Création artistique de Franck PASQUALINI pour le poème L'envol, extrait du recueil Solitude étrangère ©.
Yves Philippe de Francqueville,
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Dixième et dernière partie.
Tous droits réservés ©.
Yves Philippe de Francqueville,
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Dixième et dernière partie.
Tous droits réservés ©.
Encore quatre jours…
L’amour, l’amour triomphe et voit le temps qui tremble.
Une ère ou deux, peut-être, ont séparé nos vies
Mais la quête éternelle offerte pour demain
Brisera sans appel les routes asservies :
Encore quatre jours et nous serons ensemble...
Quelques millions d’années m’éloignent de l’humain,
M'isolent loin du monde, où pour toute compagne
Il n’y a que la mort à naître de nos fors...
C’est un combat terrible où contre un dieu je gagne :
Encore quatre jours et tu prendras ma main.
Qui, de tous ces pantins, pariait sur nos sorts ?
Lorsqu’une nuit s’écoule, un siècle aussi s’achève
Et nous voici bien seuls, abandonnés, sans pair !
Moi qui t’ai tant aimé, viendras-tu dans mon rêve ?
Encore quatre jours avant d’unir nos corps...
Une ère ou deux, peut-être, ont séparé nos vies
Mais la quête éternelle offerte pour demain
Brisera sans appel les routes asservies :
Encore quatre jours et nous serons ensemble...
Quelques millions d’années m’éloignent de l’humain,
M'isolent loin du monde, où pour toute compagne
Il n’y a que la mort à naître de nos fors...
C’est un combat terrible où contre un dieu je gagne :
Encore quatre jours et tu prendras ma main.
Qui, de tous ces pantins, pariait sur nos sorts ?
Lorsqu’une nuit s’écoule, un siècle aussi s’achève
Et nous voici bien seuls, abandonnés, sans pair !
Moi qui t’ai tant aimé, viendras-tu dans mon rêve ?
Encore quatre jours avant d’unir nos corps...
* * *
Yeph :
— Oh… nous sommes-nous déjà croisés ?
Joms :
— Difficile à imaginer.
Cependant tout est possible… selon moi !
Yeph :
— Tu n'es pas un primaire… Tu es probablement dans la fin du troisième ou au début du quatrième cycle de l'homme, et bien entendu… plus de greffe seconde, à entendre cette réponse ouverte.
Tu es beau et audacieux.
Ton jeune âge implique un passage forcé au CEI.
Je devine une libération vraisemblable par les rebelles, avec une opération récente — oui, la cicatrice est encore visible — et j'admire une intégration plutôt réussie !
Je suis stupéfait de voir chez toi une telle énergie à gérer aussi rapidement la pluripossibilité.
Joms :
— Je ne connaissais pas ce mot. Il est mien maintenant.
Merci.
Je me prénomme Joms.
Yeph :
— Yeph…
Joms :
— Yeph ?
L'on m'a conté quelques histoires à propos d'un Jeph… mais pas de Yeph dans ma mémoire.
J'apprécie cependant la rencontre.
Yeph :
— C’est un plaisir pour moi !
Tu fus donc greffé cellulaire… à quel cycle ?
Je ne perçois pas chez toi de handicap…
Ou alors est-il subtil ou malin ?
Joms :
— Pas même bénin à ce jour…
Comment sais-tu tout cela ?
Ta capacité à l'introspection est redoutable.
Il est considéré comme fort indiscret, au sein de la Cité comme sur les Bases, de parler ainsi des séquelles de la greffe seconde !
Toute une théorie du complot se développe à ce sujet… Que cela vienne de la Cité me semble probable.
Il se dit ouvertement que la faille ne vient pas de la greffe elle-même, mais du fait de l'ôter.
Beaucoup donc demandent maintenant à la garder, après l'avoir longtemps rejetée.
La peur qui les guide m'est insupportable. Ils ne se posent jamais de question… ils ne cherchent pas à savoir !
Pourtant, lors de mes excursions dans la Cité, j'ai pu constater que le nombre des pantins — des greffés accomplis — en dégénérescence cérébrale, augmente régulièrement.
Les handicapés physiques sont assez peu nombreux… il se dit aussi qu'ils sont envoyés régulièrement par vaisseaux d'Extalyne vers un sanatorium…
Pour y être soignés dit-on ?
Surtout pour qu'ils ne soient pas vus !
L'obligation de perfection, assurant la légitimité du pouvoir de l'Austrel, exige de cacher les êtres différents, afin de faire vite oublier les erreurs et les tromperies.
Moi, je pense sérieusement que la dégénérescence cérébrale est le but secret du Haut Conseil de l'Austrel.
C'est en fait l'évolution logique de la greffe seconde.
Il n'y a pas — selon moi — de troisième prévue !
Nous étions tous programmés au CEI pour devenir de beaux moutons castrés… obéissants et travailleurs, pour le bien de la Cité !
Crétins mais béats !
Bienheureux les simples d'esprit…
Heureusement que l'on m'a ôté précocement la greffe !
À ce jour, je vais bien. Très bien, même.
J'ai la forme !
Pas de trouble particulier ressenti.
J'ai cette chance, alors que je n'ai vraiment pas été ménagé…
Yeph :
— Oh, quel rythme !
Que ton questionnement analytique est impressionnant.
C'est formidable.
Tu as réussi, ainsi, à développer une connaissance très précise de la situation.
Joms :
— Oui, oui…
Tu ne m'as pas encore répondu sur ton propre savoir, à propos notamment des malades, parmi les adolescents du CEI.
Faisais-tu partie des fondateurs du Centre ?
Serais-tu un des responsables en quête de repentir ?
Peut-être dois-je voir en toi un de ces médecins complètements fous, qui nous ont transformés en cobayes greffés — gavés à coup de Ritalèn, de Concyrta et autres médicaments lobotomisant — au sein de ce camp de concentration, pour faire de nous des enfants sages ?
Toi, tu n'es pas greffé…
As-tu préféré t'en préserver, connaissant les risques ?
Ton âge — même s'il m'est difficile de le définir — est au-delà des quatre premiers cycles de l'homme… Cela implique alors une très forte probabilité pour que tu sois de l'équipe des méchants !
Le problème est que tu m'es sympathique…
Yeph :
— Ah, Joms…
J'étais dans le cercle très restreint de l'opposition.
Farouchement opposé à la création du CEI, je m'efforçais de leurs expliquer qu'une instruction imposée — en espace clos de surcroît — serait toxique.
J'aspirais à une Thélème…
J'ai lutté sans relâche avec un groupe toujours plus réduit, afin d'éviter que soit pratiquée sur vous tous, cette maudite greffe cellulaire et…
Joms :
— Et te voici toujours en vie !
Sans avoir été greffé ?
Personne ne pouvait être opposé à ce point aux décisions du Haut Conseil de L'Austrel, sans être kryfluxiré ou greffé cellulaire de force.
Ta lutte extraordinaire, à écouter tes dires, porterait plutôt — selon ma première analyse — le petit nom de "fuite" !
Explique-moi donc, monsieur "courage" ?
Des éléments me manquent… au risque d'une dramatique erreur d'analyse.
J'ai besoin de données complémentaires !
Yeph :
— Wahoo…
Magnifique développement d'introspection !
Tu as un répondant qui me plaît beaucoup.
J'aime ta curiosité ouverte à la question, avec cette sage absence de certitude.
Ta capacité à l'analyse est remarquable.
Alors, Joms…
Je veux bien m'ouvrir à toi.
Il me faudrait cependant mille ans pour te conter quelques histoires, relatant mes aventures…
Joms :
— J'ai l'éternité devant moi…
Je t'écoute, attentif !
Yeph :
— Parfait…
Moi aussi…
Tu dois savoir que « combattre est déjà une défaite » !
Si l'on veut la guerre, préparer sa propre tombe est l'acte le plus sage qui soit.
J'ai été — plus jeune — un guerrier, trop sûr de mes actes.
Batailler contre l'injustice était mon sport favori, sans toujours mesurer les risques pour moi-même, et surtout pour celles et ceux qui m'aiment.
À quel prix… hélas !
Au fil du temps, j'ai mûri… je préfère maintenant davantage la diplomatie, aux trop souvent vains combats pour la justice et la paix.
Le sang et les larmes coulent assez dans ce monde, pour souhaiter être le protagoniste d'une histoire plus paisible !
Tenter de dessiner d'autres portes est réalisable, les franchir est une autre aventure.
La paix… Cela implique encore de savoir aussi se défendre, et de ne pas craindre de lutter farouchement… avec art.
Une vieille devise disait : « Soyons armés pour vivre libres[i] ».
Je ne l'oublie pas.
« J'emporte des armes et je sais tirer[ii] » disait le déserteur, refusant de guerroyer contre son frère, au nom d'un bout de terre à légitimer…
Se défendre… ou si possible, utiliser la dissuasion pour éviter d'être un pion du système, cela devient nécessaire lorsque l'on désire la paix.
J'ai aussi appris à savoir dire non.
Cependant, face à un ennemi très fort… et rusé… trop fort de ses certitudes et de ses méthodes destructrices, il peut être bon de se savoir faible, plus faible : prendre conscience de sa faiblesse est une force… et nous invite à user de notre intelligence… Alors l'esquive du combat s'avère souvent salutaire.
Éviter la lutte n'est pas toujours lâche !
Fuir est même, à mes yeux, une grande marque de courage… lorsque le combat est absurde.
C'eût été un suicide, que de m'opposer de face !
Joms :
— Je pense comprendre.
Tu n'as pas voulu te sacrifier !
Yeph :
— Absolument.
Le sacrifice, quel qu'il soit, d'un animal ou de tout homme est de toutes les façons ridicule.
Offrir un sacrifice à un dieu… quelle monstruosité.
Quelle violence barbare !
Les forces de l'Archyeur m'auraient en effet kryfluxiré si j'avais poursuivi mon action ouvertement, dans le refus total de la greffe et du CEI.
J'ai vu tomber quelques bons amis qui voulaient encore espérer en un revirement radical de ces politiques…
Quel gâchis !
Face à une situation aussi déséquilibrée, la lâcheté n'est pas du côté du fuyant, mais plutôt chez l'attaquant, qui use de méthodes bien peu honnêtes !
Les guerres ne sont jamais propres… certaines sont exceptionnelles dans la gestion de l'horreur.
Face aux puissances destructrices, il est possible d'être plus subtil que les rusés ou les téméraires, qui manquent souvent d'intelligence.
Les souvenirs des héros sont couverts de fleurs et de plaques dorées, dans les funératoriums… entourés de longues listes de disciples anonymes qui ont versé leur sang pour suivre un berger toujours bien sûr de lui, et de la cause…
Combien ont cru mourir ainsi pour leur patrie alors qu'ils tombaient pour accroître la fortune des industriels[iii] ?
J'ai pensé plus finement être vivant encore un peu… afin d'agir à mon heure… une fois plus fort et mieux préparé !
Joms :
— Tu n'avais donc pas d'allié ?
Yeph :
— Au final : Seul.
Seul contre tous !
Un pauvre individu hors normalités — l’erreur aux idées absurdes — face à une foule de moutons, en route vers l’abattoir, assurée de posséder la vérité transmise par la voix du maître…
La lutte avait bien peu de chances de s'avérer autrement que dramatique pour moi.
Joms :
— Oh, oh… c'est à moi donc de me trouver peut-être admiratif à te savoir vivant, alors ?
Et même pas en greffe troisième… même si je pense qu'elle n'existe pas…
Hum…
Méfiance ou lâcher prise ?
Es-tu un dieu ou un sombre illusionniste ?
Dois-je voir en toi un usurpateur, un escroc… un falsificateur de l'histoire, ou même un espion de la Cité à la recherche de quelques grands fous comme moi, pour les ramener par la ruse à l'instruction ?
Il y a chez toi une force de vie qui me séduit cependant !
J'aime ta puissance…
Yeph :
— Probablement ai-je un peu de tous ces caractères ?
Les hommes possèdent en eux le meilleur et le plus destructeur en potentiel… La quête de l'amour humain nous permet alors de choisir ce qui construit, plutôt que de nous laisser entraîner vers les forces les plus obscures de notre être. Il est nécessaire alors d'avoir comme toi — selon tes propres mots — une bonne dose de folie !
Fou, je pense l'être !
Suis-je vivant cependant ?
Joms :
— Il est vrai que si personne à ce jour n'avait été entendu prononcer les mots "je suis mort", notre réalité de "vivant" m'échapperait encore. J'ai lu récemment une phrase qui me questionne encore : « la vie est la première partie de la mort[iv] ».
Dis-moi donc enfin comment cela s'est passé, pour que je puisse te comprendre ?
Comment as-tu réussi à échapper aux griffes de l'Austrel… sans dégât !
Yeph :
— Sans dégât ?
Joms :
— Sans séquelle apparente, aurais-je dû dire, vu la tristesse soudaine de ton regard blessé.
Yeph :
— Ah, Joms…
Je commence à t'aimer !
Tu es d'une sensibilité merveilleuse, avec une vivacité cérébrale extraordinaire… et plutôt exceptionnelle, pour un ancien greffé. Il est vrai que tu fus sélectionné pour être parmi les huit-cent mille.
Je savais que vous étiez, pour la plupart d'entre vous, des IHN en potentiel avérés. Votre programme d'éducation se voulait précisément orienté pour éviter absolument l'éveil de votre pluripossibilité… dangereuse pour la bonne évolution de la Cité… depuis le Grand Jour.
Joms… sache que malgré ma prudence, j'ai été livré en toute confiance par un ami — un certain Sako — apeuré devant les menaces de l'Archyeur. Il a trouvé plus sage de me livrer aux juges de la Cité, qui ont réussi à m'arrêter !
Hélas…
Joms :
— Arrêté… vendu par un ami… du même nom que le nouvel Archyeur de la Cité… je ne peux pas vraiment mesurer ce que tu as dû endurer…
Même si tu ne réponds guère à mes questions, je suis sensible à tes propos.
Tu t'exprimes avec un vocabulaire qui m'est assez inconnu. J'en perçois bien le sens cependant, réalisant que le Centre nous avait limité volontairement à n'user que d'un lexique formaté.
Tu m'offres des termes qui enrichissent mon désir de communiquer.
Sans encore te connaître, je suis sensible à tes dires et j’espère déjà en ta sincérité.
Je sais maintenant comment te définir : Tu es un magicien… un magicien des mots !
Yeph :
— Pas faux…
Je préférerais pourtant être qualifié de pirate…
Oui, pour reprendre ton idée, je suis un pirate des mots !
Un chevalier du verbe…
Joms :
— Le mot chevalier m'est inconnu…
Par contre, un pirate ?
N'est ce pas ce vil et lâche bandit des mers[v] qui — sans aucune pitié — arraisonnait les navires désarmés pour s'enrichir de fortunes qui n'étaient pas siennes… et constituer des trésors honteux ?
Yeph :
— Voilà ma quête sensée par ta remarquable définition imposée par le CEI !
Tu as reçu en effet une instruction formatée où les mots n'ont plus cette sensibilité originelle, construite pour mieux communiquer, en donnant à l'homme la faculté de réfléchir et de s'apprendre lui-même.
Le langage devrait être un moyen formidable de mieux nous comprendre. Aujourd'hui, c'est l'outil de propagande essentiel, associé à une image imposée.
L'homme a régressé dans l'art de communiquer depuis que les pouvoirs se sont emparés du verbe !
Tout est systématiquement revisité, falsifié, triché pour transformer l'humain en pantin, absorbant des vérités aussi désespérantes que les ombres projetées sur le mur d'une caverne !
L'on a convaincu l'homme qu'il n'a plus besoin d'apprendre par lui-même. Il est gavé de certitudes grâce aux nouvelles définitions faisant foi.
Il pense savoir… il sait donc… sans pouvoir, sans vouloir s'interroger sur le bien-fondé de propos martelés dans son cortex…
Celui qui parle fort, avec ruse ; celui qui a les finances nécessaires et qui s'entoure des bons agents manipulateurs, prendra le pouvoir sur le peuple — annonçant qu'il est légitime sous prétexte d'élections — et deviendra ainsi porteur de la vérité du jour ! Il est lui-même le pantin des consortiums ; il se complaît dans cette gloire illusoire de se sentir utile et grand maître d'une foule de courtisans.
Il n'y a pas de pouvoir dans la dimension collective, qui soit conforme à ma manière de vivre tant qu'une hiérarchie verticale existe.
Le Haut Conseil de l'Austrel réussit progressivement à façonner son peuple de moutons dociles et obéissants. L'Archyeur réalise son rêve : sa vision du "bien absolu" s'imprime dans le profond de son peuple d'abeilles, où s'installe la théorie absurde — terriblement policée — du risque zéro !
Un pirate, mon cher Joms — étymologiquement — est un homme épris de liberté, qui tente sa chance à l'aventure, qui aspire à la fortune. Il se passionne aussi pour la lutte contre les injustices — surtout financières[vi] — des pouvoirs, qui parasitent depuis toujours le peuple, au nom d'une soi-disant justice ou d'une protection nécessaire !
Le pirate dénonce leur obsession à légiférer et leur reproche de prescrire ainsi toujours plus de contraintes, d'impôts et d'interdits afin d'assurer une prétendue indispensable sécurité pour notre bien-être… et nous promettre en acceptant cet esclavage, de mériter un bonheur futur !
Le pirate n'est pas un tricheur — contrairement au politique — et il n'agit pas pour son profit égoïste. Il utilise ses talents de courage et d'audace, et son intelligence… pour briser les vérités étatiques — ces mensonges dont nous sommes gavés — et il s'efforce de récupérer ce qui fut scandaleusement prélevé… pour le rendre généreusement à ceux qui ont été spoliés par des lois iniques !
Un pirate est donc le plus terrible ennemi de tout système[vii] car il le dénonce dans ses moindres déviances. Il est contre tout pouvoir à hiérarchie verticale.
Régner est un crime…
Pour le chevalier — un être solitaire mais solidaire[viii] — il est nécessaire d'ajouter à l'action passionnée du pirate, une jolie touche de sensibilité et la quête plus sublime de la beauté, même tragique.
Le pirate entre dans l'action sans forcément se placer dans une volonté constructrice, étant sans pitié face aux tyrans et avide de jouer l'aventure avec audace et passion… parfois un peu trop dans l'immédiateté de la jouissance… qui peut même tourner au carnage !
Le chevalier fait raison première de ses actes à embellir le monde qui l'entoure : son arme essentielle est l'analyse de l'amour humain. Il œuvre en ayant des règles du jeu plus subtiles où des principes et des devoirs sont choisis plutôt que des droits.
Le pirate agit pour son plaisir ; le chevalier est en quête d'un idéal impossible… par plaisir !
Joms :
— Ô pirate… beau chevalier, raconte-moi cette triste histoire où les forces de l'Archyeur t'ont emprisonné et condamné… et comment, surtout, tu t'en es sorti, presque vivant…
Conte-moi ta souffrance…
Livre-moi sans pudeur — par ces mots que tu connais si bien — tes blessures.
Que les mots soulagent tes maux.
Yeph :
— Eh bien…
Tu oses entrer dans mon histoire comme très peu ont su… Tu parviens à créer avec une facilité extrême, le lien le plus complexe et le plus merveilleux de la rencontre humaine, où le plus bel intérêt s'avère l'amour, le plaisir.
Merci d'exister cher Joms.
Oui…
Tu es natif d'une des dernières lointaines colonies où la sélection après l’Offryde, s'est aussi imposée pour réunir les enfants aptes à l'instruction spécifique du CEI.
Mon épopée t'était donc totalement inconnue, même avant mon premier procès.
En quelques mots… sache que très vite, une fois arrêté et présenté à la Haute Justice de la Cité, la solution finale fut décidée pour ma personne. Une suite de procès iniques en a découlé dans une haine totale, révélée par un jeu détestable de manipulations porté par la propagande — les médias à la solde du pouvoir — afin de préparer le peuple à ma chute. Je me retrouvais donc condamné avant même le jugement dernier, sans avoir eu le droit de m'exprimer.
J'étais présenté au monde comme le corrupteur de la jeunesse[ix]… Le guru des âmes, à vouloir refuser le CEI et la greffe seconde pour ces enfants dont tu fus.
Mes propos sur l'analyse de l'amour humain — la philanalyse — furent mis à l'index : l'on m'a stigmatisé comme charlatan et escroc pour avoir osé remettre en question des vérités millénaires, conservées par les pouvoirs politiques, médicaux, économiques et religieux.
J'avais en effet attaqué de front la Guilde, les Consortiums et l'Austrel !
Joms :
— Tu étais un petit David — seul — contre une armée de Goliath… Ce n'était pas vraiment raisonnable, mais cela devait être passionnant !
Je suis très attentif et en même temps bouleversé…
Cependant, éliminer un opposant aussi intelligent que toi implique nécessairement une méthode radicale, que je n'arrive pas à imaginer !
Te tuer aurait fait de toi un martyr… un nouveau dieu futur dans la mémoire des hommes, en quête de changement et avides de bergers.
Te bannir aurait entraîné un exode et perturbé fortement les projets de la Cité… Il y a déjà les Bases avec les Primaires. Oh, d'ailleurs, je pense que tu dois faire partie des créateurs, si tu n'es pas le créateur.
Bien, puisque tu ne sembles pas non plus avoir été lobotomisé…
Dis-moi, comment s'y sont-ils pris ?
C’est impossible…
Qu’est-ce qu’il y a de vrai dans tout cela ?
Je suis dans le doute. Tu t’amuses avec moi !
Yeph :
— Ton cerveau bouillonne toujours !
C'est formidable…
Ah cher Joms… lorsque des êtres s'éteignent, d'autres prennent naissance.
Il suffit de le désirer et d’entreprendre.
Quel bonheur, cette rencontre.
Joms :
— J'apprécie sincèrement tes propos qui touchent mon cœur et qui ne laissent ni mon esprit, ni mon corps, insensibles… pourtant tu joues beaucoup trop, dans notre dialogue, à l'art de la digression ou plutôt même de la régression !
L’art de la dialectique te permet différents degrés de cérébralisation de ce que tu ne veux pas voir ou raconter de ton histoire…
J'aimerais vraiment comprendre comment tu peux te dire en vie, et finalement te croire libre des forces de l'Austrel !
Quelles sont les névroses qui mènent la danse de ce jeu qui me séduit ?
La sublimation de tes blessures est certaine par toutes ces affabulations.
Yeph :
— Ah…
Tu as raison !
Tu sembles avoir construit un solide esprit critique à l’école de la psychanalyse.
Nous en reparlerons avec plaisir sans risquer les raccourcis qui annonceraient des impasses.
Tu es en recherche… moi aussi.
Et je n’ai encore acquis aucune certitude !
Je n’ai pas la prétention d’avoir la maîtrise ou même la connaissance de mon inconscient, et toute parole, si elle a sa part de mécanisme de défense, peut aussi s’offrir en l’intérêt peut-être le plus génial : le plaisir.
Joms :
— Je n’ai pas ta connaissance…
L’art de la manipulation est assurément un plaisir… cynique !
Yeph :
— Le cynisme est une souffrance pour l’être qui n’a pas encore suffisamment de liberté…
Joms :
— Oui, mais le trop de liberté de l’un devient une insupportable légèreté pour l’autre…
Yeph :
— Pardonne-moi si je puis encore être parfois maladroit. Je ne souhaite pas te meurtrir. Si c’est le cas, je suis sincèrement désolé.
Sache qu’au-delà de mon plaisir, il y a quelques règles qui conduisent mon jeu : ne pas m’abîmer, ne pas abîmer l’autre…
Joms :
— Et que gagnes-tu ?
Yeph :
— Le plaisir de grandir à la rencontre de l’autre… et si je le puis, le voir grandir à ma rencontre !
Joms :
— Je te suis donc utile ?
Yeph :
— Oui !
Ton génie du cœur m’intéresse particulièrement. Tu as une force vive bien rare en ce monde. Depuis Tomas, j’ai cru ne pas en trouver d’autres… toujours à percevoir trop vite les limites des êtres croisés.
Je te découvre aujourd’hui Joms… en reconstruction avec des blessures qui ne semblent pas irréversibles, comme ce fut le cas pour Tomas… puisqu’il s’en persuadait.
Alors je t’espère même en construction !
Cela signifie pour moi que je puis continuer ma quête : si tu existes, c’est qu’il y en a encore à travers ce monde…
Alors je suis moins seul.
Joms :
— Ta solitude ne sera pas comblée par le fantasme que tu projettes sur moi…
Pour ma part, je sais que je suis seul. J’ai assumé ce fait… Toi, tu te caches derrière l’illusion de notre rencontre.
Est-ce pitoyable ou dramatique ?
Non… c’est plutôt tragique !
Yeph :
— Oui…
Pour toi…
Moi, j’ai choisi la comédie… une psychomédie certainement… où la jouissance guide mes pas tout en créant le monde.
Ta réalité me plaît car j’en fais une vérité de l’instant.
J’accueille aussi l’idée d’un demain différent… possible.
Joms :
— C’est plus qu’un dialogue… tu m’entraînes dans une extraordinaire dispute.
Ah…
J’aime la lutte et tu es étonnamment fort.
Suis-je en danger ?
Dévoileras-tu tes limites ?
Yeph :
— Oui.
Par ce mot tu te places aussi entre deux feux fantasmagoriques que sont l’amour et la haine.
Il y a aussi le soleil du dehors : une lumière de la connaissance… Il peut être une sortie agréable de la caverne !
Mais il y a mille millions de soleils… au-delà…
Tu les as autour de toi…
Notre rencontre ne doit pas être une plongée nouvelle dans ton paradoxe de la confusion.
Je ne suis pas une énième projection du clivage de ton moi et mes réponses ne sont pas orientées vers ton désir de réparation.
Si mes jardins secrets n’ont pas d’espaces interdits pour l’être qu’il me plaît de comprendre, c’est que, pour le connaître, je dois être nu moi-même.
Joms :
— Et qu’attends-tu de moi ?
Yeph :
— Ce que je vis maintenant : être à côté de toi.
Quelques secondes où le « je » peut devenir « nous ».
Joms :
— Faut-il y croire ?
Est-ce réalisable ?
Quel est le poids de la vérité dans tes propos ?
Yeph :
— Quelle en est la mesure que tu es prêt à m’accorder[x] ?
Le château-fort d’une certitude sera tôt ou tard un château de sable balayé par la marée des découvertes nouvelles…
Mon plaisir de la rhétorique n’est surtout pas joué dans l’appropriation du langage pour en faire encore une arme de pouvoir et combattre ce jour avec toi…
Vouloir être le géant de l’autre par l’illusion d’une connaissance supérieure, ce serait une régression dans l’art de communiquer.
Discourir n’est pas dans le projet d’une quête d’autorité, mais dans l’espérance de la rencontre platonique : d’un enrichissement mutuel[xi].
Joms :
— Je ne saurais me résigner moi-même à dominer quiconque : de tous les arts, celui du pouvoir n’a donné que des monstres…
Les tropes avec toi s’annoncent à foison.
Dois-je me persuader qu’ils sont utilisés dans notre intérêt commun ?
Me suis-je finalement blessé sur mes propres armes défensives en t’en désignant l’auteur par dépit ?
Dévoile-toi davantage, que je songe aussi peut-être à ouvrir mon cœur.
Yeph :
— L’expérience de la gémellité m’a donné quelques clefs.
Un jumeau, pour l’Archyeur — je vais reprendre un de tes mots qui saurait définir l’Austrel — c’est selon ses termes : la plus grande monstruosité de la nature…
Pour la tradition dans laquelle nous avons été éduqués, c’est le danger de vivre sa phase narcissique en plénitude… et le risque ne pas adhérer à la société, n’en éprouvant pas le besoin.
Joms :
— Se suffire à soi-même dans sa solitude, parce que nous nous rencontrons parfois dans l’autre… c’est une analyse qui me conforte dans la nécessité du jaillissement issu du rien.
J’aime ce mot qui se cherche un sens…
Voici que je lui en offre un !
Le « rien », je le perçois comme « avant tout commencement » : un « zéro ».
Une porte qui s’ouvre sur un espace temps !
Ce n’est pas un vide… il n’est pas matérialisable cependant car cette porte annonce et l’espace et le temps…
Infini vers hier…
Infini vers demain…
Il n’est pas le néant ou le manque, mais serait une « chose » — par son étymologie même — en attente : comme la demi-cellule à la rencontre d’une autre demi-cellule, pour former par mitose, la structuration d’une cellule mère, un organisme en devenir par sa possible infinie multiplication.
C’est la vie.
Avant la fusion des deux gamètes, cette cellule mère originale n’existe pas en tant qu’unité réelle… elle est un potentiel sans être.
Notre nature est une suite de « big-bangs » où la démultiplication s’annonce lorsque se produit une rencontre d’entités figées qui se mettent en mouvement par leur union.
L’art semble alors cette vérité merveilleuse d’une rencontre d’idées, d’énergies, d’ondes… qui n’ont pas de raison première au-delà du mystère d’une association pour que naisse la création.
Des « ondes immatérielles » qui s’unissent donnent naissance à l’objet… comme la lumière qui se matérialise en photons. Le « rien », c’est l’instant de dualité entre l’onde et la particule… avant le corpuscule !
Pour le découvrir, il faut aller au-delà des psychologies cognitives et du béhaviorisme. On entre dans le « ressenti » du corps et du cœur.
Rien à percevoir…
Rien à comprendre !
Alors, réfléchir ainsi sur l’humain comme « unité relative » c’est oser sortir d’une vérité établie par une puissance supérieure… et rejeter naturellement l’autorité !
Oh, je saisis maintenant bien mieux le danger que tu représentes pour l’Austrel !
Tu oses inviter à la question sur la position dépressive, en proposant d’autres alternatives que la certitude d’une nécessité de réparation que l’être veut toujours rejeter par une défense maniaque.
Oui…
Si je comprends bien ta quête, ils t’ont massacré pour que tu ne sois pas un mauvais exemple…
Par tes idées, tu risquais en effet de corrompre la jeunesse : tu démolis des millénaires de vérités en affirmant que nous ne sommes pas dans la faute ou l’erreur par le simple fait d’être nés…
Et moi ?
Que sais-je du sein qui m’a porté ?
Suis-je aussi encore dans le trop qui crée mon trop[xii] ?
Dois-je céder à la tentation de me mettre à nu ?
Qu’ai-je à perdre…
Qu’ai-je à gagner ?
J’hésite à imaginer ton attitude comme une identification projective, voire intrusive… de l’objet de ton refoulement ou comme un autre regard ouvrant des perspectives réjouissantes sur mes propres névroses !
Es-tu redoutable de sincérité ou ton besoin démesuré de gratitude t’entraîne-t-il dans une position psycho-paranoïde qui risque de me transformer en l’objet de tes envies ?
Je baisse la garde ?
Oui…
Allez, s’il-te-plaît monsieur, beau magicien-pirate-chevalier, donne-moi quelques nourritures terrestres à grignoter.
Sans m’obliger à un pari stupide, j’ai le sentiment de ne pas me tromper en osant poursuivre la conversation.
Conte-moi ce grand et triste soir où l’ancien Archyeur a fomenté ta chute !
Yeph :
— Hélas !
Sache que la mort physique était trop douce à leurs yeux…
Ils ont préféré la mort psychologique !
Voilà donc quelques bribes révélant mon histoire : les médecins experts — ces apprentis sorciers du Centre — ont réussi, avec la bénédiction des juges, à ôter de la mémoire des habitants de la Cité et des Bases, mon existence !
J'ai été oublié du monde !
Tout mon travail, mes découvertes, ma quête… cela n'existait plus !
Ils ont nommé cela "la Rumeur".
Joms :
— Non !
C'est énorme.
L'idée est géniale… dramatique pour toi, mais absolument géniale !
Yeph :
— Eh oui.
L'esprit de tous ceux qui me connaissaient fut définitivement nettoyé de ma personne et de mes actions.
Comme le disque dur d'un ordinateur dont les données sont effacées irrémédiablement… j'ai disparu pour tous.
Joms :
— Alors je comprends davantage.
Lorsque tu parles de solitude…
Oui !
Tu es seul, Yeph… et personne ne peut saisir qui tu es.
Tout seul… mais bien plus que quiconque, puisque l’autre ignore jusqu’à ta réalité externe.
De là s'explique donc ce voile de tristesse !
Des cycles et des cycles pour construire la rencontre, établir des liens… avoir le plaisir de créer, et surtout d’échanger ses découvertes, pour voir s’anéantir tout cela…
Ah…
Non.
Non, tu n'es pas seul…
Je réfléchis à tes propos sur cette improbable consubstantiation où le « je » devient « nous ».
Tu viens de me rencontrer et je t'aime déjà moi aussi !
Je découvre l’intérêt plaisir !
Est-ce alors une transsubstantiation ?
Ah, ah, ah !
Maintenant, raconte-moi un peu de cette vie qui semble si riche — si le cœur t'en dit.
Puisque tu me connais déjà par le CEI, il me faut équilibrer les savoirs.
J'ai besoin d'entendre par exemple qui tu aimais avant moi, et qui t'aimait…
Yeph :
— Joms, tu as beaucoup en effet à apprendre de tous ces cycles passés aux histoires tragiques, comme aussi pour les aventures merveilleuses. Cependant je préférerais sincèrement t'inviter à les écouter par la bouche de nombreux êtres qui me sont chers aujourd'hui. Ils seront enchantés de te rencontrer afin de savourer le présent, le passé… et l'avenir. Ils t’expliqueront mieux que moi comment nous nous sommes retrouvés !
Pour nous deux, il est certainement plus souhaitable de construire des projets que de parler du passé…
Joms :
— Joie !
Tu as raison…
Tu m'offres déjà des amis.
J'ai bien compris — dès le début de notre discussion — qu'il n'était pas possible que tu sois esseulé à ce point.
Bien entendu, je suis partant pour l'action… j'ai cependant des interrogations nombreuses sur le travail réalisé pour retrouver un par un ces êtres qui t'avaient perdu, en lien avec le travail de sape fomenté par l'Austrel.
J'ai besoin d'apprendre ton fonctionnement pour me l'approprier !
Je suis friand d’ajouter des pierres à l’édifice de ma connaissance.
Oui…
Si ta réalité fut supprimée de leur esprit, cela dut être terrible de croiser des personnes qui t'estimaient autrefois ?
Tu n'étais plus qu'un étranger… un inconnu sans origine et formation légitime, dont il faut nécessairement se méfier.
Yeph :
— Oui, ce fut une affliction qu'il sera utile de te conter. La reconquête de mon intégrité n'est pas encore cependant achevée. Il y a encore beaucoup de ces amitiés perdues à restaurer. Sache déjà que cette terrible épreuve m'a permis de progresser davantage dans mes recherches, pour me rendre jour après jour plus habile à la rencontre humaine…
Joms :
— Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort[xiii] !
Yeph :
— En effet… en apparence… cependant la douleur ne s'efface pas toujours… même au fil du temps, et nous fragilise en fait.
J'ai pu développer par ma quête — en utilisant ma propre expérience — une théorie selon laquelle la mémoire a aussi sa source dans le corps comme dans le cœur de l'humain.
Notre esprit n'est pas l'unique espace mémoriel…
Mes amis, mes amours, m'ont reconnu au-delà de la conscience. Les sentiments ont été notamment révélés parmi les facteurs déclenchant des plus heureuses retrouvailles !
Joms :
— Je comprends.
Je suis totalement d'accord avec toi.
Il faut que j'en apprenne davantage. Cela me passionne.
Aussi, sache que j'ai moi-même des amis formidables à te présenter.
Je suis jeune, très jeune.
Ma libération du CEI est récente — tu l’as bien compris — comme ce moment sublime de la suppression de la greffe, cependant je n'ai pas perdu mon temps : rencontres, découvertes… je suis un jouisseur de la vie, fort de tout l'amour qui me guide à travers les Bases et la Cité.
Ton analyse était juste : mes proches me surnomment le Génie du cœur[xiv].
Je cherche sans cesse des êtres avec une vitalité similaire à la mienne, afin de ne pas m'ennuyer. Le médiocre me rend malade. J'ai besoin de faire connaître aussi mes trésors et mes créations : être écouté, aimé… sinon j'en mourrais.
C'est mon problème… sensiblement lié au tien.
Il y a si peu de vivants.
Un greffé n’a guère d'intérêt… les moutons me fatiguent !
Ma rencontre de ce jour ouvre à mon existence des perspectives réjouissantes : je savais que tu existais au sein des Bases.
Oui, il devait y avoir des êtres qui me ressemblent à découvrir.
J'attendais cet instant depuis si longtemps.
Peut-être n'étais-je pas encore prêt ?
J'ai cependant eu la chance de rencontrer des vivants qui, comme toi, osent — peut-être davantage en discrétion — lutter contre la lobotomisation des esprits.
"Patience, patience" me disait une femme formidable — Nicol, une magister médecin — disparue depuis et que j'aimerais retrouver, si l'Austrel ne l'a pas kryfluxirée.
Esseulé… il y a peu, j'étais en effet encore prisonnier de mes anciennes habitudes, à préférer trop souvent l'aquoibonisme et la procrastination, dès que l'acte de volonté me semblait vain ou trop important.
Je désirais apprendre mais les envies étaient plus fortes devant la facilité de l'oubli par les drogues légales conseillées par le pouvoir, afin de nous éviter toute dépression ou surpression !
Mon âme combattait sur deux voies limitées, au risque de massacrer mon corps comme mon cœur… mon esprit au ralenti : j'étais toujours à devoir jouer entre la folie destructrice et le médiocre… que je ne voulais pas, mais qui semblait s’imposer à moi, en suivant des ombres… l’illusion d’être moins seul !
Aujourd'hui je comprends que d'autres chemins de vie sont merveilleusement possibles.
Il y a des êtres qui me ressemblent, non par ce que je suis, mais parce qu’ils sont aussi différents des autres.
Ce que tu as nommé la pluripossibilité me révèle et m'éveille à d'autres routes qui s'annoncent géniales.
Cela libère des concepts transcendantaux qui nous enferment dans un principe de généralité ou d’universalité… tout en ne déconsidérant pas le rêve impossible d’embrasser la totalité des connaissances.
Oui j’ai mes limites… et le savoir m’invite maintenant à l’aventure !
Je suis prêt à l'action.
Cette quête est belle.
Je pense être aussi un pirate… et j'aspire sincèrement à la chevalerie !
Yeph :
— C'est la recherche de l'amour humain…
Oser entreprendre…
Si tu en as l'audace, tu sauras aussi par ton courage et ta volonté, retrouver cette grande dame qui semble avoir tant compté dans ton enfance…
Joms :
— Nicol est vivante ?
Yeph :
— Déportée depuis longtemps sur la Base de l'Égrêt, elle languit dans un sordide sanatorium…
Joms :
— Ah, sûr de ton aide, j'irai la libérer… Nous œuvrerons avec amour pour la rendre au monde des vivants.
Tous ensemble, nous allons conquérir l'univers.
Une lutte de la paix et pour la paix, à la rencontre de l'amour.
Nous allons trouver l'espace et le temps afin de bâtir de nouvelles zones autonomes plus subtiles.
Y réaliser ce que nous désirons…
Yeph :
— Une devise me tente :
"Fais ce que tu veux… mais fais le bien" !
Joms :
— "Fais ce que tu veux… mais fais le bien", me plaît aussi…
Davantage, même.
Cependant, par ce jeu subtil avec notre langue, je propose alors une interprétation différente, qui nous invite non seulement au bien, mais au mieux !
« Fais ce que tu veux… mais fais le bien, et fait le mieux » !
Par ce choix volontaire et ambitieux qui nous engage, nous serons libres enfin d'aimer, d'apprendre… de comprendre… afin de créer.
Un nouvel art s’annonce !
Mon cher Yeph, voici en cadeau offert à l'amour du beau, un premier poème qu'il me plaît de déclamer ce jour en ton honneur, et pour toutes celles et ceux qui aspirent à grandir :
[i] Merci à Alfred Elton Van VOGT. Cet élève de KORZYBSKI s’est fait remarquer dans son œuvre avec de grandes réussites comme « Le Cycle des NON-A », « À la poursuite des SLANS » et aussi « Le Cycle des Marchands d’Armes » où la devise des fabricants est « Être armé, c’est être libre ».
[ii] Merci à Boris VIAN, à l’œuvre de son vivant pour rappeler que l’homme libre — même adepte de la non-violence — peut aussi porter sur lui la capacité à se défendre. N’en est-il pas mort cependant ?
La chanson « Le déserteur » fut-elle victime d’une « autocensure » par l’auteur lui-même, ou est-ce Marcel André MOULOUDJI qui a du protéger sa carrière ?
Aujourd’hui, il y a les biographes officiels (et les détenteurs des mannes financières) qui préfèrent certainement présenter Boris VIAN comme un personnage accessible ; adaptable aux « moyens ». À la lecture de l’histoire non officielle du personnage, VIAN était moins dangereux mort que vivant… il peut être pensé alors que ce grand gêneur fut supprimé ? C’est bien un personnage hors normalités — libéré des morales, et fort de valeurs — que les puissants qui tentent de nous gouverner n’ont pas pu supporter !
Oui, il y a bien une version du Déserteur où l’anti héros emporte des armes… car se faire tirer comme un lapin par les kapos de la République ne semble pas être dans l’idéal de vie de cet anarchiste humaniste, poète et musicien.
[iii] Merci à Anatole FRANCE pour cette citation tristement célèbre, prononcée après la première guerre mondiale (la Grande Guerre, la préférée de Georges BRASSENS…, celle de quatorze-dix-huit) : « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels ».
[iv] Merci à Jean COCTEAU pour cette citation étonnante qui ouvre la réflexion à énormément de questions passionnantes.
[v] Merci à CICÉRON, ce chef politique nominé « philosophe d’État » — dans un empire où la guerre ne laissait que très peu de temps à s’adonner à la philosophie — comme pense l’être Bernard Henri LÉVY. Ce cher CICÉRON osait dire entre quelques autres propos savants récupérés des traductions grecques qui semblaient conformes à la pensée du moment, que « nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libre ». Aussi l’on comprend mieux la définition de CICÉRON toujours d’usage pour le pirate : « un pirate est un “hostis humani generis”, un ennemi du genre humain et nul ne doit se sentir lié à lui par la foi jurée ou par un serment ». Oui, le pirate, cet homme libre qui refuse l’impôt à verser aux tyrans est l’ennemi de la nation… Oui, comment les puissants vivraient dans leurs palais si les pauvres ne payaient plus et ne faisaient plus la guerre ? Le pirate rejette le politique, le fustige comme parasite de la nation ! Le pirate est l’ennemi des sociétés pyramidales de type « aristotéliciennes » où il est trouvé légitime qu’un peuple soit exploité par des dirigeants qui se pensent supérieurs.
CICÉRON est l’homme politique par excellence ! Avocat et militaire, il a été un bon orateur, un bon traître, un bon lèche-savates, un bon riche sur le dos du peuple, un bon tyran pour le bien du peuple, un pion des autres puissants… et dans ses loisirs, il fut un passeur falsificateur des idées des autres « revisitées ou trichées ». Sa vie aura été de brasser l’or et le sang !
Il sera assassiné comme de tradition dans la Rome antique ! Avec la tête coupée, les mains aussi furent séparées du corps… Pourquoi ?
À lire par plaisir les différentes versions de sa mort moult fois réécrites pour que le peuple soit édifié, selon les convenances des historiens politiques…
Il meurt en lâche ou en héros ? Celui qui avait écrit les Philippiques rêvait du pouvoir suprême… le grand CICÉRON est presque devenu le dieu des politiciens contemporains !
Pour MARC AURÈLE — monstre sacré aussi — cet empereur élevé comme « philosophe » avait été déjà divinisé par le Sénat de Rome, (comme CHARLEMAGNE fut sanctifié par l’Église catholique). MARC AURÈLE est comme CICÉRON, et tous les autres hommes politiques : un homme qui brasse le sang et l’argent du peuple, de guerres en guerres pour assurer l’unité d’un empire ! Pauvre de lui, la « Pax Romana » que MARC AURÈLE se glorifie d’avoir maintenue, est aussi meurtrière et insupportable pour les peuples asservis à cet empire — gagné par des invasions barbares que l’on présente comme civilisées — que les tyrannies de CHARLEMAGNE, de GENGIS KAN, de NAPOLÉON ou d’HITLER… Tous ces chefs allaient à la guerre pour unifier des peuples autour de leurs bonnes idées de la vie !
Il est impossible d’être politicien et philosophe… Le pouvoir et la sagesse ne sont pas compatibles !
[vi] Merci à Robin des BOIS… ce personnage aux très nombreuses légendes… selon l’art des écrivains libres ou les obligations et le talent des nègres au service d’un pouvoir !
Robin des BOIS passe pour être tantôt un vrai pirate, aristocrate au grand cœur, rendant aux pauvres l’impôt toujours injuste, défenseur des libertés, de la veuve et de l’orphelin ; tantôt on le cantonne au rôle du corsaire assermenté au service « du tyran légitime », luttant avec le sens de la justice contre le « tyran illégitime » ; tantôt enfin il est présenté comme un vulgaire bandit, égoïste et malfaisant, dont la tête doit tomber pour le bien de la société.
[vii] Merci donc encore à CICERON pour cette vérité sociétale. André GIDE écrivait dans « Les Nouvelles Nourritures Terrestres » à propos de CICÉRON philosophe : « Une voiture de maraîcher charrie plus de vérités que les plus belles périodes de CICÉRON ». Oui, le pirate est bien l’ennemi de toute société à hiérarchie verticale. Le pirate est un fervent pratiquant du système horizontal : chacun, dans ces zones autonomes, est considéré pour ses talents, sans principe politique.
Le pirate considère que l’homme n’est pas un animal politique…
Le pirate n’est pas « aristotélicien ». Il sait que l’homme est seul avec lui-même. Sa rencontre avec l’autre est un chemin d’amour et non pas de pouvoir !
« Régner est un crime » écrivait Louis Antoine de SAINT JUST.
[viii] Merci à Victor HUGO & au Lieutenant X pour cette devise qui présente l’homme évolué.
[ix] Merci à PLATON pour la sentence imposée à SOCRATE par les Juges de la Cité après sa condamnation. PLATON devait se débarrasser de son magister pour prendre enfin son envol. SOCRATE meurt, PLATON devient enfin.
SOCRATE a-t-il existé ?
[x] Merci à PROTAGORAS, revisité par Friedrich NIETZSCHE dans « Vérité et mensonges au sens extra-moral ».
[xi] Merci à Gilles DELEUZE et à Félix GUATTARI pour « Mille Plateaux » où leur massacre plutôt justifié de « l’enseignant type » me conforte dans l’idée d’une « Thélème ».
[xii] Merci à Mélanie KLEIN pour sa prise de conscience de notre vécu « in-utéro » et à André GREEN pour son approche relativisée des souffrances prénatales et de leurs conséquences.
[xiii] Merci à Friedrich NIETZSCHE pour cette réflexion qui nous invite à la question sur toutes les morts possibles : s’il y a la mort physique qui est plutôt explicite, que penser de la mort psychologique, de la mort affective, de la mort de âme et de celle du cœur ?
[xiv] Merci à Friedrich NIETZSCHE, avec « Par-delà le bien et le mal » où il nous éveille au génie du cœur, d’après la traduction de HEMERY :
« le génie du cœur qui fait taire tout ce qui est bruyant et complaisant, et enseigne à écouter, qui police les âmes rugueuses et leur donne à savourer une exigence nouvelle, le désir de reposer calmement, comme un miroir, afin que le ciel profond se mire en elles… Le génie du cœur qui enseigne à la main, maladroite et trop prompte à patienter et à saisir avec plus de grâce ; qui devine le trésor caché et oublié, la goutte de bonté et de douce spiritualité sous la glace trouble et épaisse, qui est une baguette de sourcier pour chaque paillette d’or longtemps ensevelie dans sa gangue de sable et de limon…
Le génie du cœur : après son attouchement, chacun repart enrichi, non comblé et étonné, non ravi ou confus d’une richesse étrangère, mais plus riche de soi-même, se sentant plus nouveau qu’auparavant, libéré, pénétré, mis à nu par le souffle tiède du dégel… peut-être plus incertain, plus sensible, plus vulnérable, plus délicat, plus fragile, plus brisé, mais plein d’espérances qui n’ont encore de nom, plein d’un influx de vouloir et de courants nouveaux, de contre-courants et d’un reflux de nouveau nonchaloir… ».
— Oh… nous sommes-nous déjà croisés ?
Joms :
— Difficile à imaginer.
Cependant tout est possible… selon moi !
Yeph :
— Tu n'es pas un primaire… Tu es probablement dans la fin du troisième ou au début du quatrième cycle de l'homme, et bien entendu… plus de greffe seconde, à entendre cette réponse ouverte.
Tu es beau et audacieux.
Ton jeune âge implique un passage forcé au CEI.
Je devine une libération vraisemblable par les rebelles, avec une opération récente — oui, la cicatrice est encore visible — et j'admire une intégration plutôt réussie !
Je suis stupéfait de voir chez toi une telle énergie à gérer aussi rapidement la pluripossibilité.
Joms :
— Je ne connaissais pas ce mot. Il est mien maintenant.
Merci.
Je me prénomme Joms.
Yeph :
— Yeph…
Joms :
— Yeph ?
L'on m'a conté quelques histoires à propos d'un Jeph… mais pas de Yeph dans ma mémoire.
J'apprécie cependant la rencontre.
Yeph :
— C’est un plaisir pour moi !
Tu fus donc greffé cellulaire… à quel cycle ?
Je ne perçois pas chez toi de handicap…
Ou alors est-il subtil ou malin ?
Joms :
— Pas même bénin à ce jour…
Comment sais-tu tout cela ?
Ta capacité à l'introspection est redoutable.
Il est considéré comme fort indiscret, au sein de la Cité comme sur les Bases, de parler ainsi des séquelles de la greffe seconde !
Toute une théorie du complot se développe à ce sujet… Que cela vienne de la Cité me semble probable.
Il se dit ouvertement que la faille ne vient pas de la greffe elle-même, mais du fait de l'ôter.
Beaucoup donc demandent maintenant à la garder, après l'avoir longtemps rejetée.
La peur qui les guide m'est insupportable. Ils ne se posent jamais de question… ils ne cherchent pas à savoir !
Pourtant, lors de mes excursions dans la Cité, j'ai pu constater que le nombre des pantins — des greffés accomplis — en dégénérescence cérébrale, augmente régulièrement.
Les handicapés physiques sont assez peu nombreux… il se dit aussi qu'ils sont envoyés régulièrement par vaisseaux d'Extalyne vers un sanatorium…
Pour y être soignés dit-on ?
Surtout pour qu'ils ne soient pas vus !
L'obligation de perfection, assurant la légitimité du pouvoir de l'Austrel, exige de cacher les êtres différents, afin de faire vite oublier les erreurs et les tromperies.
Moi, je pense sérieusement que la dégénérescence cérébrale est le but secret du Haut Conseil de l'Austrel.
C'est en fait l'évolution logique de la greffe seconde.
Il n'y a pas — selon moi — de troisième prévue !
Nous étions tous programmés au CEI pour devenir de beaux moutons castrés… obéissants et travailleurs, pour le bien de la Cité !
Crétins mais béats !
Bienheureux les simples d'esprit…
Heureusement que l'on m'a ôté précocement la greffe !
À ce jour, je vais bien. Très bien, même.
J'ai la forme !
Pas de trouble particulier ressenti.
J'ai cette chance, alors que je n'ai vraiment pas été ménagé…
Yeph :
— Oh, quel rythme !
Que ton questionnement analytique est impressionnant.
C'est formidable.
Tu as réussi, ainsi, à développer une connaissance très précise de la situation.
Joms :
— Oui, oui…
Tu ne m'as pas encore répondu sur ton propre savoir, à propos notamment des malades, parmi les adolescents du CEI.
Faisais-tu partie des fondateurs du Centre ?
Serais-tu un des responsables en quête de repentir ?
Peut-être dois-je voir en toi un de ces médecins complètements fous, qui nous ont transformés en cobayes greffés — gavés à coup de Ritalèn, de Concyrta et autres médicaments lobotomisant — au sein de ce camp de concentration, pour faire de nous des enfants sages ?
Toi, tu n'es pas greffé…
As-tu préféré t'en préserver, connaissant les risques ?
Ton âge — même s'il m'est difficile de le définir — est au-delà des quatre premiers cycles de l'homme… Cela implique alors une très forte probabilité pour que tu sois de l'équipe des méchants !
Le problème est que tu m'es sympathique…
Yeph :
— Ah, Joms…
J'étais dans le cercle très restreint de l'opposition.
Farouchement opposé à la création du CEI, je m'efforçais de leurs expliquer qu'une instruction imposée — en espace clos de surcroît — serait toxique.
J'aspirais à une Thélème…
J'ai lutté sans relâche avec un groupe toujours plus réduit, afin d'éviter que soit pratiquée sur vous tous, cette maudite greffe cellulaire et…
Joms :
— Et te voici toujours en vie !
Sans avoir été greffé ?
Personne ne pouvait être opposé à ce point aux décisions du Haut Conseil de L'Austrel, sans être kryfluxiré ou greffé cellulaire de force.
Ta lutte extraordinaire, à écouter tes dires, porterait plutôt — selon ma première analyse — le petit nom de "fuite" !
Explique-moi donc, monsieur "courage" ?
Des éléments me manquent… au risque d'une dramatique erreur d'analyse.
J'ai besoin de données complémentaires !
Yeph :
— Wahoo…
Magnifique développement d'introspection !
Tu as un répondant qui me plaît beaucoup.
J'aime ta curiosité ouverte à la question, avec cette sage absence de certitude.
Ta capacité à l'analyse est remarquable.
Alors, Joms…
Je veux bien m'ouvrir à toi.
Il me faudrait cependant mille ans pour te conter quelques histoires, relatant mes aventures…
Joms :
— J'ai l'éternité devant moi…
Je t'écoute, attentif !
Yeph :
— Parfait…
Moi aussi…
Tu dois savoir que « combattre est déjà une défaite » !
Si l'on veut la guerre, préparer sa propre tombe est l'acte le plus sage qui soit.
J'ai été — plus jeune — un guerrier, trop sûr de mes actes.
Batailler contre l'injustice était mon sport favori, sans toujours mesurer les risques pour moi-même, et surtout pour celles et ceux qui m'aiment.
À quel prix… hélas !
Au fil du temps, j'ai mûri… je préfère maintenant davantage la diplomatie, aux trop souvent vains combats pour la justice et la paix.
Le sang et les larmes coulent assez dans ce monde, pour souhaiter être le protagoniste d'une histoire plus paisible !
Tenter de dessiner d'autres portes est réalisable, les franchir est une autre aventure.
La paix… Cela implique encore de savoir aussi se défendre, et de ne pas craindre de lutter farouchement… avec art.
Une vieille devise disait : « Soyons armés pour vivre libres[i] ».
Je ne l'oublie pas.
« J'emporte des armes et je sais tirer[ii] » disait le déserteur, refusant de guerroyer contre son frère, au nom d'un bout de terre à légitimer…
Se défendre… ou si possible, utiliser la dissuasion pour éviter d'être un pion du système, cela devient nécessaire lorsque l'on désire la paix.
J'ai aussi appris à savoir dire non.
Cependant, face à un ennemi très fort… et rusé… trop fort de ses certitudes et de ses méthodes destructrices, il peut être bon de se savoir faible, plus faible : prendre conscience de sa faiblesse est une force… et nous invite à user de notre intelligence… Alors l'esquive du combat s'avère souvent salutaire.
Éviter la lutte n'est pas toujours lâche !
Fuir est même, à mes yeux, une grande marque de courage… lorsque le combat est absurde.
C'eût été un suicide, que de m'opposer de face !
Joms :
— Je pense comprendre.
Tu n'as pas voulu te sacrifier !
Yeph :
— Absolument.
Le sacrifice, quel qu'il soit, d'un animal ou de tout homme est de toutes les façons ridicule.
Offrir un sacrifice à un dieu… quelle monstruosité.
Quelle violence barbare !
Les forces de l'Archyeur m'auraient en effet kryfluxiré si j'avais poursuivi mon action ouvertement, dans le refus total de la greffe et du CEI.
J'ai vu tomber quelques bons amis qui voulaient encore espérer en un revirement radical de ces politiques…
Quel gâchis !
Face à une situation aussi déséquilibrée, la lâcheté n'est pas du côté du fuyant, mais plutôt chez l'attaquant, qui use de méthodes bien peu honnêtes !
Les guerres ne sont jamais propres… certaines sont exceptionnelles dans la gestion de l'horreur.
Face aux puissances destructrices, il est possible d'être plus subtil que les rusés ou les téméraires, qui manquent souvent d'intelligence.
Les souvenirs des héros sont couverts de fleurs et de plaques dorées, dans les funératoriums… entourés de longues listes de disciples anonymes qui ont versé leur sang pour suivre un berger toujours bien sûr de lui, et de la cause…
Combien ont cru mourir ainsi pour leur patrie alors qu'ils tombaient pour accroître la fortune des industriels[iii] ?
J'ai pensé plus finement être vivant encore un peu… afin d'agir à mon heure… une fois plus fort et mieux préparé !
Joms :
— Tu n'avais donc pas d'allié ?
Yeph :
— Au final : Seul.
Seul contre tous !
Un pauvre individu hors normalités — l’erreur aux idées absurdes — face à une foule de moutons, en route vers l’abattoir, assurée de posséder la vérité transmise par la voix du maître…
La lutte avait bien peu de chances de s'avérer autrement que dramatique pour moi.
Joms :
— Oh, oh… c'est à moi donc de me trouver peut-être admiratif à te savoir vivant, alors ?
Et même pas en greffe troisième… même si je pense qu'elle n'existe pas…
Hum…
Méfiance ou lâcher prise ?
Es-tu un dieu ou un sombre illusionniste ?
Dois-je voir en toi un usurpateur, un escroc… un falsificateur de l'histoire, ou même un espion de la Cité à la recherche de quelques grands fous comme moi, pour les ramener par la ruse à l'instruction ?
Il y a chez toi une force de vie qui me séduit cependant !
J'aime ta puissance…
Yeph :
— Probablement ai-je un peu de tous ces caractères ?
Les hommes possèdent en eux le meilleur et le plus destructeur en potentiel… La quête de l'amour humain nous permet alors de choisir ce qui construit, plutôt que de nous laisser entraîner vers les forces les plus obscures de notre être. Il est nécessaire alors d'avoir comme toi — selon tes propres mots — une bonne dose de folie !
Fou, je pense l'être !
Suis-je vivant cependant ?
Joms :
— Il est vrai que si personne à ce jour n'avait été entendu prononcer les mots "je suis mort", notre réalité de "vivant" m'échapperait encore. J'ai lu récemment une phrase qui me questionne encore : « la vie est la première partie de la mort[iv] ».
Dis-moi donc enfin comment cela s'est passé, pour que je puisse te comprendre ?
Comment as-tu réussi à échapper aux griffes de l'Austrel… sans dégât !
Yeph :
— Sans dégât ?
Joms :
— Sans séquelle apparente, aurais-je dû dire, vu la tristesse soudaine de ton regard blessé.
Yeph :
— Ah, Joms…
Je commence à t'aimer !
Tu es d'une sensibilité merveilleuse, avec une vivacité cérébrale extraordinaire… et plutôt exceptionnelle, pour un ancien greffé. Il est vrai que tu fus sélectionné pour être parmi les huit-cent mille.
Je savais que vous étiez, pour la plupart d'entre vous, des IHN en potentiel avérés. Votre programme d'éducation se voulait précisément orienté pour éviter absolument l'éveil de votre pluripossibilité… dangereuse pour la bonne évolution de la Cité… depuis le Grand Jour.
Joms… sache que malgré ma prudence, j'ai été livré en toute confiance par un ami — un certain Sako — apeuré devant les menaces de l'Archyeur. Il a trouvé plus sage de me livrer aux juges de la Cité, qui ont réussi à m'arrêter !
Hélas…
Joms :
— Arrêté… vendu par un ami… du même nom que le nouvel Archyeur de la Cité… je ne peux pas vraiment mesurer ce que tu as dû endurer…
Même si tu ne réponds guère à mes questions, je suis sensible à tes propos.
Tu t'exprimes avec un vocabulaire qui m'est assez inconnu. J'en perçois bien le sens cependant, réalisant que le Centre nous avait limité volontairement à n'user que d'un lexique formaté.
Tu m'offres des termes qui enrichissent mon désir de communiquer.
Sans encore te connaître, je suis sensible à tes dires et j’espère déjà en ta sincérité.
Je sais maintenant comment te définir : Tu es un magicien… un magicien des mots !
Yeph :
— Pas faux…
Je préférerais pourtant être qualifié de pirate…
Oui, pour reprendre ton idée, je suis un pirate des mots !
Un chevalier du verbe…
Joms :
— Le mot chevalier m'est inconnu…
Par contre, un pirate ?
N'est ce pas ce vil et lâche bandit des mers[v] qui — sans aucune pitié — arraisonnait les navires désarmés pour s'enrichir de fortunes qui n'étaient pas siennes… et constituer des trésors honteux ?
Yeph :
— Voilà ma quête sensée par ta remarquable définition imposée par le CEI !
Tu as reçu en effet une instruction formatée où les mots n'ont plus cette sensibilité originelle, construite pour mieux communiquer, en donnant à l'homme la faculté de réfléchir et de s'apprendre lui-même.
Le langage devrait être un moyen formidable de mieux nous comprendre. Aujourd'hui, c'est l'outil de propagande essentiel, associé à une image imposée.
L'homme a régressé dans l'art de communiquer depuis que les pouvoirs se sont emparés du verbe !
Tout est systématiquement revisité, falsifié, triché pour transformer l'humain en pantin, absorbant des vérités aussi désespérantes que les ombres projetées sur le mur d'une caverne !
L'on a convaincu l'homme qu'il n'a plus besoin d'apprendre par lui-même. Il est gavé de certitudes grâce aux nouvelles définitions faisant foi.
Il pense savoir… il sait donc… sans pouvoir, sans vouloir s'interroger sur le bien-fondé de propos martelés dans son cortex…
Celui qui parle fort, avec ruse ; celui qui a les finances nécessaires et qui s'entoure des bons agents manipulateurs, prendra le pouvoir sur le peuple — annonçant qu'il est légitime sous prétexte d'élections — et deviendra ainsi porteur de la vérité du jour ! Il est lui-même le pantin des consortiums ; il se complaît dans cette gloire illusoire de se sentir utile et grand maître d'une foule de courtisans.
Il n'y a pas de pouvoir dans la dimension collective, qui soit conforme à ma manière de vivre tant qu'une hiérarchie verticale existe.
Le Haut Conseil de l'Austrel réussit progressivement à façonner son peuple de moutons dociles et obéissants. L'Archyeur réalise son rêve : sa vision du "bien absolu" s'imprime dans le profond de son peuple d'abeilles, où s'installe la théorie absurde — terriblement policée — du risque zéro !
Un pirate, mon cher Joms — étymologiquement — est un homme épris de liberté, qui tente sa chance à l'aventure, qui aspire à la fortune. Il se passionne aussi pour la lutte contre les injustices — surtout financières[vi] — des pouvoirs, qui parasitent depuis toujours le peuple, au nom d'une soi-disant justice ou d'une protection nécessaire !
Le pirate dénonce leur obsession à légiférer et leur reproche de prescrire ainsi toujours plus de contraintes, d'impôts et d'interdits afin d'assurer une prétendue indispensable sécurité pour notre bien-être… et nous promettre en acceptant cet esclavage, de mériter un bonheur futur !
Le pirate n'est pas un tricheur — contrairement au politique — et il n'agit pas pour son profit égoïste. Il utilise ses talents de courage et d'audace, et son intelligence… pour briser les vérités étatiques — ces mensonges dont nous sommes gavés — et il s'efforce de récupérer ce qui fut scandaleusement prélevé… pour le rendre généreusement à ceux qui ont été spoliés par des lois iniques !
Un pirate est donc le plus terrible ennemi de tout système[vii] car il le dénonce dans ses moindres déviances. Il est contre tout pouvoir à hiérarchie verticale.
Régner est un crime…
Pour le chevalier — un être solitaire mais solidaire[viii] — il est nécessaire d'ajouter à l'action passionnée du pirate, une jolie touche de sensibilité et la quête plus sublime de la beauté, même tragique.
Le pirate entre dans l'action sans forcément se placer dans une volonté constructrice, étant sans pitié face aux tyrans et avide de jouer l'aventure avec audace et passion… parfois un peu trop dans l'immédiateté de la jouissance… qui peut même tourner au carnage !
Le chevalier fait raison première de ses actes à embellir le monde qui l'entoure : son arme essentielle est l'analyse de l'amour humain. Il œuvre en ayant des règles du jeu plus subtiles où des principes et des devoirs sont choisis plutôt que des droits.
Le pirate agit pour son plaisir ; le chevalier est en quête d'un idéal impossible… par plaisir !
Joms :
— Ô pirate… beau chevalier, raconte-moi cette triste histoire où les forces de l'Archyeur t'ont emprisonné et condamné… et comment, surtout, tu t'en es sorti, presque vivant…
Conte-moi ta souffrance…
Livre-moi sans pudeur — par ces mots que tu connais si bien — tes blessures.
Que les mots soulagent tes maux.
Yeph :
— Eh bien…
Tu oses entrer dans mon histoire comme très peu ont su… Tu parviens à créer avec une facilité extrême, le lien le plus complexe et le plus merveilleux de la rencontre humaine, où le plus bel intérêt s'avère l'amour, le plaisir.
Merci d'exister cher Joms.
Oui…
Tu es natif d'une des dernières lointaines colonies où la sélection après l’Offryde, s'est aussi imposée pour réunir les enfants aptes à l'instruction spécifique du CEI.
Mon épopée t'était donc totalement inconnue, même avant mon premier procès.
En quelques mots… sache que très vite, une fois arrêté et présenté à la Haute Justice de la Cité, la solution finale fut décidée pour ma personne. Une suite de procès iniques en a découlé dans une haine totale, révélée par un jeu détestable de manipulations porté par la propagande — les médias à la solde du pouvoir — afin de préparer le peuple à ma chute. Je me retrouvais donc condamné avant même le jugement dernier, sans avoir eu le droit de m'exprimer.
J'étais présenté au monde comme le corrupteur de la jeunesse[ix]… Le guru des âmes, à vouloir refuser le CEI et la greffe seconde pour ces enfants dont tu fus.
Mes propos sur l'analyse de l'amour humain — la philanalyse — furent mis à l'index : l'on m'a stigmatisé comme charlatan et escroc pour avoir osé remettre en question des vérités millénaires, conservées par les pouvoirs politiques, médicaux, économiques et religieux.
J'avais en effet attaqué de front la Guilde, les Consortiums et l'Austrel !
Joms :
— Tu étais un petit David — seul — contre une armée de Goliath… Ce n'était pas vraiment raisonnable, mais cela devait être passionnant !
Je suis très attentif et en même temps bouleversé…
Cependant, éliminer un opposant aussi intelligent que toi implique nécessairement une méthode radicale, que je n'arrive pas à imaginer !
Te tuer aurait fait de toi un martyr… un nouveau dieu futur dans la mémoire des hommes, en quête de changement et avides de bergers.
Te bannir aurait entraîné un exode et perturbé fortement les projets de la Cité… Il y a déjà les Bases avec les Primaires. Oh, d'ailleurs, je pense que tu dois faire partie des créateurs, si tu n'es pas le créateur.
Bien, puisque tu ne sembles pas non plus avoir été lobotomisé…
Dis-moi, comment s'y sont-ils pris ?
C’est impossible…
Qu’est-ce qu’il y a de vrai dans tout cela ?
Je suis dans le doute. Tu t’amuses avec moi !
Yeph :
— Ton cerveau bouillonne toujours !
C'est formidable…
Ah cher Joms… lorsque des êtres s'éteignent, d'autres prennent naissance.
Il suffit de le désirer et d’entreprendre.
Quel bonheur, cette rencontre.
Joms :
— J'apprécie sincèrement tes propos qui touchent mon cœur et qui ne laissent ni mon esprit, ni mon corps, insensibles… pourtant tu joues beaucoup trop, dans notre dialogue, à l'art de la digression ou plutôt même de la régression !
L’art de la dialectique te permet différents degrés de cérébralisation de ce que tu ne veux pas voir ou raconter de ton histoire…
J'aimerais vraiment comprendre comment tu peux te dire en vie, et finalement te croire libre des forces de l'Austrel !
Quelles sont les névroses qui mènent la danse de ce jeu qui me séduit ?
La sublimation de tes blessures est certaine par toutes ces affabulations.
Yeph :
— Ah…
Tu as raison !
Tu sembles avoir construit un solide esprit critique à l’école de la psychanalyse.
Nous en reparlerons avec plaisir sans risquer les raccourcis qui annonceraient des impasses.
Tu es en recherche… moi aussi.
Et je n’ai encore acquis aucune certitude !
Je n’ai pas la prétention d’avoir la maîtrise ou même la connaissance de mon inconscient, et toute parole, si elle a sa part de mécanisme de défense, peut aussi s’offrir en l’intérêt peut-être le plus génial : le plaisir.
Joms :
— Je n’ai pas ta connaissance…
L’art de la manipulation est assurément un plaisir… cynique !
Yeph :
— Le cynisme est une souffrance pour l’être qui n’a pas encore suffisamment de liberté…
Joms :
— Oui, mais le trop de liberté de l’un devient une insupportable légèreté pour l’autre…
Yeph :
— Pardonne-moi si je puis encore être parfois maladroit. Je ne souhaite pas te meurtrir. Si c’est le cas, je suis sincèrement désolé.
Sache qu’au-delà de mon plaisir, il y a quelques règles qui conduisent mon jeu : ne pas m’abîmer, ne pas abîmer l’autre…
Joms :
— Et que gagnes-tu ?
Yeph :
— Le plaisir de grandir à la rencontre de l’autre… et si je le puis, le voir grandir à ma rencontre !
Joms :
— Je te suis donc utile ?
Yeph :
— Oui !
Ton génie du cœur m’intéresse particulièrement. Tu as une force vive bien rare en ce monde. Depuis Tomas, j’ai cru ne pas en trouver d’autres… toujours à percevoir trop vite les limites des êtres croisés.
Je te découvre aujourd’hui Joms… en reconstruction avec des blessures qui ne semblent pas irréversibles, comme ce fut le cas pour Tomas… puisqu’il s’en persuadait.
Alors je t’espère même en construction !
Cela signifie pour moi que je puis continuer ma quête : si tu existes, c’est qu’il y en a encore à travers ce monde…
Alors je suis moins seul.
Joms :
— Ta solitude ne sera pas comblée par le fantasme que tu projettes sur moi…
Pour ma part, je sais que je suis seul. J’ai assumé ce fait… Toi, tu te caches derrière l’illusion de notre rencontre.
Est-ce pitoyable ou dramatique ?
Non… c’est plutôt tragique !
Yeph :
— Oui…
Pour toi…
Moi, j’ai choisi la comédie… une psychomédie certainement… où la jouissance guide mes pas tout en créant le monde.
Ta réalité me plaît car j’en fais une vérité de l’instant.
J’accueille aussi l’idée d’un demain différent… possible.
Joms :
— C’est plus qu’un dialogue… tu m’entraînes dans une extraordinaire dispute.
Ah…
J’aime la lutte et tu es étonnamment fort.
Suis-je en danger ?
Dévoileras-tu tes limites ?
Yeph :
— Oui.
Par ce mot tu te places aussi entre deux feux fantasmagoriques que sont l’amour et la haine.
Il y a aussi le soleil du dehors : une lumière de la connaissance… Il peut être une sortie agréable de la caverne !
Mais il y a mille millions de soleils… au-delà…
Tu les as autour de toi…
Notre rencontre ne doit pas être une plongée nouvelle dans ton paradoxe de la confusion.
Je ne suis pas une énième projection du clivage de ton moi et mes réponses ne sont pas orientées vers ton désir de réparation.
Si mes jardins secrets n’ont pas d’espaces interdits pour l’être qu’il me plaît de comprendre, c’est que, pour le connaître, je dois être nu moi-même.
Joms :
— Et qu’attends-tu de moi ?
Yeph :
— Ce que je vis maintenant : être à côté de toi.
Quelques secondes où le « je » peut devenir « nous ».
Joms :
— Faut-il y croire ?
Est-ce réalisable ?
Quel est le poids de la vérité dans tes propos ?
Yeph :
— Quelle en est la mesure que tu es prêt à m’accorder[x] ?
Le château-fort d’une certitude sera tôt ou tard un château de sable balayé par la marée des découvertes nouvelles…
Mon plaisir de la rhétorique n’est surtout pas joué dans l’appropriation du langage pour en faire encore une arme de pouvoir et combattre ce jour avec toi…
Vouloir être le géant de l’autre par l’illusion d’une connaissance supérieure, ce serait une régression dans l’art de communiquer.
Discourir n’est pas dans le projet d’une quête d’autorité, mais dans l’espérance de la rencontre platonique : d’un enrichissement mutuel[xi].
Joms :
— Je ne saurais me résigner moi-même à dominer quiconque : de tous les arts, celui du pouvoir n’a donné que des monstres…
Les tropes avec toi s’annoncent à foison.
Dois-je me persuader qu’ils sont utilisés dans notre intérêt commun ?
Me suis-je finalement blessé sur mes propres armes défensives en t’en désignant l’auteur par dépit ?
Dévoile-toi davantage, que je songe aussi peut-être à ouvrir mon cœur.
Yeph :
— L’expérience de la gémellité m’a donné quelques clefs.
Un jumeau, pour l’Archyeur — je vais reprendre un de tes mots qui saurait définir l’Austrel — c’est selon ses termes : la plus grande monstruosité de la nature…
Pour la tradition dans laquelle nous avons été éduqués, c’est le danger de vivre sa phase narcissique en plénitude… et le risque ne pas adhérer à la société, n’en éprouvant pas le besoin.
Joms :
— Se suffire à soi-même dans sa solitude, parce que nous nous rencontrons parfois dans l’autre… c’est une analyse qui me conforte dans la nécessité du jaillissement issu du rien.
J’aime ce mot qui se cherche un sens…
Voici que je lui en offre un !
Le « rien », je le perçois comme « avant tout commencement » : un « zéro ».
Une porte qui s’ouvre sur un espace temps !
Ce n’est pas un vide… il n’est pas matérialisable cependant car cette porte annonce et l’espace et le temps…
Infini vers hier…
Infini vers demain…
Il n’est pas le néant ou le manque, mais serait une « chose » — par son étymologie même — en attente : comme la demi-cellule à la rencontre d’une autre demi-cellule, pour former par mitose, la structuration d’une cellule mère, un organisme en devenir par sa possible infinie multiplication.
C’est la vie.
Avant la fusion des deux gamètes, cette cellule mère originale n’existe pas en tant qu’unité réelle… elle est un potentiel sans être.
Notre nature est une suite de « big-bangs » où la démultiplication s’annonce lorsque se produit une rencontre d’entités figées qui se mettent en mouvement par leur union.
L’art semble alors cette vérité merveilleuse d’une rencontre d’idées, d’énergies, d’ondes… qui n’ont pas de raison première au-delà du mystère d’une association pour que naisse la création.
Des « ondes immatérielles » qui s’unissent donnent naissance à l’objet… comme la lumière qui se matérialise en photons. Le « rien », c’est l’instant de dualité entre l’onde et la particule… avant le corpuscule !
Pour le découvrir, il faut aller au-delà des psychologies cognitives et du béhaviorisme. On entre dans le « ressenti » du corps et du cœur.
Rien à percevoir…
Rien à comprendre !
Alors, réfléchir ainsi sur l’humain comme « unité relative » c’est oser sortir d’une vérité établie par une puissance supérieure… et rejeter naturellement l’autorité !
Oh, je saisis maintenant bien mieux le danger que tu représentes pour l’Austrel !
Tu oses inviter à la question sur la position dépressive, en proposant d’autres alternatives que la certitude d’une nécessité de réparation que l’être veut toujours rejeter par une défense maniaque.
Oui…
Si je comprends bien ta quête, ils t’ont massacré pour que tu ne sois pas un mauvais exemple…
Par tes idées, tu risquais en effet de corrompre la jeunesse : tu démolis des millénaires de vérités en affirmant que nous ne sommes pas dans la faute ou l’erreur par le simple fait d’être nés…
Et moi ?
Que sais-je du sein qui m’a porté ?
Suis-je aussi encore dans le trop qui crée mon trop[xii] ?
Dois-je céder à la tentation de me mettre à nu ?
Qu’ai-je à perdre…
Qu’ai-je à gagner ?
J’hésite à imaginer ton attitude comme une identification projective, voire intrusive… de l’objet de ton refoulement ou comme un autre regard ouvrant des perspectives réjouissantes sur mes propres névroses !
Es-tu redoutable de sincérité ou ton besoin démesuré de gratitude t’entraîne-t-il dans une position psycho-paranoïde qui risque de me transformer en l’objet de tes envies ?
Je baisse la garde ?
Oui…
Allez, s’il-te-plaît monsieur, beau magicien-pirate-chevalier, donne-moi quelques nourritures terrestres à grignoter.
Sans m’obliger à un pari stupide, j’ai le sentiment de ne pas me tromper en osant poursuivre la conversation.
Conte-moi ce grand et triste soir où l’ancien Archyeur a fomenté ta chute !
Yeph :
— Hélas !
Sache que la mort physique était trop douce à leurs yeux…
Ils ont préféré la mort psychologique !
Voilà donc quelques bribes révélant mon histoire : les médecins experts — ces apprentis sorciers du Centre — ont réussi, avec la bénédiction des juges, à ôter de la mémoire des habitants de la Cité et des Bases, mon existence !
J'ai été oublié du monde !
Tout mon travail, mes découvertes, ma quête… cela n'existait plus !
Ils ont nommé cela "la Rumeur".
Joms :
— Non !
C'est énorme.
L'idée est géniale… dramatique pour toi, mais absolument géniale !
Yeph :
— Eh oui.
L'esprit de tous ceux qui me connaissaient fut définitivement nettoyé de ma personne et de mes actions.
Comme le disque dur d'un ordinateur dont les données sont effacées irrémédiablement… j'ai disparu pour tous.
Joms :
— Alors je comprends davantage.
Lorsque tu parles de solitude…
Oui !
Tu es seul, Yeph… et personne ne peut saisir qui tu es.
Tout seul… mais bien plus que quiconque, puisque l’autre ignore jusqu’à ta réalité externe.
De là s'explique donc ce voile de tristesse !
Des cycles et des cycles pour construire la rencontre, établir des liens… avoir le plaisir de créer, et surtout d’échanger ses découvertes, pour voir s’anéantir tout cela…
Ah…
Non.
Non, tu n'es pas seul…
Je réfléchis à tes propos sur cette improbable consubstantiation où le « je » devient « nous ».
Tu viens de me rencontrer et je t'aime déjà moi aussi !
Je découvre l’intérêt plaisir !
Est-ce alors une transsubstantiation ?
Ah, ah, ah !
Maintenant, raconte-moi un peu de cette vie qui semble si riche — si le cœur t'en dit.
Puisque tu me connais déjà par le CEI, il me faut équilibrer les savoirs.
J'ai besoin d'entendre par exemple qui tu aimais avant moi, et qui t'aimait…
Yeph :
— Joms, tu as beaucoup en effet à apprendre de tous ces cycles passés aux histoires tragiques, comme aussi pour les aventures merveilleuses. Cependant je préférerais sincèrement t'inviter à les écouter par la bouche de nombreux êtres qui me sont chers aujourd'hui. Ils seront enchantés de te rencontrer afin de savourer le présent, le passé… et l'avenir. Ils t’expliqueront mieux que moi comment nous nous sommes retrouvés !
Pour nous deux, il est certainement plus souhaitable de construire des projets que de parler du passé…
Joms :
— Joie !
Tu as raison…
Tu m'offres déjà des amis.
J'ai bien compris — dès le début de notre discussion — qu'il n'était pas possible que tu sois esseulé à ce point.
Bien entendu, je suis partant pour l'action… j'ai cependant des interrogations nombreuses sur le travail réalisé pour retrouver un par un ces êtres qui t'avaient perdu, en lien avec le travail de sape fomenté par l'Austrel.
J'ai besoin d'apprendre ton fonctionnement pour me l'approprier !
Je suis friand d’ajouter des pierres à l’édifice de ma connaissance.
Oui…
Si ta réalité fut supprimée de leur esprit, cela dut être terrible de croiser des personnes qui t'estimaient autrefois ?
Tu n'étais plus qu'un étranger… un inconnu sans origine et formation légitime, dont il faut nécessairement se méfier.
Yeph :
— Oui, ce fut une affliction qu'il sera utile de te conter. La reconquête de mon intégrité n'est pas encore cependant achevée. Il y a encore beaucoup de ces amitiés perdues à restaurer. Sache déjà que cette terrible épreuve m'a permis de progresser davantage dans mes recherches, pour me rendre jour après jour plus habile à la rencontre humaine…
Joms :
— Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort[xiii] !
Yeph :
— En effet… en apparence… cependant la douleur ne s'efface pas toujours… même au fil du temps, et nous fragilise en fait.
J'ai pu développer par ma quête — en utilisant ma propre expérience — une théorie selon laquelle la mémoire a aussi sa source dans le corps comme dans le cœur de l'humain.
Notre esprit n'est pas l'unique espace mémoriel…
Mes amis, mes amours, m'ont reconnu au-delà de la conscience. Les sentiments ont été notamment révélés parmi les facteurs déclenchant des plus heureuses retrouvailles !
Joms :
— Je comprends.
Je suis totalement d'accord avec toi.
Il faut que j'en apprenne davantage. Cela me passionne.
Aussi, sache que j'ai moi-même des amis formidables à te présenter.
Je suis jeune, très jeune.
Ma libération du CEI est récente — tu l’as bien compris — comme ce moment sublime de la suppression de la greffe, cependant je n'ai pas perdu mon temps : rencontres, découvertes… je suis un jouisseur de la vie, fort de tout l'amour qui me guide à travers les Bases et la Cité.
Ton analyse était juste : mes proches me surnomment le Génie du cœur[xiv].
Je cherche sans cesse des êtres avec une vitalité similaire à la mienne, afin de ne pas m'ennuyer. Le médiocre me rend malade. J'ai besoin de faire connaître aussi mes trésors et mes créations : être écouté, aimé… sinon j'en mourrais.
C'est mon problème… sensiblement lié au tien.
Il y a si peu de vivants.
Un greffé n’a guère d'intérêt… les moutons me fatiguent !
Ma rencontre de ce jour ouvre à mon existence des perspectives réjouissantes : je savais que tu existais au sein des Bases.
Oui, il devait y avoir des êtres qui me ressemblent à découvrir.
J'attendais cet instant depuis si longtemps.
Peut-être n'étais-je pas encore prêt ?
J'ai cependant eu la chance de rencontrer des vivants qui, comme toi, osent — peut-être davantage en discrétion — lutter contre la lobotomisation des esprits.
"Patience, patience" me disait une femme formidable — Nicol, une magister médecin — disparue depuis et que j'aimerais retrouver, si l'Austrel ne l'a pas kryfluxirée.
Esseulé… il y a peu, j'étais en effet encore prisonnier de mes anciennes habitudes, à préférer trop souvent l'aquoibonisme et la procrastination, dès que l'acte de volonté me semblait vain ou trop important.
Je désirais apprendre mais les envies étaient plus fortes devant la facilité de l'oubli par les drogues légales conseillées par le pouvoir, afin de nous éviter toute dépression ou surpression !
Mon âme combattait sur deux voies limitées, au risque de massacrer mon corps comme mon cœur… mon esprit au ralenti : j'étais toujours à devoir jouer entre la folie destructrice et le médiocre… que je ne voulais pas, mais qui semblait s’imposer à moi, en suivant des ombres… l’illusion d’être moins seul !
Aujourd'hui je comprends que d'autres chemins de vie sont merveilleusement possibles.
Il y a des êtres qui me ressemblent, non par ce que je suis, mais parce qu’ils sont aussi différents des autres.
Ce que tu as nommé la pluripossibilité me révèle et m'éveille à d'autres routes qui s'annoncent géniales.
Cela libère des concepts transcendantaux qui nous enferment dans un principe de généralité ou d’universalité… tout en ne déconsidérant pas le rêve impossible d’embrasser la totalité des connaissances.
Oui j’ai mes limites… et le savoir m’invite maintenant à l’aventure !
Je suis prêt à l'action.
Cette quête est belle.
Je pense être aussi un pirate… et j'aspire sincèrement à la chevalerie !
Yeph :
— C'est la recherche de l'amour humain…
Oser entreprendre…
Si tu en as l'audace, tu sauras aussi par ton courage et ta volonté, retrouver cette grande dame qui semble avoir tant compté dans ton enfance…
Joms :
— Nicol est vivante ?
Yeph :
— Déportée depuis longtemps sur la Base de l'Égrêt, elle languit dans un sordide sanatorium…
Joms :
— Ah, sûr de ton aide, j'irai la libérer… Nous œuvrerons avec amour pour la rendre au monde des vivants.
Tous ensemble, nous allons conquérir l'univers.
Une lutte de la paix et pour la paix, à la rencontre de l'amour.
Nous allons trouver l'espace et le temps afin de bâtir de nouvelles zones autonomes plus subtiles.
Y réaliser ce que nous désirons…
Yeph :
— Une devise me tente :
"Fais ce que tu veux… mais fais le bien" !
Joms :
— "Fais ce que tu veux… mais fais le bien", me plaît aussi…
Davantage, même.
Cependant, par ce jeu subtil avec notre langue, je propose alors une interprétation différente, qui nous invite non seulement au bien, mais au mieux !
« Fais ce que tu veux… mais fais le bien, et fait le mieux » !
Par ce choix volontaire et ambitieux qui nous engage, nous serons libres enfin d'aimer, d'apprendre… de comprendre… afin de créer.
Un nouvel art s’annonce !
Mon cher Yeph, voici en cadeau offert à l'amour du beau, un premier poème qu'il me plaît de déclamer ce jour en ton honneur, et pour toutes celles et ceux qui aspirent à grandir :
[i] Merci à Alfred Elton Van VOGT. Cet élève de KORZYBSKI s’est fait remarquer dans son œuvre avec de grandes réussites comme « Le Cycle des NON-A », « À la poursuite des SLANS » et aussi « Le Cycle des Marchands d’Armes » où la devise des fabricants est « Être armé, c’est être libre ».
[ii] Merci à Boris VIAN, à l’œuvre de son vivant pour rappeler que l’homme libre — même adepte de la non-violence — peut aussi porter sur lui la capacité à se défendre. N’en est-il pas mort cependant ?
La chanson « Le déserteur » fut-elle victime d’une « autocensure » par l’auteur lui-même, ou est-ce Marcel André MOULOUDJI qui a du protéger sa carrière ?
Aujourd’hui, il y a les biographes officiels (et les détenteurs des mannes financières) qui préfèrent certainement présenter Boris VIAN comme un personnage accessible ; adaptable aux « moyens ». À la lecture de l’histoire non officielle du personnage, VIAN était moins dangereux mort que vivant… il peut être pensé alors que ce grand gêneur fut supprimé ? C’est bien un personnage hors normalités — libéré des morales, et fort de valeurs — que les puissants qui tentent de nous gouverner n’ont pas pu supporter !
Oui, il y a bien une version du Déserteur où l’anti héros emporte des armes… car se faire tirer comme un lapin par les kapos de la République ne semble pas être dans l’idéal de vie de cet anarchiste humaniste, poète et musicien.
[iii] Merci à Anatole FRANCE pour cette citation tristement célèbre, prononcée après la première guerre mondiale (la Grande Guerre, la préférée de Georges BRASSENS…, celle de quatorze-dix-huit) : « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels ».
[iv] Merci à Jean COCTEAU pour cette citation étonnante qui ouvre la réflexion à énormément de questions passionnantes.
[v] Merci à CICÉRON, ce chef politique nominé « philosophe d’État » — dans un empire où la guerre ne laissait que très peu de temps à s’adonner à la philosophie — comme pense l’être Bernard Henri LÉVY. Ce cher CICÉRON osait dire entre quelques autres propos savants récupérés des traductions grecques qui semblaient conformes à la pensée du moment, que « nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libre ». Aussi l’on comprend mieux la définition de CICÉRON toujours d’usage pour le pirate : « un pirate est un “hostis humani generis”, un ennemi du genre humain et nul ne doit se sentir lié à lui par la foi jurée ou par un serment ». Oui, le pirate, cet homme libre qui refuse l’impôt à verser aux tyrans est l’ennemi de la nation… Oui, comment les puissants vivraient dans leurs palais si les pauvres ne payaient plus et ne faisaient plus la guerre ? Le pirate rejette le politique, le fustige comme parasite de la nation ! Le pirate est l’ennemi des sociétés pyramidales de type « aristotéliciennes » où il est trouvé légitime qu’un peuple soit exploité par des dirigeants qui se pensent supérieurs.
CICÉRON est l’homme politique par excellence ! Avocat et militaire, il a été un bon orateur, un bon traître, un bon lèche-savates, un bon riche sur le dos du peuple, un bon tyran pour le bien du peuple, un pion des autres puissants… et dans ses loisirs, il fut un passeur falsificateur des idées des autres « revisitées ou trichées ». Sa vie aura été de brasser l’or et le sang !
Il sera assassiné comme de tradition dans la Rome antique ! Avec la tête coupée, les mains aussi furent séparées du corps… Pourquoi ?
À lire par plaisir les différentes versions de sa mort moult fois réécrites pour que le peuple soit édifié, selon les convenances des historiens politiques…
Il meurt en lâche ou en héros ? Celui qui avait écrit les Philippiques rêvait du pouvoir suprême… le grand CICÉRON est presque devenu le dieu des politiciens contemporains !
Pour MARC AURÈLE — monstre sacré aussi — cet empereur élevé comme « philosophe » avait été déjà divinisé par le Sénat de Rome, (comme CHARLEMAGNE fut sanctifié par l’Église catholique). MARC AURÈLE est comme CICÉRON, et tous les autres hommes politiques : un homme qui brasse le sang et l’argent du peuple, de guerres en guerres pour assurer l’unité d’un empire ! Pauvre de lui, la « Pax Romana » que MARC AURÈLE se glorifie d’avoir maintenue, est aussi meurtrière et insupportable pour les peuples asservis à cet empire — gagné par des invasions barbares que l’on présente comme civilisées — que les tyrannies de CHARLEMAGNE, de GENGIS KAN, de NAPOLÉON ou d’HITLER… Tous ces chefs allaient à la guerre pour unifier des peuples autour de leurs bonnes idées de la vie !
Il est impossible d’être politicien et philosophe… Le pouvoir et la sagesse ne sont pas compatibles !
[vi] Merci à Robin des BOIS… ce personnage aux très nombreuses légendes… selon l’art des écrivains libres ou les obligations et le talent des nègres au service d’un pouvoir !
Robin des BOIS passe pour être tantôt un vrai pirate, aristocrate au grand cœur, rendant aux pauvres l’impôt toujours injuste, défenseur des libertés, de la veuve et de l’orphelin ; tantôt on le cantonne au rôle du corsaire assermenté au service « du tyran légitime », luttant avec le sens de la justice contre le « tyran illégitime » ; tantôt enfin il est présenté comme un vulgaire bandit, égoïste et malfaisant, dont la tête doit tomber pour le bien de la société.
[vii] Merci donc encore à CICERON pour cette vérité sociétale. André GIDE écrivait dans « Les Nouvelles Nourritures Terrestres » à propos de CICÉRON philosophe : « Une voiture de maraîcher charrie plus de vérités que les plus belles périodes de CICÉRON ». Oui, le pirate est bien l’ennemi de toute société à hiérarchie verticale. Le pirate est un fervent pratiquant du système horizontal : chacun, dans ces zones autonomes, est considéré pour ses talents, sans principe politique.
Le pirate considère que l’homme n’est pas un animal politique…
Le pirate n’est pas « aristotélicien ». Il sait que l’homme est seul avec lui-même. Sa rencontre avec l’autre est un chemin d’amour et non pas de pouvoir !
« Régner est un crime » écrivait Louis Antoine de SAINT JUST.
[viii] Merci à Victor HUGO & au Lieutenant X pour cette devise qui présente l’homme évolué.
[ix] Merci à PLATON pour la sentence imposée à SOCRATE par les Juges de la Cité après sa condamnation. PLATON devait se débarrasser de son magister pour prendre enfin son envol. SOCRATE meurt, PLATON devient enfin.
SOCRATE a-t-il existé ?
[x] Merci à PROTAGORAS, revisité par Friedrich NIETZSCHE dans « Vérité et mensonges au sens extra-moral ».
[xi] Merci à Gilles DELEUZE et à Félix GUATTARI pour « Mille Plateaux » où leur massacre plutôt justifié de « l’enseignant type » me conforte dans l’idée d’une « Thélème ».
[xii] Merci à Mélanie KLEIN pour sa prise de conscience de notre vécu « in-utéro » et à André GREEN pour son approche relativisée des souffrances prénatales et de leurs conséquences.
[xiii] Merci à Friedrich NIETZSCHE pour cette réflexion qui nous invite à la question sur toutes les morts possibles : s’il y a la mort physique qui est plutôt explicite, que penser de la mort psychologique, de la mort affective, de la mort de âme et de celle du cœur ?
[xiv] Merci à Friedrich NIETZSCHE, avec « Par-delà le bien et le mal » où il nous éveille au génie du cœur, d’après la traduction de HEMERY :
« le génie du cœur qui fait taire tout ce qui est bruyant et complaisant, et enseigne à écouter, qui police les âmes rugueuses et leur donne à savourer une exigence nouvelle, le désir de reposer calmement, comme un miroir, afin que le ciel profond se mire en elles… Le génie du cœur qui enseigne à la main, maladroite et trop prompte à patienter et à saisir avec plus de grâce ; qui devine le trésor caché et oublié, la goutte de bonté et de douce spiritualité sous la glace trouble et épaisse, qui est une baguette de sourcier pour chaque paillette d’or longtemps ensevelie dans sa gangue de sable et de limon…
Le génie du cœur : après son attouchement, chacun repart enrichi, non comblé et étonné, non ravi ou confus d’une richesse étrangère, mais plus riche de soi-même, se sentant plus nouveau qu’auparavant, libéré, pénétré, mis à nu par le souffle tiède du dégel… peut-être plus incertain, plus sensible, plus vulnérable, plus délicat, plus fragile, plus brisé, mais plein d’espérances qui n’ont encore de nom, plein d’un influx de vouloir et de courants nouveaux, de contre-courants et d’un reflux de nouveau nonchaloir… ».
« Le beau rôle de Kamala
Ne s'offre pas comme cela…
Il se gagnera au prix d'actes glorieux,
Demandant souvent d'accomplir des vœux pieux.
Savoir jeûner devient école
Où la patience est maîtresse du protocole[i] ».
Ne s'offre pas comme cela…
Il se gagnera au prix d'actes glorieux,
Demandant souvent d'accomplir des vœux pieux.
Savoir jeûner devient école
Où la patience est maîtresse du protocole[i] ».
Yeph :
— Il est magnifique, Joms.
Les premières pierres de Thélème se posent ce jour.
Joms :
— J’en suis conscient…
— Il est magnifique, Joms.
Les premières pierres de Thélème se posent ce jour.
Joms :
— J’en suis conscient…
FIN
de la mort de l'Archyeur
&
Fin du Cycle de l’Austrel…
À suivre, pour un nouveau Cycle !
Yves Philippe de Francqueville ©
Édition de mars 2016.
yvesdefrancqueville@yahoo.fr
Si vous voulez obtenir la dernière édition, de mai 2016, version papier, revue et enrichie,
n'hésitez pas, en quelques clics : un beau livre "papier" chez vous pour pas cher,
et trois euros sont reversés à l'auteur.
n'hésitez pas, en quelques clics : un beau livre "papier" chez vous pour pas cher,
et trois euros sont reversés à l'auteur.
L'auteur de ce Cycle aime écrire, mais l'espace-temps lui manque pour vous offrir l'ensemble de ses œuvres en attente.
Si vous avez le désire de l'aider, n'hésitez pas à faire un don pour qu'il puisse agir en liberté et donner à jaillir toujours davantage !
Merci.
Si vous avez le désire de l'aider, n'hésitez pas à faire un don pour qu'il puisse agir en liberté et donner à jaillir toujours davantage !
Merci.
Si vous avez aimé, merci de partager :
Yves Philippe de Francqueville pirate des mots et philanalyste en herbe, présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Dixième et dernière partie.
Toute reprise partielle des propos de l'auteur pour un usage fallacieux serait une bassesse journalistique de plus…
Tous droits réservés ©.
Dixième et dernière partie.
Toute reprise partielle des propos de l'auteur pour un usage fallacieux serait une bassesse journalistique de plus…
Tous droits réservés ©.
Auteur : Yves Philippe de Francqueville