une réalité qui me permit de comprendre que — malgré le départ de Paul — le feu d’amour continuait à brûler en moi.
Il n’avait pas le désir de s’éteindre.
Pour quelques instants d’espérances vaines, de suppliques, d’illusions ?
Qu’importe !
Oui, les ténèbres avaient gagné une grande part du monde de mon enfance, en me prenant une partie de moi-même.
Oui, je perdais ce jumeau qui savait composer avec moi, compléter mes vers, rire de mes rires, aimer et construire mes rêves…
Cependant, pouvais-je espérer que les flammes du désir soient parfois plus fortes que le froid glacial de l’indifférence qui sème la mort ?
Mes insomnies commencent, il n’y a que la nuit autour de moi.
Les murs de cet espace où j’ai connu l’amour, se rapprochent peu à peu…
J’étouffe, je m’éteins…
Vagabond de la vie, je quitte alors ce paradis, en songeant à senser autrement ma triste existence…
J’ai pris mille routes, sans cesser d’imaginer le retour de l’être aimé !
Alors ma quête commença à travers tous les mondes — de visages en paysages, d’aventures en aventures — comme Goldmund à la recherche de l’amour, ne pouvant recevoir davantage de son cher Narcisse, prisonnier volontaire des Enfers.
Je construis des mondes d’un instant, d’un regard, d’une étreinte… un univers original qui prend forme pour disparaître au pas suivant.
Jour après jour, année après année, j’apprends à aimer.
Je gère mes maladresses en esquivant celles des autres, je veille à ne pas m’abîmer, à ne pas abîmer l’autre…
Il me faut peser bien souvent le prix de la liberté !
Liberté
I
Laisse-moi je te prie
Le temps qu'il me faudra
Non pour te pardonner
Mais pour savoir t'aimer.
Je suis comme un oiseau
Libre, ainsi je m'envole
Et dans mes soirs de rêves,
Je jouis des nuages.
Oui ! J’ose m’exprimer :
M’élancer vers les cieux,
Rejoindre la lumière
Oublier tout danger…
II
Alors, à mes dépens
Sans loi, sans roi, sans chaîne,
Me voici une proie
Pour le moindre fusil.
Souvent, je suis blessé
Puis tout cela s’oublie,
Car pour la liberté
Je donnerais ma vie.
Aussi, je me relève
Mais en mon cœur meurtri,
La peur d'un autre coup
Semble affaiblir mes ailes.
Des nuits et des larmes
Puis le grand jour enfin
Où, confiant, joyeux,
J'exulte ivre de ciel.
J’apprends la patience, j’apprends la confiance…
Et l’attente, l’attente toujours…
L’attente encore !
L’espérance ne me quitte pas avec la certitude par l’exemple, que l’énergie d’amour donne des fruits en son temps…
J’ai compris enfin que je n’avais pas suffisamment désiré être désiré par l’être que je désire…
Par tous les êtres que je désire…
Mon attention se fait alors plus belle, plus aimante pour chaque rencontre.
Les rancœurs s’estompent, la colère disparaît peu à peu.
Le désir prend le rang sur l’envie pour illuminer le présent dans l’espoir paisible d’un plus bel à venir…
Les années me construisent avec des joies et des peines, des erreurs, des échecs et des succès formidables… Toujours davantage de forces vives, car l’amour donné me revient démultiplié…
Trente-deux années se sont écoulées depuis que j’ai laissé ce paradis de mon enfance, pour d’autres terres où j’ai reçu d’autres amours. Pourrais-je oublier cependant celui qui me fuyait : celui tout près de ce vieux manoir picard qui a vu retourner à la terre bien des hommes et des femmes, alors que tiennent toujours les pierres et les briques ?
Grâce à Paul…
Oui… notamment.
Paul avait pris une place sage et disciplinée de veilleur des lieux.
Je le croisais épisodiquement.
Il rampait souvent sous les bombes, il marchait parfois dans le froid et la tristesse, de cet espace que le soleil a fui… alors que je m’envolais la plupart du temps, bien au-dessus des nuages.
Nous ne nous construisions plus dans les mêmes considérations, les mêmes valeurs. Il avait son carcan de morales frustrantes, avec ses interdits à franchir dans le désespoir.
Paul survivait dans une mascarade parfois nauséeuse, avec ses jeux de massacre, de cadavres dans les placards de ses aventures trichées de maître et d’esclaves.
Souffrances dissimulées, il présentait bonne figure !
Il était affable à ses heures.
Je savais que son génie sourdait toujours en lui. Il était cependant entre guerres et peurs, victime ou tyran.
Et pourtant, je voyais de belles réalisations et beaucoup d’amour naître, malgré tant de blessures et de maladresses, de tromperies et de mensonges avec lui-même.
Trente-deux années s’écoulèrent… et j’ai pu croiser enfin de nouveau son regard, un matin ensoleillé…
Paul venait alors de terrasser pendant quelques instants la terrible sorcière du placard aux balais de notre enfance, révélant les contes de ce cher Pierre Gripari !
Mise à terre, par ce mot magique qui contre tous les sortilèges :
« NON » !
Elle était dépitée par cette audace soudaine… elle n’avait subitement plus l’usage de cette force redoutable, qui clouait habituellement Paul au sol, dans ce triste monde pétri de hontes, de culpabilités, de totems et tabous.
La morale sociale à laquelle il s’était soumis volontairement, entraînait logiquement de la violence et du massacre : le pécheur s’incline pour recevoir le châtiment qu’il estime mérité. Le pardon offert par une clémence divine — toujours associée à la menace des enfers — attise davantage les peurs de ses peurs, en lui interdisant l’amour et la considération.
Si Paul le voulait, c’en était fait de cette route de pénitent…
La porte de la prison dorée était ouverte… pour quelques instants.
La sorcière affaiblie déjà se relève…
Au loin la rive…
Au loin le passeur attend-il toujours ?
Oui…
Une longue, longue lettre où chaque mot est pesé, senti, aimé…
Paul…
Paul…
Je suis près de toi…
Je suis avec toi…
Encore neuf mois de veille et la réponse merveilleuse, après trente-deux années d’espérance…
Oui je le savais, mon cher Paul !
Oui, tu ne m’avais pas abandonné… tu t’étais abandonné… perdu pour les plaisirs de la vie, qui te semblaient trop ambitieux : tu avais préféré la facilité des médiocres…
Et cependant, tu revenais sur la rive, à attendre sur la berge, volontaire à monter dans la barque pour traverser de nouveau le Styx… et entrer dans le royaume des vivants !
Ah, mon cher Paul… comme je suis heureux de t’accueillir de nouveau pour simplement poursuivre notre route, comme si ces trente-deux années n’étaient qu’une longue nuit de patience, avec l’aurore enfin pour nous offrir une nouvelle étreinte…
J’aurais tenu cent ans, comme le prince, pour retrouver la Belle aux Bois Dormants…
Je savais que nous étions plus fort que tous les sortilèges les plus terribles…
Ah, l’amour !
J’ai écrit tant et tant de poèmes où j’espérais tant…
Ah… de chacune de mes rencontres…
Ah, de mes amours les plus belles, où lors des plus merveilleuses rencontres, les étreintes les plus douces ne comblaient pas cependant cet abîme, ce gouffre des temps anciens : oui, toujours tu étais si près et si inatteignable, qu’il restait béant, ce vide douloureux hurlant ton absence !
J’espérais… que Goldmund et Narcisse se retrouvent !
La morale sociale à laquelle il s’était soumis volontairement, entraînait logiquement de la violence et du massacre : le pécheur s’incline pour recevoir le châtiment qu’il estime mérité. Le pardon offert par une clémence divine — toujours associée à la menace des enfers — attise davantage les peurs de ses peurs, en lui interdisant l’amour et la considération.
Si Paul le voulait, c’en était fait de cette route de pénitent…
La porte de la prison dorée était ouverte… pour quelques instants.
La sorcière affaiblie déjà se relève…
Au loin la rive…
Au loin le passeur attend-il toujours ?
Oui…
Une longue, longue lettre où chaque mot est pesé, senti, aimé…
Paul…
Paul…
Je suis près de toi…
Je suis avec toi…
Encore neuf mois de veille et la réponse merveilleuse, après trente-deux années d’espérance…
Oui je le savais, mon cher Paul !
Oui, tu ne m’avais pas abandonné… tu t’étais abandonné… perdu pour les plaisirs de la vie, qui te semblaient trop ambitieux : tu avais préféré la facilité des médiocres…
Et cependant, tu revenais sur la rive, à attendre sur la berge, volontaire à monter dans la barque pour traverser de nouveau le Styx… et entrer dans le royaume des vivants !
Ah, mon cher Paul… comme je suis heureux de t’accueillir de nouveau pour simplement poursuivre notre route, comme si ces trente-deux années n’étaient qu’une longue nuit de patience, avec l’aurore enfin pour nous offrir une nouvelle étreinte…
J’aurais tenu cent ans, comme le prince, pour retrouver la Belle aux Bois Dormants…
Je savais que nous étions plus fort que tous les sortilèges les plus terribles…
Ah, l’amour !
J’ai écrit tant et tant de poèmes où j’espérais tant…
Ah… de chacune de mes rencontres…
Ah, de mes amours les plus belles, où lors des plus merveilleuses rencontres, les étreintes les plus douces ne comblaient pas cependant cet abîme, ce gouffre des temps anciens : oui, toujours tu étais si près et si inatteignable, qu’il restait béant, ce vide douloureux hurlant ton absence !
J’espérais… que Goldmund et Narcisse se retrouvent !
Narcisse
Parfois sous le soleil, je marche seul et pleure
Alors que tout m'invite en ces jours à la joie.
Dans un livre est écrit que la mélancolie
Serait un privilège ou la trop lourde peine
Offerte à tout poète. Y aurait-il une âme
Au secret dans ce corps, qui ose se mouvoir
En songeant à la mort ? Vivre est réalité
Lorsque l'homme soudain s'arrête d'être un homme
Afin de s'éveiller : je souffre de ce mal.
Le drame d'une vie est de ne pas y croire.
Un matin de l'enfance, auprès du vieux château,
J'ai saisi dans ma peine aux lumières d'un feu
Cette idée — une image — à mes yeux certitude :
J'existe assurément puisque voilà, je doute !
L'angoisse du trépas ne saurait m'habiter
Car je ne ressens pas de crainte pour l'après.
Alors pourquoi pleurer, pourquoi cette langueur ?
Loin de toi, loin de moi, je suis las, sans vigueur...
J'ai rêvé bien souvent d'avoir une compagne
Voire, un doux compagnon, pour cheminer ensemble.
Une fois je le crus soudain venant à naître
Et surgir devant moi lorsque mes yeux se ferment.
Serait-ce une chimère afin de s'oublier ?
Il était délicat d'espérer me trouver
Aussi vite et sans peine en ce beau soir d'hiver.
Pourtant si c'était vrai, qui pourrais-je maudire ?
Et toi, si tu m'aimais sans vouloir me saisir ?
L'amour est né d'un jour où l'homme s'est levé.
C'était un animal auprès de tous les autres
Et sa raison de vivre aux yeux du créateur
Se limitait — sans doute — à poursuivre la race.
De même, je pensais suivre pareille route
Et donner à mon nom gracieuse descendance...
Tout me semblait alors écrit depuis toujours ;
Rien ne pouvait briser ce rythme interminable :
Lorsque tu nais je meurs, pour que tu prennes vie.
Je ne puis plus y croire en ce jour où mon cœur
Pour un être semblable a frémi… s'est épris.
Tu ne peux l'accepter ? Grand-dieu, je te comprends !
Nous sommes sur la terre orchestrés dans l'idée
D'être mû selon l'art fort pensé et pesé
D'un maître tout-puissant qui gère mal ou bien.
J'ai appris cependant à aimer, et voici
Que je brise à jamais par un doux sentiment,
L'harmonie assurant une paix pour ce dieu.
Dans mon ciel, il y a cet archange attentif
À chacun de mes cris. Une grande révolte
Est là qui se fomente, habilement menée
Par les plus purs esprits — intelligence en songe.
L'espoir de la victoire est assuré sans faute !
Doit-on se réjouir que notre âme ait un corps
Si nous fûmes créés avec des interdits…
Alors que dans les cieux, des anges, des esprits,
Se sentent limités et souhaitent notre vie ?
Je resterai fidèle à mon unique amour.
Si tu ne veux de moi, si tu ne puis saisir
L'honnête sentiment qui dévoila mon âme...
Sois sans crainte, ami, va ! Te voici libre enfin.
Un peu plus seul encore, aspirai-je toujours
À veiller près de toi ? Je m'éloigne déjà...
Le monde est à garder dans sa timidité.
Comprends-tu ma douleur ? Caches-tu quelque larme
Animant dans mon rêve un espoir d'être aimé ?
Tu as pris le couteau qui pourrait me frapper,
Ainsi, tu peux partir et achever d'un geste
Une aventure étrange aux reflets romantiques :
Je disparais sans toi… je meurs… je me consume.
Malgré la bague au doigt du cœur qui s’est offert,
Rien ne me fera perdre en mon esprit confus
Le sourire et les vers que m'apporte ton nom.
Brille encore, ô soleil, au profond de ma nuit.
Les ténèbres sont là... J'implore un requiem.
Parfois quand vient le vent, je reprends mon chemin
Accompagné d'un chant, d'un air doux et charmant.
Tes pas tracent les miens sans pourtant me guider ;
Soudain, je crois nous voir dessous les arbres rouges :
Plus grands, plus beaux, plus forts, vainqueurs du monde Antique
De mon corps sans souillure et d'une âme très pure,
Disponible et confiant je te suis : tu m'invites.
La mort alors s'enfuit : le rideau se déchire.
À la lumière du jour, nous voici retrouvés.
Oui Paul te voici…
Oui, Paul, me voici !
Nous nous sommes retrouvés dans d’autres jardins d’Eden…
Quelques, jours, quelques mois de bonheur.
Un espace-temps que nous pouvions nous offrir.
J’avais l'espérance de voir naître alors d’autres zones autonomes temporaires, où s’ouvriraient les portes d’un paradis.
À toutes celles et ceux qui oseraient à leur tour franchir le Styx, pour le royaume des vivants… je me suis préparé à les accueillir afin que naisse dans la liberté : le beau, l’amour humain…
La sorcière s’est relevée… plus fulminante que jamais !
Je le craignais…
Paul a repris sa place au manoir, sous la garde de sa mère.
Les briques et les pierres forment de beaux tombeaux ; parfois pour celles et ceux que l’on croit vivants.
Paul…
Osera-t-il un jour parcourir « Le discours de la servitude volontaire », le « Contr’un » d’Étienne de La Boétie ?
Le temps s’écoule, se perd, se retrouve parfois ?
Je poursuis, je cherche encore ma route, de visages en paysages, d’aventure en aventure.
Recevoir de chacun et donner par plaisir le meilleur de moi-même…
De ces retrouvailles avec Paul, c’est un paradis recouvré…
De ma quête quotidienne, c’est le Paradis révélé !
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C'était le Paradis, des nouveaux Contes de moelle, par Yves Philippe de francqueville, philanalyste et pirate des mots… tous droits réservés ©.
Illustration réalisée par Stéphane Carbone : "Rumeurs et chuchotements" ©.
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Auteur : Yves Philippe de Francqueville