Création artistique de Franck PASQUALINI pour le poème L'envol, extrait du recueil Solitude étrangère ©.
Yves Philippe de Francqueville
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Quatrième partie.
Tous droits réservés ©.
Yves Philippe de Francqueville
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Quatrième partie.
Tous droits réservés ©.
Sako :
— Tu n'as pas le droit de refuser de te soigner, Tomas.
Ton corps est malade.
…Et tu commences à perdre la raison.
Tomas :
— Oh, Sako, ta présence m'insupporte !
Je ne comprends pas comment tu oses revenir vers moi… et comble de tout, me donner des ordres !
Franch :
— Évite de venir ici… surtout lorsque je suis là…
Comme je me déplace toujours armé, un mouvement brusque et tu risques de disparaître de cette petite planète…
Lorsque je te vois, je deviens très maladroit !
Sako :
— Suffit de vos menaces.
Je suis élu — depuis la Concorde — pour assurer la régulation nécessaire entre la Cité et les Bases…
Même si vous ne l'acceptez pas, Yeph a donné son accord tacite puisqu'il ne s'est pas manifesté depuis…
Et toi, Franch, tu as contresigné les actes de paix.
Franch :
— Tiens, tu as fort grossi, toujours mignon petit chef.
Oh… joli Sako, tu nous trompes…
Encore tes mensonges diplomatiques ?
Ah… on t’aime comme tu es.
Te voir évoluer semble impossible.
Yeph a assisté à nos ententes sans être présent… et tu le sais.
Pas la peine de raconter à Tomas ces légendes qui assurent ta pérennité fragile…
Tu ne peux pas l'entendre, car tu ne veux rien entendre !
Souhaites-tu comprendre qui nous sommes ?
Non !
Maintenant, sache que tu viens d'entrer dans une Zone Autonome.
Il n'y a pas ici de nécessité à une autorité quelle qu'elle soit.
Sako :
— C'est pour un temps…
Franch :
— La force d'une Zone Autonome, c'est de se savoir temporaire[i].
Tomas :
— Absolument.
Qui t'a permis l'accès au relais traxil ?
Sako :
— J'ai dû demander l'autorisation à Yeph…
C'est dégradant.
J'ai dû déposer mes armes devant de simples larbins, me dénuder totalement pour subir une fouille au corps, et revêtir cette horrible tunique orange afin de parvenir jusqu'à vous !
C’est humiliant.
Franch :
— Il y a des règles du jeu à respecter pour nous rencontrer.
Je trouve que cette couleur fluo va bien avec tes yeux injectés de sang !
Tomas :
— Au-delà de l'humour de Franch…
Que demandes-tu sérieusement pour que Yeph sorte de sa tour et s'intéresse à toi ?
Sako :
— C'est scandaleux le fait que vous ayez cette liberté. L'Archyeur et moi ne pouvions réussir la Concorde sans cette exigence de Franch… sinon…
Franch :
— Sinon, sinon… je m'amusais à faire exploser toute la planète !
Tomas :
— Le plus drôle c'est que je t’en sais capable…
Et vous aussi, à l'Austrel…
Oui, vous craignez sa folie !
Au sein des Zones Autonomes, nous sommes les garants d'une anarchie paisible, grâce à l'arsenal terrifiant que Franch a récupéré avec ses amis fous, dans les ruines de l'ancien monde.
Sako :
— L'anarchie est malsaine.
Il faut une autorité pyramidale pour tenir un peuple[ii].
Vous êtes voués à la destruction car tôt ou tard l'un d'entre vous ne sera pas en accord et mettra fin à cet équilibre fragile des pouvoirs.
Alors, vous savoir en possession de l'atome… cela m'inquiète sérieusement.
Franch :
— Tu n'arriveras pas à nous perturber avec tes certitudes et ta croyance en une possible hiérarchie verticale honnête.
Continuez à avoir peur de nous suffisamment… que nous ayons la paix !
Sache encore que je n'aurai aucun scrupule à achever, par quelques grosses bombes, cette triste planète que vous entraînez dans la souffrance !
Bien… à par ça… dis-nous ton problème nécessitant la rencontre…
Un grand chef comme toi ne se déplace pas quasi nu en ces lieux mal famés… sauf si l'intérêt est majeur !
Quel bon vent t’amène ?
Sako :
— L'Archyeur t’offre, cher Tomas, la gratuité des soins pour ta dégénérescence cérébrale.
Il reconnaît pleinement que ta maladie est liée à l'ablation de la greffe seconde par un chirurgien amateur d'une des Bases : un adepte… un partisan de Yeph.
Il souhaite réparer cette dramatique erreur médicale et que cela cesse.
Avec toi, d'autres malades des Bases et de la Cité sont conviés à une cure salvatrice.
Vous êtes tous du voyage.
Un vaisseau d'Extalyne vient d'être affrété pour rejoindre le sanatorium de la Base de L'Égrêt.
C'est un geste de paix nécessaire pour assurer la pérennité de la Concorde.
Tomas :
— Pourquoi devrais-je me soigner ?
Je n'ai aucunement envie de partir dans ces lieux où s'entassent les malades, loin de la vue des bien-portants.
Je ne souhaite pas obéir à ce genre d'ordre proposé comme une offre gratuite… qui finira par devenir obligatoire.
Cela te dérange donc que je sois malade ?
Cela faisait combien de cycles que tu ne t'étais pas manifesté… ou inquiété pour ma santé ?
Et maintenant, pour faire plaisir à ton Archyeur que tu vénères aujourd’hui après l’avoir détesté et trahi… tu exiges une ascendance sur mon corps ?
Je suis condamné…
Laissez-moi donc achever mon existence en paix.
Mourir est une réalité que j'accueille avec une certaine sérénité !
Personne ne peut me guérir.
Sako :
— Non.
Tu te trompes.
C'est une terrible méprise que de ne pas avoir confiance en nos vrais médecins diplômés. Ne te laisse pas influencer par Franch, qui tente encore de jouer au gourou.
Il n'a pas les compétences nécessaires et suffisantes — tout comme toi ou Yeph — pour savoir ce qui est bon ou mauvais pour t'aider à aller mieux.
Vous n'êtes pas des experts pour juger la situation.
Tomas :
— Je vais bien…
Je suis presque en paix !
Sako :
— Tu es malade, Tomas et tu le sais bien.
Franch :
— Es-tu médecin, maintenant, cher Sako, pour affirmer ceci ?
Sako :
— Je suis suffisamment au courant de la situation pour m'exprimer ainsi.
J'ai aussi la chance d'être entouré des personnes les plus compétentes.
La stupide suppression de ta greffe a entraîné une suite d'incidents physiologiques.
Cette situation a été considérée par les consortiums comme cause première des recherches à entreprendre.
Nos savants œuvrent donc et leurs travaux viennent d'aboutir positivement : ils ont trouvé enfin une médication — fort coûteuse mais efficace — pour mettre un terme définitif à cette dégénérescence cérébrale.
Franch :
— Foutaise que tout cela…
Tomas :
— Que l'on me laisse mourir en paix !
Pourquoi donc me viendrait l'envie de subir encore des manipulations dans un de vos sanatoriums pour cobayes humains ?
Sako :
— Ah… par humanisme.
Franch :
— Ce mot… de ta bouche ?
Sako :
— Oui.
Tu n'as pas le monopole de la bienveillance.
Arrêtez d'être égocentrés.
Cela serait très injuste pour les autres qui espèrent guérir.
Oui, si tu refuses de te soigner, mon cher Tomas… les malades qui souffrent terriblement comme toi de cette suppression de greffe n'auront plus confiance en l'Austrel… et l'équilibre de paix serait fragilisé.
Hélas, à cause de ton égoïsme, le travail de nos savants aura été vain, et certains vont mourir par ta faute.
Sache que des fortunes colossales ont été investies pour votre bien.
S'opposer à partir pour le sanatorium de la Base de L'Égrêt, c'est donc aussi condamner beaucoup des nôtres, qui sont encore sous la mauvaise influence de Yeph et de vous tous.
Franch :
— Cela suffit.
Vos apprentis sorciers ont massacré Tomas et tant d'autres par leurs expériences sur l'angélisme, et maintenant les voici sûrs d'eux-mêmes pour les guérir.
Le jeu financier est redoutable : vous les payez pour inventer la greffe, puis pour réaliser les médicaments qui vont avec les dégâts causés !
C'est presque comique…
Sako :
— Si ce chirurgien de malheur n'avait pas ôté la greffe sur les conseils de Yeph… probablement rien ne serait arrivé à Tomas !
Franch :
— Allons, mon gros…
Je me balade suffisamment souvent dans la Cité pour remarquer les handicapés de plus en plus nombreux… que l'on tente de cacher au regard du passant.
Sako :
— Des calomnies pour nous déstabiliser.
Nous savons tous que les frontières ne sont plus étanches entre la Cité et les Bases…
Ce sont d’anciens partisans de Yeph qui reviennent à nous, après une opération stupide aux séquelles dramatiques…
Les greffés vont bien !
Tomas :
— Silence Sako !
Regarde-moi bien dans les yeux.
J'ai pu garder la vue… c'est une chance que Chris n'a pas eue.
Fixe-moi donc sans te dérober, minable tricheur !
Mes espaces de lucidité totale sont sérieusement en diminution.
Je perds, cycle après cycle, un peu plus de moi-même.
Cependant à cet instant, tu as Tomas face à toi.
Oui, il n'y a pas que la mémoire vive ou les souvenirs du passé qui s'estompent.
Je saisis aussi, avec horreur et désolation, une disparition progressive de ma sensibilité affective.
Je n'éprouve quasiment plus de plaisir dans l'amour.
Oui, la greffe seconde est une terrifiante invention…
Sako :
— Non.
Et de ce que tu exposes — de tes plaintes indignes pour un homme de ton rang — tout n'est pas négatif… dans ton état.
Aussi, pour la dégénérescence cérébrale, il est possible aujourd'hui d'éradiquer la plupart des effets secondaires.
Franch :
— Tu es vraiment redoutable !
Tomas :
— C’est un comble !
Comment veux-tu que nous puissions avoir confiance en tes médecins : ce sont les mêmes apprentis sorciers créateurs des greffes qui devraient restaurer ce qu'ils ont détruit avec talent ?
Non, tout semble se développer avec habileté au sein de la Cité !
Je suis un prototype des projets de l'Archyeur.
Tu as raison… il y a quelques petits défauts dans mon développement… cependant le collège des savants nommés par L'Austrel a bien réussi quant à la disparition progressive de ma sensibilité.
Je deviens un être parfait pour la Cité des abeilles : bon pour obéir et fort au travail, sans sentiment.
Sako :
— Cependant, tu n'as plus la greffe…
Franch :
— Elle a permis de déclencher le principe de déstructuration.
Tomas :
— Les travaux des maîtres de l'Archyeur étaient orientés vers une différentiation totale des mécanismes ternaires de l'amour humain.
Oui, pour que l'homme soit docile, obéissant et travailleur — comme une abeille ou une fourmi — l'harmonie "corps – cœur – esprit" doit être impossible à réaliser.
Ils ont maçonné avec art les murs de séparation.
Ma situation représente une victoire qu'ils ne vont certainement pas remettre en question !
Sako :
— Ah, je m'en doutais bien… Encore sous l'influence de la philanalyse[iii] !
C'est un leurre que tout cela : une illusion rapportée par Yeph, pour vous éloigner de la sagesse.
Quand réussirez-vous à sortir de cette secte diabolique ?
Franch :
— Et voilà.
Dès que nous proposons une version différente de la tienne, tu cherches un coupable ou un gourou responsable de ces idées jugées perverses par les élus de l'Austrel.
C'est quoi ton problème avec Yeph ?
Tu l'aimes trop ?
Il se raconte sur certaines Bases que tu es un très très grand frustré… prisonnier d'un mal-être affectif et sexuel, proche finalement de celui d'Érik, ton Archyeur vénéré !
Complexe sur la taille ?
Impuissance ?
Homophilie refoulée ?
Pourtant, même avec tes rondeurs, tu es bien mignon lorsque tu ne tires pas une gueule de dix mètres…
Voudrais-tu vivre l'amour avec moi, cher Sako ?
Je suis prêt à guérir tous tes soucis par un super câlin !
Aller, viens mon gros…
Sako :
— Quelle horreur !
Mais quelle horreur…
Tu es un malade.
Il faut te faire soigner !
Franch, tu es encore dans ce champ désespérant de pensées perverses.
J'ai heureusement été depuis déjà longtemps libéré de ces pulsions destructrices…
Je sais mon corps pratique et utile pour communiquer.
Je suis en équilibre parfait !
Tomas :
— En équilibre, dis-tu ?
Peut-être au niveau cérébral, dans ton esprit…
Tu es si sûr de toi…
Pourtant Franch et moi pressentons bien que ton corps hurle au plaisir, tout comme ton cœur — plein de désirs refoulés — qui opte pour la guerre, ayant une incapacité à aimer !
Tu te traînes en triste bipède… affamé !
Tu grossis à vue d'œil… comme Érik !
Chez nous qui avons osé la pluripossibilité, notre humanité est toute autre.
Elle s'explique en un mot : plaisir.
Franch :
— Plaisir !
Sako :
— Pas comme cela.
C'est dangereux pour la société.
Votre corps devrait être régulé avec sagesse par l'esprit qui gère de mieux en mieux les failles pulsionnelles.
Maintenant, la reproduction — dernier problème nous rattachant à la nature animale — est du domaine du passé.
Nous sommes merveilleusement aptes à vivre en plénitude notre réalité d'humains !
Tomas :
— Pauvre Sako.
Si tu savais… si tu voulais savoir ?
Si tu pouvais saisir que "le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point"[iv].
J'ai lu et relu maintes fois les travaux de Yeph pour comprendre cette ancienne maxime découverte dans un des livres récupérés par Emma.
Franch :
— Oui, nous ne sommes pas de purs esprits.
Nous n'aspirons pas à devenir des parfaits[v] qui rejoindraient les anges de vos rêves stériles. Notre corps est à senser chaque instant. Il se meut par la force du cœur pour s'harmoniser à l'esprit.
Sako :
— Illusion que tout cela.
C'est une fumisterie qui n'a aucune crédibilité auprès de tous les docteurs de la Cité.
Vous êtes malheureusement encore sous l'influence des idées brumeuses, absurdes et dangereuses de Yeph.
La philanalyse est une grande arnaque développée par cet escroc manipulateur que vous pensez honnête.
Je ne vous en veux pas.
Tout cela est orchestré par son groupe sectaire afin de semer le désordre sur les Bases et ainsi, mettre en péril l'équilibre de la Cité.
Trop de guerres furent déclenchées par des charlatans comme Yeph, ces pseudo-philosophes voulant annoncer un monde meilleur !
Oui, nous avons un cœur… soit ! C'est un organe que nos médecins savent changer sans trop de soucis… lorsqu'il est défaillant.
Ridicule et dangereuse que cette conception de connexions neuronales multiples sur tout l'organisme.
À vous écouter, le corps serait à lui seul, une unité physiologique !
Franch :
— Absolument !
Arracher une dent ou quatre, lorsque c'est à la mode[vi]… est aussi grave que d'amputer un doigt, percer une oreille ou toute autres mutilations comme l'ablation du prépuce, du clitoris, des amygdales, des végétations ou de l'appendice de manière préventive[vii]. Toucher à l'intégrité physique agit sur les émotions et sur l'esprit. C’est à étudier en cas d’extrême urgence, en cas de danger pour la vie de l’individu et non pas pour des raisons économiques ou religieuses.
Tomas :
— Notre corps est un tout en évolution. Il se régule comme chaque organisme vivant. Comme une plante, nous tentons au mieux de nous adapter en milieu nouveau et nous nous protégeons des actions extérieures toxiques.
Se couper les cheveux ou les ongles, se raser ou même se laver[viii], nécessite une réflexion sérieuse pour éviter des traumatismes sur l'organisme !
Sako :
— Vous êtes vraiment des malades !
Franch :
— Peut-être…
Peut-être !
Je suis aussi convaincu que si pour un arbre, même une branche coupée repousse, pourquoi un bras ou une main sectionnée ne pourrait pas se reconstituer ?
Je conçois la régénérescence corporelle par la force de l'esprit et du cœur !
Tomas :
— Moi aussi… j'en suis persuadé.
L'amour humain est une force vive…
Sako :
— Ah, ah, ah…
Tu viens de montrer les limites de cette analyse, Tomas !
Et tu contredis par ce fait les propos de Franch.
Les idées de Yeph sont anéanties.
En effet, si ton corps était aussi puissant, par la force de ton esprit et la complicité de ce cœur dont vous prônez l'existence… tu devrais sans problème restaurer par toi-même ton cerveau et recouvrer la mémoire ainsi que cet affect qui semble tant te manquer !
Explique-moi, Tomas, pourquoi n’as-tu pas de cœur alors qu'il bat ?
Pourquoi Yeph n'arrive pas à te reconstruire, malgré cet amour extrême et exclusif qu'il t'accorde ?
Vous avez donc tout faux !
Vos grandes idées d'un principe ternaire s'arrêtent à la porte de la science pour toute personne censée !
Vos preuves sont inexistantes.
Tout cela n'est bien qu'une vague stupidité issue de l'imagination d'un fumiste !
Un bras qui repousse par la force de l’esprit !
Vous êtes bien drôles aujourd’hui… non mais franchement !
Franch :
— Petit Sako, ta faible intelligence se limite donc aux certitudes de tes maîtres ?
Tu ferais un bon Archyeur.
Je vais tenter cependant de t'expliquer…
Tomas :
— Laisse, Franch… il ne peut pas comprendre car il ne veut pas comprendre !
Franch :
— Il doit nous entendre cependant.
Peut-être un jour s'éveillera-t-il ?
Sako :
— Quoi donc encore ?
Je suis totalement insensible à vos propos méprisants.
Franch :
— J'aime les défis…
Ô, tout petit chef… Ne peux-tu pas — un instant — penser autrement ?
Sako :
— Un peu de respect, s’il-te-plaît.
Tu me méprises encore ?
Franch :
— Non, non.
Saurais-tu quelques minutes, écouter sans devoir juger et prendre obligatoirement parti, par obligation morale ?
Oui ?
Tu es disposé ?
Quelques minutes d'histoire ?
Sako :
— Hum…
Franch :
— Alors sache ceci : Tomas est un gémellaire de Yeph.
Il fut donc un des cobayes les plus sollicités — avec Chris notamment — par les savants de la Cité.
Il leur fallait comprendre à tout prix comment l'esprit de Yeph avait saisi et libéré en sa conscience, la pluripossibilité humaine, malgré la greffe seconde et l'enseignement du CEI.
Ce problème découvert était une faille dangereuse dans les résultats des travaux des médecins pour arriver à la Cité angélique.
Le but des recherches sur Tomas était de trouver une solution : comment éradiquer toutes formes naissantes d'individus hors normalités ?
Ils pensèrent que ce serait en allant directement à la source, au sein même du cerveau.
Oui, en travaillant sur les cellules souches du gémellaire de Yeph, ils étaient persuadés que serait mis à jour le "problème" : et hop, plus de "mutants" dans la Cité !
Ils n'ont toujours pas compris que les individus pluripossibilités — ces êtres hors normalités que nous sommes — ne sont pas des mutants ou des monstres différents… Nous sommes simplement des individus en évolution, en quête d'harmonie corps-cœur-esprit, à la recherche de l'amour humain.
Vous, les membres de la Cité, êtes encore plus proches des grands singes que des humains…
Nous sommes en devenir — par la prise consciente de notre humanité — à travers notre capacité à aimer.
Sako :
— Foutaises !
Que Tomas guérisse et j’écouterai peut-être votre conte !
Franch :
— Oui mon Sako… je poursuis… c'est presque terminé !
Et donc, lorsque Tomas fut retrouvé par la Guilde, lors d'une rafle, son arrêt de mort était signé.
Yeph pouvait-il imaginer ce qui allait se passer ?
Sako :
— Je ne comprends pas.
Tomas :
— Tu ne veux toujours pas comprendre.
J'ai été torturé… massacré jusqu'au plus profond de mon être. Toutes mes cellules ont été ionisées à de nombreuses reprises. Mon corps a été déstructuré en sa totalité, ou presque !
J’ai été désensibilisé.
Je n'ai plus d'humanité… si ce n'est une infime part affective que les savants médecins experts du camp — ces bourreaux payés par l'Austrel — n'arrivent toujours pas à localiser.
C'est elle qui me permet de saisir encore l'amour qui m'unissait à Yeph, à Franch… comme à Chris, Pol, Emma et un grand nombre de primaires de la Cité, partis depuis vers les Bases.
Yeph a tout tenté avec nos amis pour permettre une restauration… pourtant mon état semble trop critique même si Yeph espère toujours !
Il connaît mieux que nous tous cette puissance d'amour… située bien au-delà de la raison.
Oui, Sako, sache que si je ne puis pas guérir, ou plutôt, me restaurer… si je n'arrive pas à créer une nouvelle harmonie "corps–cœur–esprit", c'est parce que je n'en ai plus le désir.
Je suis fatigué.
Je ne souhaite plus vivre.
Mon corps est las… mon cœur est éprouvé par la bêtise humaine.
J'aspire maintenant à voir mon esprit se diffuser hors de moi-même.
Je n'ai pas peur de la peur de la mort.
Oui, Sako…
Je suis consciemment sur le départ.
Je ne suis pas heureux de partir, je n'en éprouve aucune joie, aucun plaisir… c'est même avec une infinie tristesse que j'accueille cette situation… mais je suis en paix.
Il me faut mourir.
J'accepte cette fin en soi[ix].
Sako :
— C'est lâche.
C'est vraiment très lâche.
Tu ne respectes pas les lois de la Cité.
Tu devrais avoir honte de condamner les autres malades.
Tomas :
— Pense ce que tu veux… je ne culpabilise pas !
C’est votre Austrel qui n'a pas de cœur !
Nous ne sommes pas des abeilles dans une ruche à attendre le moment où nous ne serons plus utiles pour la société.
Nous avons tous et chacun nos limites.
J'ai eu la chance dans mon existence de beaucoup aimer.
J'ai été aimé.
Mon esprit s'est nourri grandement pendant tous ces cycles merveilleux, entouré de grandes amours exceptionnelles.
J'ai eu des joies et des peines… plus de plaisir finalement que de souffrances.
J'ai eu la chance de développer mon imaginaire, le courage de créer… et de divulguer mes œuvres de mon vivant avec des êtres attentifs à mon jaillissement artistique.
Je ne crois pas en un paradis sur cette terre… Pas davantage en un quelconque éden après la mort.
Oui, les peurs de mes peurs se sont estompées.
Elles ne font plus obstacle à ce départ que j'espère maintenant proche.
Je suis pleinement conscient de l'immortalité de mon âme. Je me prépare alors à la laisser se diffuser pour tous ceux qui seront réceptifs à mon énergie.
Si tu es un peu ouvert à l'amour, tu sauras saisir ta chance… lorsque je ne serai plus !
Franch :
— Il ne le mérite pas.
Sako :
— Vous êtes vraiment forts tous les deux.
Un novice se laisserait berner par vos belles paroles.
Tu es presque émouvant avec un rien de convaincant…
Hélas pour vous, ces explications ne tiennent absolument pas scientifiquement.
J'ai de l'instruction !
Je sais que l'affect est une dangereuse déformation de la raison.
Érik et l'Austrel furent sages en vous éloignant de l'influence malsaine de Yeph.
Le voici sur le retour, il est grand temps que j'agisse.
J'ai la bénédiction de l'Archyeur.
Tomas :
— Érik est l’Archyeur comme tous les Archyeurs avant lui, comme tous ceux qui lui succéderont… C’est une marionnette avec de grandes idées, à la hauteur des desideratas des consortiums.
Vous n'êtes que les pions complaisants d'un système politico-économique et religieux.
Sako :
— Tu peux dire ce que tu veux, Je sais d'où je viens et je sais où je vais.
J'ai heureusement la foi en mon Dieu créateur dont vous n'arrivez pas à nier l'existence.
Aussi, l'Archyeur est élu afin d'assurer la paix au sein de la Cité.
Il légifère et rend la justice.
Nous savons qu'il agit pour notre bonheur.
J'ai reçu pour ma part, la responsabilité de veiller à l'entente cordiale entre les greffés et les derniers primaires au sein des Bases.
Yeph a finalement cédé devant la Concorde.
Il a compris que…
Franch :
— Tais-toi Sako…
Mais tais-toi donc !
Yeph n'a pas agi à ton égard comme tu nous l’affirmes, avec toutes tes certitudes illusoires !
Tomas :
— Pauvre Sako !
Tu es ridicule.
Tu es ici par notre souhait…
Ah, ah, ah…
Qui t'a ouvert le relais traxil ?
Sako :
— Ah, vous êtes si sûrs de vous, si suffisants !
Franch :
— Non, médiocre petit chef…
Si c'était le cas, je t'aurais kryfluxiré dès ton arrivée dans cette Zone Autonome.
Nous avons tous réfléchi avec Yeph, Emma et les autres…
Il nous fallait trouver le meilleur moyen pour que tu ne nuises pas à notre paix relative.
Toi et moi sommes les garants des Zones Autonomes.
Tu as l’orgueil…
J’ai les bombes !
Tout est donc calculé afin de te permettre de régner sur tes vérités et nous nous protégeons ainsi de ta toxicité !
Tomas :
— Tu es le roi de la vanité, le prince de la suffisance. Le dieu de l'égocentrisme.
Cependant, tout se construit autour de toi sans que tu ne maîtrises quoi que ce soit… afin de nous permettre de vivre en harmonie, en évitant d'autres guerres avec la Cité de l'Archyeur.
Les Bases nous servent de zones tampon intermédiaires… des sas pour accueillir les potentiels humains en attente d'évolution.
Tu es utile…
Nous t'aimons, Sako.
Sako :
— Vous êtes des malades…
Vous êtes complètement fous !
…Des malades.
Franch :
— Oui mon gros…
Merci d'exister, Sako !
Tomas :
— Et pour la bonne cause, par amour de la vie… sache que tu vas pouvoir rapporter à Érik une nouvelle formidable !
Sako :
— Quoi…
Que vais-je dire à l'Archyeur ?
Tomas :
— Lui annoncer que ta mission est effectivement un succès.
Bravo !
Tu auras la médaille…
Sako :
— Comment cela ?
Franch :
— Non… Tomas…
Oh ?
Tu ne vas pas ?
Tomas :
— Si.
J'ai bien réfléchi.
Afin que vous puissiez vivre libres pendant de nombreux cycles encore… je suis partant pour embarquer dans le vaisseau d'Extalyne.
C'est en fait un super projet où je saurai trouver quelques menus plaisirs finalement !
Arno est un chic type… Il aime les échecs comme moi… le jeu, bien entendu.
Sur cette Base abandonnée, dans ce fichu sanatorium, il s'ennuie à mourir… autant l'accompagner quelque temps !
Je sais qu'il n'est pas parti s'exiler là-bas par choix…
Vous savez comment faire à l'Austrel, pour éloigner les personnes qui ne pensent pas comme l'institution le souhaite.
Va mon bon gros Sako…
Préviens donc ce cher Érik — ton très puissant Archyeur adoré — que je serai du voyage vers votre merveilleux trou du cul du monde.
Sako :
— Ah, Tomas, je savais bien qu'il m'était possible de te donner raison.
Arno est plus compétent que tu ne le penses… et sa famille devrait bientôt le rejoindre. C’est préférable pour son moral.
Je sais aussi que ton sage choix est réfléchi pour le bien de Yeph.
Il sera lui aussi un jour guéri… lorsqu'il acceptera enfin sa maladie.
Tout ce que je fais, c'est pour la Concorde entre la Cité et les Bases.
Je ne te remercie pas cependant pour tes propos détestables dont tu devras regretter la provocation, une fois soigné.
Tu seras alors jugé.
Je vais vite rendre compte de la situation à l'Archyeur.
Tomas… programme-toi vite à disposition du Centre.
Et Franch, si tu veux l'accompagner, j'ai encore quelques places dans le vaisseau d'Extalyne. Cela serait certainement très bon pour toi d'être au plus vite interné !
Franch :
— Disparais avant que je ne te massacre…
Sako :
— Tu es malade, très malade aussi, Franch…
Vous êtes tous malades !
Tomas :
— Si tu ne pars pas à l'instant, c'est moi qui te démolis…
Sako :
— Oh… C'est bon…
[i] Merci encore à Hakim BEY.
[ii] Merci encore à ARISTOTE, ou plutôt aux falsificateurs de ses propos, pour cette étude désespérante d'une société où la raison de l'esclave est légitimé par le maître.
[iii] La philanalyse : d’après les travaux encore en cours d’Yves Philippe de FRANCQUEVILLE, serait une « analyse de l’Amour Humain »…
[iv] Merci à Blaise PASCAL de MONS pour cette pensée bien éloignée de son pari stupide, aurait dit Jacques PRÉVERT.
[v] Merci à l'Église des Cathares… qui ne doit pas être considérée autrement qu'une secte manichéenne de plus.
Oui, bien des fidèles et des parfaits ont été massacrés pour des raisons économiques et politiques au nom d'une autre religion pas plus épanouissante mais plus puissante.
Des morts, encore des morts… cela ne doit pas pour autant en faire des gens « bien »…
Dans le « top 10 des religions les plus cons », j’aimerais savoir où Michel HOUELLEBECQ situe l’Église Cathare !
[vi] Merci aux chirurgiens dentistes qui savent évidemment que l'homme n'a plus besoin de ses dents de sagesse et qui opèrent à la chaîne des adolescents… parce que les parents ont une confiance aveugle en ces arracheurs de dents… Le drame de l’arrachage d’une dent, comme celui du port d’un appareillage dentaire « esthétique » transforme des enfants paisibles en monstres de violence…
Mais comme c’est un devoir d’État de faire bien vivre le monde médical… remboursé 100%, cela fait la fortune de ces apprentis sorciers, qui gagnent leur vie sur la peur de souffrir, et sur les citoyens qui paient des impôts…
[vii] Merci aux grandes traditions des chirurgiens barbiers, rabbins, imams, grands prêtres, sorciers ou autres sages, qui savaient organiser avec la bénédiction des régnants, des séries d'opérations "pour le bien du peuple"… et faire la fortune des cliniques, des hôpitaux et des praticiens. Des impôts complémentaires au nom d’une solidarité nationale !
[viii] Merci aux publicitaires et aux médias qui nous formatent sur ce qui est bien pour nous, pour notre corps, en nous culpabilisant !
La folie notamment de préconiser une douche, voire deux par jour, pour l'humain est construite par les lobbies des produits "nettoyants" soi-disant adaptés pour le corps… depuis, les humains ont du mal à se sentir… couverts de pétrole !
[ix] Merci PLATON dans le « Criton »… où SOCRATE s'annonce prêt à boire la ciguë. SOCRATE n’est pas heureux de mourir, il refuse cependant de s’enfuir, et de devoir alors sousvivre dans l’ombre… Il ne se sacrifie pas, il n’abandonne pas la vie… il est simplement fatigué de la bêtise des hommes. SOCRATE n’a plus peur de ses peurs.
— Tu n'as pas le droit de refuser de te soigner, Tomas.
Ton corps est malade.
…Et tu commences à perdre la raison.
Tomas :
— Oh, Sako, ta présence m'insupporte !
Je ne comprends pas comment tu oses revenir vers moi… et comble de tout, me donner des ordres !
Franch :
— Évite de venir ici… surtout lorsque je suis là…
Comme je me déplace toujours armé, un mouvement brusque et tu risques de disparaître de cette petite planète…
Lorsque je te vois, je deviens très maladroit !
Sako :
— Suffit de vos menaces.
Je suis élu — depuis la Concorde — pour assurer la régulation nécessaire entre la Cité et les Bases…
Même si vous ne l'acceptez pas, Yeph a donné son accord tacite puisqu'il ne s'est pas manifesté depuis…
Et toi, Franch, tu as contresigné les actes de paix.
Franch :
— Tiens, tu as fort grossi, toujours mignon petit chef.
Oh… joli Sako, tu nous trompes…
Encore tes mensonges diplomatiques ?
Ah… on t’aime comme tu es.
Te voir évoluer semble impossible.
Yeph a assisté à nos ententes sans être présent… et tu le sais.
Pas la peine de raconter à Tomas ces légendes qui assurent ta pérennité fragile…
Tu ne peux pas l'entendre, car tu ne veux rien entendre !
Souhaites-tu comprendre qui nous sommes ?
Non !
Maintenant, sache que tu viens d'entrer dans une Zone Autonome.
Il n'y a pas ici de nécessité à une autorité quelle qu'elle soit.
Sako :
— C'est pour un temps…
Franch :
— La force d'une Zone Autonome, c'est de se savoir temporaire[i].
Tomas :
— Absolument.
Qui t'a permis l'accès au relais traxil ?
Sako :
— J'ai dû demander l'autorisation à Yeph…
C'est dégradant.
J'ai dû déposer mes armes devant de simples larbins, me dénuder totalement pour subir une fouille au corps, et revêtir cette horrible tunique orange afin de parvenir jusqu'à vous !
C’est humiliant.
Franch :
— Il y a des règles du jeu à respecter pour nous rencontrer.
Je trouve que cette couleur fluo va bien avec tes yeux injectés de sang !
Tomas :
— Au-delà de l'humour de Franch…
Que demandes-tu sérieusement pour que Yeph sorte de sa tour et s'intéresse à toi ?
Sako :
— C'est scandaleux le fait que vous ayez cette liberté. L'Archyeur et moi ne pouvions réussir la Concorde sans cette exigence de Franch… sinon…
Franch :
— Sinon, sinon… je m'amusais à faire exploser toute la planète !
Tomas :
— Le plus drôle c'est que je t’en sais capable…
Et vous aussi, à l'Austrel…
Oui, vous craignez sa folie !
Au sein des Zones Autonomes, nous sommes les garants d'une anarchie paisible, grâce à l'arsenal terrifiant que Franch a récupéré avec ses amis fous, dans les ruines de l'ancien monde.
Sako :
— L'anarchie est malsaine.
Il faut une autorité pyramidale pour tenir un peuple[ii].
Vous êtes voués à la destruction car tôt ou tard l'un d'entre vous ne sera pas en accord et mettra fin à cet équilibre fragile des pouvoirs.
Alors, vous savoir en possession de l'atome… cela m'inquiète sérieusement.
Franch :
— Tu n'arriveras pas à nous perturber avec tes certitudes et ta croyance en une possible hiérarchie verticale honnête.
Continuez à avoir peur de nous suffisamment… que nous ayons la paix !
Sache encore que je n'aurai aucun scrupule à achever, par quelques grosses bombes, cette triste planète que vous entraînez dans la souffrance !
Bien… à par ça… dis-nous ton problème nécessitant la rencontre…
Un grand chef comme toi ne se déplace pas quasi nu en ces lieux mal famés… sauf si l'intérêt est majeur !
Quel bon vent t’amène ?
Sako :
— L'Archyeur t’offre, cher Tomas, la gratuité des soins pour ta dégénérescence cérébrale.
Il reconnaît pleinement que ta maladie est liée à l'ablation de la greffe seconde par un chirurgien amateur d'une des Bases : un adepte… un partisan de Yeph.
Il souhaite réparer cette dramatique erreur médicale et que cela cesse.
Avec toi, d'autres malades des Bases et de la Cité sont conviés à une cure salvatrice.
Vous êtes tous du voyage.
Un vaisseau d'Extalyne vient d'être affrété pour rejoindre le sanatorium de la Base de L'Égrêt.
C'est un geste de paix nécessaire pour assurer la pérennité de la Concorde.
Tomas :
— Pourquoi devrais-je me soigner ?
Je n'ai aucunement envie de partir dans ces lieux où s'entassent les malades, loin de la vue des bien-portants.
Je ne souhaite pas obéir à ce genre d'ordre proposé comme une offre gratuite… qui finira par devenir obligatoire.
Cela te dérange donc que je sois malade ?
Cela faisait combien de cycles que tu ne t'étais pas manifesté… ou inquiété pour ma santé ?
Et maintenant, pour faire plaisir à ton Archyeur que tu vénères aujourd’hui après l’avoir détesté et trahi… tu exiges une ascendance sur mon corps ?
Je suis condamné…
Laissez-moi donc achever mon existence en paix.
Mourir est une réalité que j'accueille avec une certaine sérénité !
Personne ne peut me guérir.
Sako :
— Non.
Tu te trompes.
C'est une terrible méprise que de ne pas avoir confiance en nos vrais médecins diplômés. Ne te laisse pas influencer par Franch, qui tente encore de jouer au gourou.
Il n'a pas les compétences nécessaires et suffisantes — tout comme toi ou Yeph — pour savoir ce qui est bon ou mauvais pour t'aider à aller mieux.
Vous n'êtes pas des experts pour juger la situation.
Tomas :
— Je vais bien…
Je suis presque en paix !
Sako :
— Tu es malade, Tomas et tu le sais bien.
Franch :
— Es-tu médecin, maintenant, cher Sako, pour affirmer ceci ?
Sako :
— Je suis suffisamment au courant de la situation pour m'exprimer ainsi.
J'ai aussi la chance d'être entouré des personnes les plus compétentes.
La stupide suppression de ta greffe a entraîné une suite d'incidents physiologiques.
Cette situation a été considérée par les consortiums comme cause première des recherches à entreprendre.
Nos savants œuvrent donc et leurs travaux viennent d'aboutir positivement : ils ont trouvé enfin une médication — fort coûteuse mais efficace — pour mettre un terme définitif à cette dégénérescence cérébrale.
Franch :
— Foutaise que tout cela…
Tomas :
— Que l'on me laisse mourir en paix !
Pourquoi donc me viendrait l'envie de subir encore des manipulations dans un de vos sanatoriums pour cobayes humains ?
Sako :
— Ah… par humanisme.
Franch :
— Ce mot… de ta bouche ?
Sako :
— Oui.
Tu n'as pas le monopole de la bienveillance.
Arrêtez d'être égocentrés.
Cela serait très injuste pour les autres qui espèrent guérir.
Oui, si tu refuses de te soigner, mon cher Tomas… les malades qui souffrent terriblement comme toi de cette suppression de greffe n'auront plus confiance en l'Austrel… et l'équilibre de paix serait fragilisé.
Hélas, à cause de ton égoïsme, le travail de nos savants aura été vain, et certains vont mourir par ta faute.
Sache que des fortunes colossales ont été investies pour votre bien.
S'opposer à partir pour le sanatorium de la Base de L'Égrêt, c'est donc aussi condamner beaucoup des nôtres, qui sont encore sous la mauvaise influence de Yeph et de vous tous.
Franch :
— Cela suffit.
Vos apprentis sorciers ont massacré Tomas et tant d'autres par leurs expériences sur l'angélisme, et maintenant les voici sûrs d'eux-mêmes pour les guérir.
Le jeu financier est redoutable : vous les payez pour inventer la greffe, puis pour réaliser les médicaments qui vont avec les dégâts causés !
C'est presque comique…
Sako :
— Si ce chirurgien de malheur n'avait pas ôté la greffe sur les conseils de Yeph… probablement rien ne serait arrivé à Tomas !
Franch :
— Allons, mon gros…
Je me balade suffisamment souvent dans la Cité pour remarquer les handicapés de plus en plus nombreux… que l'on tente de cacher au regard du passant.
Sako :
— Des calomnies pour nous déstabiliser.
Nous savons tous que les frontières ne sont plus étanches entre la Cité et les Bases…
Ce sont d’anciens partisans de Yeph qui reviennent à nous, après une opération stupide aux séquelles dramatiques…
Les greffés vont bien !
Tomas :
— Silence Sako !
Regarde-moi bien dans les yeux.
J'ai pu garder la vue… c'est une chance que Chris n'a pas eue.
Fixe-moi donc sans te dérober, minable tricheur !
Mes espaces de lucidité totale sont sérieusement en diminution.
Je perds, cycle après cycle, un peu plus de moi-même.
Cependant à cet instant, tu as Tomas face à toi.
Oui, il n'y a pas que la mémoire vive ou les souvenirs du passé qui s'estompent.
Je saisis aussi, avec horreur et désolation, une disparition progressive de ma sensibilité affective.
Je n'éprouve quasiment plus de plaisir dans l'amour.
Oui, la greffe seconde est une terrifiante invention…
Sako :
— Non.
Et de ce que tu exposes — de tes plaintes indignes pour un homme de ton rang — tout n'est pas négatif… dans ton état.
Aussi, pour la dégénérescence cérébrale, il est possible aujourd'hui d'éradiquer la plupart des effets secondaires.
Franch :
— Tu es vraiment redoutable !
Tomas :
— C’est un comble !
Comment veux-tu que nous puissions avoir confiance en tes médecins : ce sont les mêmes apprentis sorciers créateurs des greffes qui devraient restaurer ce qu'ils ont détruit avec talent ?
Non, tout semble se développer avec habileté au sein de la Cité !
Je suis un prototype des projets de l'Archyeur.
Tu as raison… il y a quelques petits défauts dans mon développement… cependant le collège des savants nommés par L'Austrel a bien réussi quant à la disparition progressive de ma sensibilité.
Je deviens un être parfait pour la Cité des abeilles : bon pour obéir et fort au travail, sans sentiment.
Sako :
— Cependant, tu n'as plus la greffe…
Franch :
— Elle a permis de déclencher le principe de déstructuration.
Tomas :
— Les travaux des maîtres de l'Archyeur étaient orientés vers une différentiation totale des mécanismes ternaires de l'amour humain.
Oui, pour que l'homme soit docile, obéissant et travailleur — comme une abeille ou une fourmi — l'harmonie "corps – cœur – esprit" doit être impossible à réaliser.
Ils ont maçonné avec art les murs de séparation.
Ma situation représente une victoire qu'ils ne vont certainement pas remettre en question !
Sako :
— Ah, je m'en doutais bien… Encore sous l'influence de la philanalyse[iii] !
C'est un leurre que tout cela : une illusion rapportée par Yeph, pour vous éloigner de la sagesse.
Quand réussirez-vous à sortir de cette secte diabolique ?
Franch :
— Et voilà.
Dès que nous proposons une version différente de la tienne, tu cherches un coupable ou un gourou responsable de ces idées jugées perverses par les élus de l'Austrel.
C'est quoi ton problème avec Yeph ?
Tu l'aimes trop ?
Il se raconte sur certaines Bases que tu es un très très grand frustré… prisonnier d'un mal-être affectif et sexuel, proche finalement de celui d'Érik, ton Archyeur vénéré !
Complexe sur la taille ?
Impuissance ?
Homophilie refoulée ?
Pourtant, même avec tes rondeurs, tu es bien mignon lorsque tu ne tires pas une gueule de dix mètres…
Voudrais-tu vivre l'amour avec moi, cher Sako ?
Je suis prêt à guérir tous tes soucis par un super câlin !
Aller, viens mon gros…
Sako :
— Quelle horreur !
Mais quelle horreur…
Tu es un malade.
Il faut te faire soigner !
Franch, tu es encore dans ce champ désespérant de pensées perverses.
J'ai heureusement été depuis déjà longtemps libéré de ces pulsions destructrices…
Je sais mon corps pratique et utile pour communiquer.
Je suis en équilibre parfait !
Tomas :
— En équilibre, dis-tu ?
Peut-être au niveau cérébral, dans ton esprit…
Tu es si sûr de toi…
Pourtant Franch et moi pressentons bien que ton corps hurle au plaisir, tout comme ton cœur — plein de désirs refoulés — qui opte pour la guerre, ayant une incapacité à aimer !
Tu te traînes en triste bipède… affamé !
Tu grossis à vue d'œil… comme Érik !
Chez nous qui avons osé la pluripossibilité, notre humanité est toute autre.
Elle s'explique en un mot : plaisir.
Franch :
— Plaisir !
Sako :
— Pas comme cela.
C'est dangereux pour la société.
Votre corps devrait être régulé avec sagesse par l'esprit qui gère de mieux en mieux les failles pulsionnelles.
Maintenant, la reproduction — dernier problème nous rattachant à la nature animale — est du domaine du passé.
Nous sommes merveilleusement aptes à vivre en plénitude notre réalité d'humains !
Tomas :
— Pauvre Sako.
Si tu savais… si tu voulais savoir ?
Si tu pouvais saisir que "le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point"[iv].
J'ai lu et relu maintes fois les travaux de Yeph pour comprendre cette ancienne maxime découverte dans un des livres récupérés par Emma.
Franch :
— Oui, nous ne sommes pas de purs esprits.
Nous n'aspirons pas à devenir des parfaits[v] qui rejoindraient les anges de vos rêves stériles. Notre corps est à senser chaque instant. Il se meut par la force du cœur pour s'harmoniser à l'esprit.
Sako :
— Illusion que tout cela.
C'est une fumisterie qui n'a aucune crédibilité auprès de tous les docteurs de la Cité.
Vous êtes malheureusement encore sous l'influence des idées brumeuses, absurdes et dangereuses de Yeph.
La philanalyse est une grande arnaque développée par cet escroc manipulateur que vous pensez honnête.
Je ne vous en veux pas.
Tout cela est orchestré par son groupe sectaire afin de semer le désordre sur les Bases et ainsi, mettre en péril l'équilibre de la Cité.
Trop de guerres furent déclenchées par des charlatans comme Yeph, ces pseudo-philosophes voulant annoncer un monde meilleur !
Oui, nous avons un cœur… soit ! C'est un organe que nos médecins savent changer sans trop de soucis… lorsqu'il est défaillant.
Ridicule et dangereuse que cette conception de connexions neuronales multiples sur tout l'organisme.
À vous écouter, le corps serait à lui seul, une unité physiologique !
Franch :
— Absolument !
Arracher une dent ou quatre, lorsque c'est à la mode[vi]… est aussi grave que d'amputer un doigt, percer une oreille ou toute autres mutilations comme l'ablation du prépuce, du clitoris, des amygdales, des végétations ou de l'appendice de manière préventive[vii]. Toucher à l'intégrité physique agit sur les émotions et sur l'esprit. C’est à étudier en cas d’extrême urgence, en cas de danger pour la vie de l’individu et non pas pour des raisons économiques ou religieuses.
Tomas :
— Notre corps est un tout en évolution. Il se régule comme chaque organisme vivant. Comme une plante, nous tentons au mieux de nous adapter en milieu nouveau et nous nous protégeons des actions extérieures toxiques.
Se couper les cheveux ou les ongles, se raser ou même se laver[viii], nécessite une réflexion sérieuse pour éviter des traumatismes sur l'organisme !
Sako :
— Vous êtes vraiment des malades !
Franch :
— Peut-être…
Peut-être !
Je suis aussi convaincu que si pour un arbre, même une branche coupée repousse, pourquoi un bras ou une main sectionnée ne pourrait pas se reconstituer ?
Je conçois la régénérescence corporelle par la force de l'esprit et du cœur !
Tomas :
— Moi aussi… j'en suis persuadé.
L'amour humain est une force vive…
Sako :
— Ah, ah, ah…
Tu viens de montrer les limites de cette analyse, Tomas !
Et tu contredis par ce fait les propos de Franch.
Les idées de Yeph sont anéanties.
En effet, si ton corps était aussi puissant, par la force de ton esprit et la complicité de ce cœur dont vous prônez l'existence… tu devrais sans problème restaurer par toi-même ton cerveau et recouvrer la mémoire ainsi que cet affect qui semble tant te manquer !
Explique-moi, Tomas, pourquoi n’as-tu pas de cœur alors qu'il bat ?
Pourquoi Yeph n'arrive pas à te reconstruire, malgré cet amour extrême et exclusif qu'il t'accorde ?
Vous avez donc tout faux !
Vos grandes idées d'un principe ternaire s'arrêtent à la porte de la science pour toute personne censée !
Vos preuves sont inexistantes.
Tout cela n'est bien qu'une vague stupidité issue de l'imagination d'un fumiste !
Un bras qui repousse par la force de l’esprit !
Vous êtes bien drôles aujourd’hui… non mais franchement !
Franch :
— Petit Sako, ta faible intelligence se limite donc aux certitudes de tes maîtres ?
Tu ferais un bon Archyeur.
Je vais tenter cependant de t'expliquer…
Tomas :
— Laisse, Franch… il ne peut pas comprendre car il ne veut pas comprendre !
Franch :
— Il doit nous entendre cependant.
Peut-être un jour s'éveillera-t-il ?
Sako :
— Quoi donc encore ?
Je suis totalement insensible à vos propos méprisants.
Franch :
— J'aime les défis…
Ô, tout petit chef… Ne peux-tu pas — un instant — penser autrement ?
Sako :
— Un peu de respect, s’il-te-plaît.
Tu me méprises encore ?
Franch :
— Non, non.
Saurais-tu quelques minutes, écouter sans devoir juger et prendre obligatoirement parti, par obligation morale ?
Oui ?
Tu es disposé ?
Quelques minutes d'histoire ?
Sako :
— Hum…
Franch :
— Alors sache ceci : Tomas est un gémellaire de Yeph.
Il fut donc un des cobayes les plus sollicités — avec Chris notamment — par les savants de la Cité.
Il leur fallait comprendre à tout prix comment l'esprit de Yeph avait saisi et libéré en sa conscience, la pluripossibilité humaine, malgré la greffe seconde et l'enseignement du CEI.
Ce problème découvert était une faille dangereuse dans les résultats des travaux des médecins pour arriver à la Cité angélique.
Le but des recherches sur Tomas était de trouver une solution : comment éradiquer toutes formes naissantes d'individus hors normalités ?
Ils pensèrent que ce serait en allant directement à la source, au sein même du cerveau.
Oui, en travaillant sur les cellules souches du gémellaire de Yeph, ils étaient persuadés que serait mis à jour le "problème" : et hop, plus de "mutants" dans la Cité !
Ils n'ont toujours pas compris que les individus pluripossibilités — ces êtres hors normalités que nous sommes — ne sont pas des mutants ou des monstres différents… Nous sommes simplement des individus en évolution, en quête d'harmonie corps-cœur-esprit, à la recherche de l'amour humain.
Vous, les membres de la Cité, êtes encore plus proches des grands singes que des humains…
Nous sommes en devenir — par la prise consciente de notre humanité — à travers notre capacité à aimer.
Sako :
— Foutaises !
Que Tomas guérisse et j’écouterai peut-être votre conte !
Franch :
— Oui mon Sako… je poursuis… c'est presque terminé !
Et donc, lorsque Tomas fut retrouvé par la Guilde, lors d'une rafle, son arrêt de mort était signé.
Yeph pouvait-il imaginer ce qui allait se passer ?
Sako :
— Je ne comprends pas.
Tomas :
— Tu ne veux toujours pas comprendre.
J'ai été torturé… massacré jusqu'au plus profond de mon être. Toutes mes cellules ont été ionisées à de nombreuses reprises. Mon corps a été déstructuré en sa totalité, ou presque !
J’ai été désensibilisé.
Je n'ai plus d'humanité… si ce n'est une infime part affective que les savants médecins experts du camp — ces bourreaux payés par l'Austrel — n'arrivent toujours pas à localiser.
C'est elle qui me permet de saisir encore l'amour qui m'unissait à Yeph, à Franch… comme à Chris, Pol, Emma et un grand nombre de primaires de la Cité, partis depuis vers les Bases.
Yeph a tout tenté avec nos amis pour permettre une restauration… pourtant mon état semble trop critique même si Yeph espère toujours !
Il connaît mieux que nous tous cette puissance d'amour… située bien au-delà de la raison.
Oui, Sako, sache que si je ne puis pas guérir, ou plutôt, me restaurer… si je n'arrive pas à créer une nouvelle harmonie "corps–cœur–esprit", c'est parce que je n'en ai plus le désir.
Je suis fatigué.
Je ne souhaite plus vivre.
Mon corps est las… mon cœur est éprouvé par la bêtise humaine.
J'aspire maintenant à voir mon esprit se diffuser hors de moi-même.
Je n'ai pas peur de la peur de la mort.
Oui, Sako…
Je suis consciemment sur le départ.
Je ne suis pas heureux de partir, je n'en éprouve aucune joie, aucun plaisir… c'est même avec une infinie tristesse que j'accueille cette situation… mais je suis en paix.
Il me faut mourir.
J'accepte cette fin en soi[ix].
Sako :
— C'est lâche.
C'est vraiment très lâche.
Tu ne respectes pas les lois de la Cité.
Tu devrais avoir honte de condamner les autres malades.
Tomas :
— Pense ce que tu veux… je ne culpabilise pas !
C’est votre Austrel qui n'a pas de cœur !
Nous ne sommes pas des abeilles dans une ruche à attendre le moment où nous ne serons plus utiles pour la société.
Nous avons tous et chacun nos limites.
J'ai eu la chance dans mon existence de beaucoup aimer.
J'ai été aimé.
Mon esprit s'est nourri grandement pendant tous ces cycles merveilleux, entouré de grandes amours exceptionnelles.
J'ai eu des joies et des peines… plus de plaisir finalement que de souffrances.
J'ai eu la chance de développer mon imaginaire, le courage de créer… et de divulguer mes œuvres de mon vivant avec des êtres attentifs à mon jaillissement artistique.
Je ne crois pas en un paradis sur cette terre… Pas davantage en un quelconque éden après la mort.
Oui, les peurs de mes peurs se sont estompées.
Elles ne font plus obstacle à ce départ que j'espère maintenant proche.
Je suis pleinement conscient de l'immortalité de mon âme. Je me prépare alors à la laisser se diffuser pour tous ceux qui seront réceptifs à mon énergie.
Si tu es un peu ouvert à l'amour, tu sauras saisir ta chance… lorsque je ne serai plus !
Franch :
— Il ne le mérite pas.
Sako :
— Vous êtes vraiment forts tous les deux.
Un novice se laisserait berner par vos belles paroles.
Tu es presque émouvant avec un rien de convaincant…
Hélas pour vous, ces explications ne tiennent absolument pas scientifiquement.
J'ai de l'instruction !
Je sais que l'affect est une dangereuse déformation de la raison.
Érik et l'Austrel furent sages en vous éloignant de l'influence malsaine de Yeph.
Le voici sur le retour, il est grand temps que j'agisse.
J'ai la bénédiction de l'Archyeur.
Tomas :
— Érik est l’Archyeur comme tous les Archyeurs avant lui, comme tous ceux qui lui succéderont… C’est une marionnette avec de grandes idées, à la hauteur des desideratas des consortiums.
Vous n'êtes que les pions complaisants d'un système politico-économique et religieux.
Sako :
— Tu peux dire ce que tu veux, Je sais d'où je viens et je sais où je vais.
J'ai heureusement la foi en mon Dieu créateur dont vous n'arrivez pas à nier l'existence.
Aussi, l'Archyeur est élu afin d'assurer la paix au sein de la Cité.
Il légifère et rend la justice.
Nous savons qu'il agit pour notre bonheur.
J'ai reçu pour ma part, la responsabilité de veiller à l'entente cordiale entre les greffés et les derniers primaires au sein des Bases.
Yeph a finalement cédé devant la Concorde.
Il a compris que…
Franch :
— Tais-toi Sako…
Mais tais-toi donc !
Yeph n'a pas agi à ton égard comme tu nous l’affirmes, avec toutes tes certitudes illusoires !
Tomas :
— Pauvre Sako !
Tu es ridicule.
Tu es ici par notre souhait…
Ah, ah, ah…
Qui t'a ouvert le relais traxil ?
Sako :
— Ah, vous êtes si sûrs de vous, si suffisants !
Franch :
— Non, médiocre petit chef…
Si c'était le cas, je t'aurais kryfluxiré dès ton arrivée dans cette Zone Autonome.
Nous avons tous réfléchi avec Yeph, Emma et les autres…
Il nous fallait trouver le meilleur moyen pour que tu ne nuises pas à notre paix relative.
Toi et moi sommes les garants des Zones Autonomes.
Tu as l’orgueil…
J’ai les bombes !
Tout est donc calculé afin de te permettre de régner sur tes vérités et nous nous protégeons ainsi de ta toxicité !
Tomas :
— Tu es le roi de la vanité, le prince de la suffisance. Le dieu de l'égocentrisme.
Cependant, tout se construit autour de toi sans que tu ne maîtrises quoi que ce soit… afin de nous permettre de vivre en harmonie, en évitant d'autres guerres avec la Cité de l'Archyeur.
Les Bases nous servent de zones tampon intermédiaires… des sas pour accueillir les potentiels humains en attente d'évolution.
Tu es utile…
Nous t'aimons, Sako.
Sako :
— Vous êtes des malades…
Vous êtes complètement fous !
…Des malades.
Franch :
— Oui mon gros…
Merci d'exister, Sako !
Tomas :
— Et pour la bonne cause, par amour de la vie… sache que tu vas pouvoir rapporter à Érik une nouvelle formidable !
Sako :
— Quoi…
Que vais-je dire à l'Archyeur ?
Tomas :
— Lui annoncer que ta mission est effectivement un succès.
Bravo !
Tu auras la médaille…
Sako :
— Comment cela ?
Franch :
— Non… Tomas…
Oh ?
Tu ne vas pas ?
Tomas :
— Si.
J'ai bien réfléchi.
Afin que vous puissiez vivre libres pendant de nombreux cycles encore… je suis partant pour embarquer dans le vaisseau d'Extalyne.
C'est en fait un super projet où je saurai trouver quelques menus plaisirs finalement !
Arno est un chic type… Il aime les échecs comme moi… le jeu, bien entendu.
Sur cette Base abandonnée, dans ce fichu sanatorium, il s'ennuie à mourir… autant l'accompagner quelque temps !
Je sais qu'il n'est pas parti s'exiler là-bas par choix…
Vous savez comment faire à l'Austrel, pour éloigner les personnes qui ne pensent pas comme l'institution le souhaite.
Va mon bon gros Sako…
Préviens donc ce cher Érik — ton très puissant Archyeur adoré — que je serai du voyage vers votre merveilleux trou du cul du monde.
Sako :
— Ah, Tomas, je savais bien qu'il m'était possible de te donner raison.
Arno est plus compétent que tu ne le penses… et sa famille devrait bientôt le rejoindre. C’est préférable pour son moral.
Je sais aussi que ton sage choix est réfléchi pour le bien de Yeph.
Il sera lui aussi un jour guéri… lorsqu'il acceptera enfin sa maladie.
Tout ce que je fais, c'est pour la Concorde entre la Cité et les Bases.
Je ne te remercie pas cependant pour tes propos détestables dont tu devras regretter la provocation, une fois soigné.
Tu seras alors jugé.
Je vais vite rendre compte de la situation à l'Archyeur.
Tomas… programme-toi vite à disposition du Centre.
Et Franch, si tu veux l'accompagner, j'ai encore quelques places dans le vaisseau d'Extalyne. Cela serait certainement très bon pour toi d'être au plus vite interné !
Franch :
— Disparais avant que je ne te massacre…
Sako :
— Tu es malade, très malade aussi, Franch…
Vous êtes tous malades !
Tomas :
— Si tu ne pars pas à l'instant, c'est moi qui te démolis…
Sako :
— Oh… C'est bon…
[i] Merci encore à Hakim BEY.
[ii] Merci encore à ARISTOTE, ou plutôt aux falsificateurs de ses propos, pour cette étude désespérante d'une société où la raison de l'esclave est légitimé par le maître.
[iii] La philanalyse : d’après les travaux encore en cours d’Yves Philippe de FRANCQUEVILLE, serait une « analyse de l’Amour Humain »…
[iv] Merci à Blaise PASCAL de MONS pour cette pensée bien éloignée de son pari stupide, aurait dit Jacques PRÉVERT.
[v] Merci à l'Église des Cathares… qui ne doit pas être considérée autrement qu'une secte manichéenne de plus.
Oui, bien des fidèles et des parfaits ont été massacrés pour des raisons économiques et politiques au nom d'une autre religion pas plus épanouissante mais plus puissante.
Des morts, encore des morts… cela ne doit pas pour autant en faire des gens « bien »…
Dans le « top 10 des religions les plus cons », j’aimerais savoir où Michel HOUELLEBECQ situe l’Église Cathare !
[vi] Merci aux chirurgiens dentistes qui savent évidemment que l'homme n'a plus besoin de ses dents de sagesse et qui opèrent à la chaîne des adolescents… parce que les parents ont une confiance aveugle en ces arracheurs de dents… Le drame de l’arrachage d’une dent, comme celui du port d’un appareillage dentaire « esthétique » transforme des enfants paisibles en monstres de violence…
Mais comme c’est un devoir d’État de faire bien vivre le monde médical… remboursé 100%, cela fait la fortune de ces apprentis sorciers, qui gagnent leur vie sur la peur de souffrir, et sur les citoyens qui paient des impôts…
[vii] Merci aux grandes traditions des chirurgiens barbiers, rabbins, imams, grands prêtres, sorciers ou autres sages, qui savaient organiser avec la bénédiction des régnants, des séries d'opérations "pour le bien du peuple"… et faire la fortune des cliniques, des hôpitaux et des praticiens. Des impôts complémentaires au nom d’une solidarité nationale !
[viii] Merci aux publicitaires et aux médias qui nous formatent sur ce qui est bien pour nous, pour notre corps, en nous culpabilisant !
La folie notamment de préconiser une douche, voire deux par jour, pour l'humain est construite par les lobbies des produits "nettoyants" soi-disant adaptés pour le corps… depuis, les humains ont du mal à se sentir… couverts de pétrole !
[ix] Merci PLATON dans le « Criton »… où SOCRATE s'annonce prêt à boire la ciguë. SOCRATE n’est pas heureux de mourir, il refuse cependant de s’enfuir, et de devoir alors sousvivre dans l’ombre… Il ne se sacrifie pas, il n’abandonne pas la vie… il est simplement fatigué de la bêtise des hommes. SOCRATE n’a plus peur de ses peurs.
[Sako se téléporte.]
Franch :
— Ah…
Tu as été formidable, mon cher Tomas !
Cependant ton choix peut encore être modifié…
Seras-tu vraiment du voyage ?
Tomas :
— Oui mon cher ami.
Sincèrement, l'idée me tente et me séduit même de plus en plus.
Oui, bien entendu, je suis un des éléments précieux de notre assurance de paix et cette décision va permettre peut-être quelques cycles où vous serez tranquilles… n'aie pas d'inquiétude cependant pour moi.
Sache que je gère au mieux la situation, sans compromis et sans concession.
Il n'y a pas de notion de sacrifice dans mon choix réfléchi !
Qu’ai-je à perdre, sinon vous ?
Inquiète-toi pour moi par amour… soit !
Je te conterai, si je le puis, en des lieux plus discrets, cette histoire…
N'oublie pas que… malgré ma dégénérescence cérébrale, j'ai toujours en conscience cette certitude plus forte que l'esprit : je t'aime.
Merci d'exister…
— Ah…
Tu as été formidable, mon cher Tomas !
Cependant ton choix peut encore être modifié…
Seras-tu vraiment du voyage ?
Tomas :
— Oui mon cher ami.
Sincèrement, l'idée me tente et me séduit même de plus en plus.
Oui, bien entendu, je suis un des éléments précieux de notre assurance de paix et cette décision va permettre peut-être quelques cycles où vous serez tranquilles… n'aie pas d'inquiétude cependant pour moi.
Sache que je gère au mieux la situation, sans compromis et sans concession.
Il n'y a pas de notion de sacrifice dans mon choix réfléchi !
Qu’ai-je à perdre, sinon vous ?
Inquiète-toi pour moi par amour… soit !
Je te conterai, si je le puis, en des lieux plus discrets, cette histoire…
N'oublie pas que… malgré ma dégénérescence cérébrale, j'ai toujours en conscience cette certitude plus forte que l'esprit : je t'aime.
Merci d'exister…
VICTOIRE
J’aime tant me poser
Sur la verte prairie,
Te sentir près de moi
Respirer cet effluve
Et prendre confiance
Au chant de l’oiseau gris.
J’ai jeté depuis peu
Ma trop grande misère.
À l’heure où dans la nuit
Beaucoup marchent sans but,
Me voici délivré
De ce masque de fer.
Ami j’osais t’aider
Sans cacher ma faiblesse.
Tu as reçu mon rire
Au parfum d’une larme,
Et saisir quelques mots
Pour guérir ta détresse.
Ami ta liberté
Sut me rompre une chaîne :
Au jour de la victoire
Où tu revins vers moi,
Tu soignais de ton cœur
Un infirme et sa peine.
Avant de m’en aller
Vers la rive nouvelle
Accueille en ta mémoire
Au souffle de l’esprit
L’honnête sentiment
De ma fidélité.
Il est tard et déjà
L’oiseau rejoint son nid.
Les senteurs de la terre
Embaument notre route…
Il faut se séparer
Pour que tu prennes vie.
Sois fort, tu n’es pas seul,
Et ne crains pas demain ;
J’écris ces quelques vers
En offrande, en merci :
L’amitié nous donne
Un espoir d'unité.
Sur la verte prairie,
Te sentir près de moi
Respirer cet effluve
Et prendre confiance
Au chant de l’oiseau gris.
J’ai jeté depuis peu
Ma trop grande misère.
À l’heure où dans la nuit
Beaucoup marchent sans but,
Me voici délivré
De ce masque de fer.
Ami j’osais t’aider
Sans cacher ma faiblesse.
Tu as reçu mon rire
Au parfum d’une larme,
Et saisir quelques mots
Pour guérir ta détresse.
Ami ta liberté
Sut me rompre une chaîne :
Au jour de la victoire
Où tu revins vers moi,
Tu soignais de ton cœur
Un infirme et sa peine.
Avant de m’en aller
Vers la rive nouvelle
Accueille en ta mémoire
Au souffle de l’esprit
L’honnête sentiment
De ma fidélité.
Il est tard et déjà
L’oiseau rejoint son nid.
Les senteurs de la terre
Embaument notre route…
Il faut se séparer
Pour que tu prennes vie.
Sois fort, tu n’es pas seul,
Et ne crains pas demain ;
J’écris ces quelques vers
En offrande, en merci :
L’amitié nous donne
Un espoir d'unité.
Yves Philippe de Francqueville pirate des mots et philanalyste en herbe, présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Quatrième partie.
Tout phrase sortie de son contexte pour polémiquer serait une bassesse journalistique de plus…
Tous droits réservés ©.
Quatrième partie.
Tout phrase sortie de son contexte pour polémiquer serait une bassesse journalistique de plus…
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Auteur : Yves Philippe de Francqueville