Création artistique de Franck PASQUALINI pour le poème L'envol, extrait du recueil Solitude étrangère ©.
Yves Philippe de Francqueville
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Deuxième partie.
Tous droits réservés ©.
Yves Philippe de Francqueville
pirate des mots et philanalyste en herbe,
présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Deuxième partie.
Tous droits réservés ©.
Pol :
— Dis-moi, Chris, ta définition de cet amour semble être plutôt ce que je pense de l’amitié ?
L’amour en majuscule c’est davantage encore ; il comprend aussi une dimension physique où le corps prend toute sa place, toute sa raison d’être.
Chris :
— Eh bien, ce n'est pas si simple… il y a l'amour avec un grand "A" et…
Yeph :
— Pathétique…
Voici le comble qui s'annonce.
Vous allez donc parler en suite d'amour en "minuscule" ?
Chris :
— Je savais bien que tu ne me laisserais pas poursuivre sur un terrain aussi glissant, sans me tendre la main…
Merci Yeph !
Pol :
— Oh, les amis, Je veux une explication…
Donnons-nous quelques plaisirs à la dispute !
Ne vous sauvez pas dans des digressions trop faciles.
Je pense que nous allons tous les trois pouvoir révéler quelques portes sur ce que signifie dans l'amour, le principe d'exclusivité…
N’est-ce pas ?
Yeph :
— Ah Pol…
C’est extraordinaire de saisir ô combien, toi — comme tous les rapatriés de la Cité — tu es toujours pétri des sagesses de l’Archyeur et des siens.
Pour Chris, je l'excuse… c'est encore les restes de sa formation subliminale au CEI, avec sa greffe seconde…
Mais toi, Pol !
Pol :
— Que veux-tu dire ?
Yeph :
— Comment te l’expliquer sans perturber les fondements mêmes de ton éducation ?
Pol :
— Arrête s’il-te-plaît, Yeph.
Ne te moque pas de moi.
Je suis plutôt du genre ouvert et tu connais ma personnalité.
Je juge rarement les mœurs des autres, même si je ne les comprends pas nécessairement.
Tu ne vas pas me considérer comme un pauvre homme frustré et fermé, j’espère ?
Yeph :
— Non, ce n’est pas conscient…
C’est au niveau de ton inconscient que se façonnent tes propos.
Chris :
— Qu'est ce que l'inconscient ?
Yeph :
— Peut-être est-ce simplement ce que le conscient ne supporte plus ?
Nos idées conscientes seraient les feuilles mortes posées à la surface de l’étang profond de notre nous-même[i].
Oui, au fur et à mesure des jeux d'interdits et de hontes construits par le système, nous formons dans notre esprit des espaces qui ne nous sont plus accessibles.
L’éducation qui transparaît dans tes propos est façonnée dans la mémoire même de tes gênes. Cela vient autant de l’acquis que de l’inné ; d’hier et d’aujourd’hui.
Nous refoulons souvent nos envies…
Libérer tout cela pourrait prendre des siècles — de nombreuses générations — avant de saisir la source, les prémices d’une aliénation[ii] !
Pol :
— Un mot peut-être hors du contexte ?
Yeph :
— Non, non, hélas.
Il y a bien folie dans la construction humaine à la vouloir angélique.
Lorsqu’il faut parler du corps et de la sexualité plus précisément, la communication est extrêmement complexe.
L’idéal de l’Archyeur vous a rendus esclaves de vous-mêmes, en supprimant toute notion de désir et de plaisir.
Cela fut remplacé par l'envie réprimée et la récompense mesurée.
Pol :
— Plaisir ?
Je pensais que nous parlions d’amour ?
Chris :
— Et d'amitié…
Yeph :
— Déjà nous n’avons pas la même définition des mots "amour" et "amitié"…
Et si le plaisir était maintenant à expliquer, que saurais-tu en dire ?
Pol :
— Tu sais Yeph, certains t’ont vu très proche d’Ivan, ces derniers jours.
Chris :
— Il se raconte quelques histoires à ton sujet…
Il y a donc du plaisir à s'interroger sur l'amour et l'amitié… entre Ivan et toi…
Si tu pouvais nous apprendre… par l'exemple ?
Yeph :
— Ah oui ?
Que peut-on souhaiter révéler encore aujourd’hui sur l'autre, sans encourager un voyeurisme détestable ?
Nous avons fui l'univers des médias et la propagande destructrice de l’Austrel et de son Archyeur…
Devons-nous plonger maintenant dans le populisme ?
Pol :
— En fait, c’est surtout à propos de Tomas.
Comme ta quête officielle était de le retrouver, beaucoup d’entre nous pensaient comprendre que ton cœur était pour lui.
Ta vie ne semblait prendre sens qu’en sa compagnie, pour ton plaisir… par amour !
Et voilà qu’il se propage discrètement l’existence d’une idylle entre Ivan et toi.
Chris :
— Est-ce de l'amitié ?
Ou as-tu découvert le grand amour ?
Un nouvel amour ?
Ou l'amour ?
Et avec Tomas… votre gémellité représentait finalement quoi ?
Un fantasme de plus ?
Yeph :
— Étrange idée…
Encore une triste rumeur qui s'annonce ?
Est-ce que ces drôles d’amis attentifs présentent cela dans le souci bienveillant de me trouver enfin heureux ?
Chris :
— Ne t'inquiète pas, mon cher Yeph.
Nous venons vers toi pour comprendre davantage une notion qui nous tient à cœur, plutôt que dans l'idée de te blesser.
Pol :
— Nous t'aimons sincèrement, Yeph…
Moi, je suis cependant assez peu rassuré sur ce qui pourrait encore se tramer dans ton dos.
Hum… pour tout te dire, la situation déclenche plutôt de l’incompréhension, voire du rejet chez les nouveaux venus !
Chris :
— Ils n'ont pour te connaître que des légendes.
C'est un peu de ta faute.
Tu es si discret dans tes travaux — dans la progression de tes recherches — que certains sont sceptiques quant à la crédibilité des propos qui te sont attribués.
Personne n’a vraiment suffisamment de connaissances sur tes études, et encore moins sur ta vie… en raison du secret que tu cultives. Alors, l'art de broder sur toi des histoires abracadabrantesques, bat son plein.
La Rumeur entraîne des rumeurs…
Pol :
— Une question d’ailleurs se pose souvent : aimes-tu toujours Tomas ?
Yeph :
— Oh…
Que répondre à cela ?
Dois-je répondre ?
Entre sincérité et vérité… il y a l’homme !
L’ai-je seulement aimé ce cher Tomas ?
Ai-je peut-être un temps, sublimé un fantasme ?
Que signifie le mot « aimer » ?
L’inconscient s’offre encore à nous dans cette volonté de toute puissance à se persuader que nous savons.
Que puis-je dire ?
Que dois-je annoncer ?
Vous attendez une réponse, et je ne sais la quelle !
Tout sera encore et encore déformé, amplifié, revisité pour finalement salir et abîmer… au nom d'une vérité journalistique ?
Vive la presse poubelle !
Et pourtant…
Oserai-je te dire que ces interrogations me plaisent ?
Chris :
— J'en doute…
Yeph :
— Si, Chris…
J’aime… à parfois risquer d’être dévoré par celles et ceux qui ont faim d’aide et d’amour !
C’est certain qu’il est préférable pour moi d’entendre des histoires relatant mon humanité, quand je sais que la plupart des esprits — dont celui de ce cher Tomas — n’en ont plus la conscience.
Que l'on parle de moi "en bien ou en mal"… C'est presque plaisant. Même si c'est surtout pour le moment en "mal".
La spécialité de ces aristotéliciens, en quête d'une sublimation de leurs envies, c'est de les combattre… et je suis le symbole vivant d'une faille dans leurs calculs pour rendre l'homme parfait et angélique…
Ils ont presque réussi à m'éliminer.
Le fait d’être effacé de la mémoire cérébrale de tous, m'est plus douloureux que la mort elle-même.
Chris :
— Oui, hélas. Tu sais cependant que nous t'avons retrouvé au fond de notre cœur…
Alors dis-nous, pour Tomas ?
Pol :
— Et pour Ivan ?
Yeph :
— Tomas…
Les ravages de la greffe seconde — et surtout des tortures vécues lors de l’instruction au Centre — ont fortement affaibli les liens de gémellité qui nous unissaient, Tomas et moi.
Hélas…
Venons donc au problème du jour.
Une question d'abord pour me permettre de me préparer…
Oui…
Dis-moi, Pol ?
Au-delà de ces jeux relationnels, et avant que je ne tente de te donner quelques explications… quel est ton sentiment sur cette nouvelle affaire brûlante, qui se qualifie naturellement de politique[iii] ?
Pol :
— Ah, Yeph ! Pas d'inquiétude.
Pour ma part, la liberté se construit doucement dans le plaisir d'apprendre, sans nécessairement comprendre.
Aussi, j’aime rencontrer des êtres pleins d’amour et surtout… semblant heureux.
Si aujourd'hui tu aimes Ivan, je suis enchanté tant pour toi, pour elle… que pour moi !
Je serais attentif à saisir la force de cette alliance, les forces vives qui en jaillissent ?
Chris :
— Il y a aussi certainement petit Pol, cette pointe naturelle de jalousie… par la crainte de te perdre.
Je dis cela de même pour moi, bien que je me sente plus à l’aise avec la gent féminine.
Pol :
— Oui…
Ce n'est pas faux.
Cependant, comme beaucoup, je m’interroge sur la place que tu peux donner maintenant à Tomas.
Est-il déjà oublié pour… une autre histoire ?
Était-il aimé finalement ou n’était-ce qu’une quête impossible, construite pour survivre dans un univers sans sens réel et sans amour ?
Chris a-t-il raison lorsqu’il me parle de tes névroses possibles ?
Et alors quel serait ton amour aujourd'hui pour Ivan ?
Nous revenons donc à l'origine de notre dispute !
Yeph :
— Oh… mon cher, tu es si fort dans le choix des questions !
J’aime chez toi cette démarche délicate pour une introspection qui te brûlait les lèvres depuis fort longtemps.
Alors…
Qui me connaît ?
Que sait l’autre de mon cœur ?
Pol :
— Aide moi à comprendre ton engagement, s’il existe ?
Je ne veux pas être plus indiscret que tu ne l’imagines…
Yeph :
— C’est bien vrai, Pol, je respecte ta franchise.
C’est sincèrement qu’il me plaît à ouvrir quelques portes sur mon jardin secret.
Cela va peut-être libérer tes craintes ou provoquer un rejet…
Pol :
— Je suis assez respectueux des autres pour savoir t’écouter !
Chris :
— Avec une indiscrétion charmante…
Yeph :
— Oui, oui… je joue avec vous, en étant peut-être tout à fait conscient de votre audace !
Vais-je cependant être compris ?
Ce n'est pas certain.
Nous avons chacun notre langage et les mots que j’utilise ne sont pas nécessairement les vôtres.
Pol :
— Dis-nous ce que tu souhaites !
Nous apprécions déjà…
Yeph :
— Tomas était — en puissance — un esprit égal à moi-même.
Tout, dans sa force créatrice, comme dans son jaillissement de l’être, annonçait les bases extraordinaires d’une gémellité féconde à construire. J’ai compris très tôt, dans l’essence même de cet enfant, la merveilleuse chance d’un amour.
En sa présence, je vivais aussi le rappel de ma propre histoire sans trop tomber dans la régression.
L’amour est l’intérêt vécu du plaisir.
Il y a eu quelques cycles merveilleux avant la Chalystime et tout fut détruit par cette fichue greffe seconde et hélas, la Rumeur !
Oui j’ai pu espérer saisir quelque temps mon existence avec un pair et donner alors un sens particulier à la vie de l’homme que je suis.
Nous avons tous une quête ternaire.
Tomas était rare et précieux dans l’état narcissique comme homophile, vécus et sublimés, bien au-delà des fantasmes. C’était formidable en raison de nos gènes similaires.
Nous étions inséparables dans cet univers et indispensables l’un à l’autre, tout en étant libres…
Je croyais cela d’éternité, malgré les destructions voulues par l’Archyeur, en raison des frustrations découlant de ses hontes primitives.
Chris :
— Tu dis « Tomas était » comme s’il était absent ?
Tomas est cependant retrouvé.
Yeph :
— Oui tu as raison.
Il est de retour, notre cher frère…
Pourtant Tomas a disparu totalement de mon univers puisqu’il n’a plus en lui la mémoire cérébrale de mon existence.
La greffe seconde a malheureusement détruit — de manière mécanique et chimique, jusqu’au plus profond de son être — ma réalité.
Maintenant, il est resté bon et honnête avec moi par le cœur, sans pouvoir vraiment comprendre ce qui nous unissait corps et âme.
J’y gagne si peu.
Aussi, il ne veut pas tenter de raisonner, afin de ne pas voir jaillir en lui la colère liée à cet abandon qu’il me reproche.
Pol :
— Abandon ?
Chris :
— Comment cela ?
C'est nous qui t'avons abandonné !
Yeph :
— Je suis coupable malgré moi…
Il ne peut finalement que m’en vouloir de ne pas avoir su éviter qu’il soit greffé par le Centre.
J’aurais dû être davantage prudent et finalement plus méfiant vis-à-vis de l’Archyeur et de son Austrel.
Je suis bien le responsable de ce drame[iv].
C’est pour cela que ma quête est vaine, dans le dessein de me sentir aimé de nouveau par l'être perdu.
J’aime aujourd’hui Tomas en souvenir d’un amour hors de l’espace et du temps.
Je le croise, il est là.
Je l’aime, il est là ; je pense à lui, il est là !
C’est cette unicité d’un instant que je savoure, hors des jours et des nuits, de l’heure ou des minutes, de la mort ou de la vie.
C’est hélas, sans réciprocité.
Je donne chaque jour sans jamais recevoir, car bien que la greffe soit ôtée, l’esprit continue à être rongé comme par quelque acide. Il sait qu’il perd — de manière insidieuse — peu à peu de ses capacités, comme tous ceux de la Cité ou des Bases, en dégénérescence cérébrale progressive.
S’il était mort, j’aurais, je pense… été capable de le rejoindre.
J’aimerais croire en l’immortalité de l’âme.
Oui, nous nous retrouverons certainement au-delà de notre mort, par une fusion des énergies.
Le drame de Tomas, c'est un grand échec pour moi car je n’avais pas imaginé les dégâts causés par la greffe et sa suppression.
Sans cette manipulation destructrice des cerveaux, cet amour unique était d’éternité, malgré la phase intermédiaire de séparation si douloureuse !
Hélas, avec la greffe et les persécutions du CEI, c’est bien un lavage du cerveau et du cœur qu’il a subit…
Je crains que sa conception de l’amour a été intrinsèquement modifiée par la haine du système pour le vivant, le libre, le fécond qui lui a été instillée.
Chris :
— C’est sûr…
Je perçois aussi la force de la mémoire de ceux que l’on aime et qui ont quitté ce monde.
L’absence de Tomas est donc bien différente.
Yeph :
— Oui !
Chacun de nous peut vivre dans les souvenirs en grand nombre, avec celles et ceux qui ne sont plus.
Pas de crainte de se voir partagé, divisé ou émietté par son ouverture à d’autres êtres.
Cet amour du passé est vital, indispensable à la force de l’être.
C’est un amour de mémoire.
Sans lui, l’homme s’ennuie, se trouve seul, inutile et stérile.
Il n’a personne pour l’écouter, le comprendre, rire et pleurer.
Tomas — celui que j’ai connu — n’est plus.
Quand je pense à lui, lorsque je l’appelle, il ne répond plus.
La maladie dégénérative de l'autre nous place dans un vide douloureux.
L'humain a disparu alors que l'enveloppe charnelle est toujours là.
Difficile donc de faire son deuil d'une histoire achevée.
J'ai si peur pour Tomas devant son corps qui se vide progressivement d’une humanité que j’ai tant aimée.
Je n'ai plus beaucoup de raisons à la rencontre…
Lui comme moi sommes insensibles à la pitié ou à la condescendance !
Je sais pleurer en silence… parfois à ses côtés… sans jamais pouvoir comprendre.
Et faire mémoire : Je tente d’en comprendre l’intérêt.
Chris :
— C'est douloureux.
J'ai la même attitude à son égard.
Je prends ce qui est encore accessible.
Après, nous aviserons lorsque la rencontre aura perdu tout sens honnête.
Tomas est encore conscient de ce manque… il perçoit ce qui lui fut ôté par le CEI. Son impuissance à aimer le ronge au quotidien.
Ah, je crains qu'il y ait de plus en plus de cas similaires sur les Bases comme dans la Cité. Le nombre de pseudovivants à la mort cérébrale est en progression exponentielle…
Et ceux sans cœur…
Pol :
— Alors, pour tenter d'oublier Tomas… tu as choisi Ivan ?
Yeph :
— Ivan…
[i] Merci à Henri BERGSON pour son regard audacieux sur l’inconscient.
[ii] Merci à Friedrich NIETZSCHE pour sa « Généalogie de la morale ». Une dissertation qui nous invite à quitter les principes dualistes de « bien » et de « mal », pour entrer dans l’axiologie : la recherche des valeurs libérées de la morale.
[iii] Merci à ARISTOTE, pour ce qui nous est rapporté aujourd’hui de son œuvre, et surtout « Les Politiques ».
Après ARISTOTE, il n’y a plus rien à dire en philosophie… En quelques axiomes, nous avons la vérité vraie… Les certitudes s’enchaînent avec des évidences évidentes… tout est clair, simpliste, « naturel ».
Nous prendrons la traduction française de Jean TRICOT, sachant qu’elle n’est pas la plus mauvaise interprétation de ce philosophe qui a été peut-être le plus « revisité » par les politiques et les religions, depuis quelques millénaires ! Travailler sur des textes grecs, copies de copies… ne certifie pas l’authenticité des écrits d’un auteur.
L’avocat au Parlement M. CAMUS, en 1783, écrivait pour expliquer son travail de “traducteur interprète” des « Animaux » d’ARISTOTE, qu’il œuvrait avec des textes « latins » “traduits” de « l’arabe » et d’autres qui étaient “retraduits” en « grec ».
C’est seulement autour de l’an 780 de notre ère que fut “inventé” « la Petite Caroline » par un moine de l’Abbaye de Corbie dans la Somme. Ce savant cousin de CHARLEMAGNE, (qui, lui, connaissait le grec ancien contrairement à l’Empereur) offrit de quoi lire le grec “à voix basse”… et de le comprendre. Des siècles donc pour réécrire la philosophie afin qu’elle soit la force du pouvoir et non pas l’outil libérateur de l’homme. Voici les extraits les plus édifiants qu’il faut rappeler du texte « les Politiques » d’ARISTOTE :
« Que l’homme soit un animal politique à un plus haut degré qu’une abeille quelconque ou tout autre animal vivant à l’état grégaire, cela est évident. La nature, en effet, selon-nous, ne fait rien en vain ; et l’homme, seul de tous les animaux, possède la parole. Or, tandis que la voix ne sert qu’à indiquer la joie et la peine, et appartient pour ce motif aux autres animaux également (car leur nature va jusqu’à éprouver les sensations de plaisir et de douleur, et à se les signifier les uns aux autres), le discours (logos) sert à exprimer l’utile et le nuisible, et, par suite aussi, le juste et l’injuste : car c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux autres animaux d’être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et Cité.
Nous en déduisons à l'évidence que la Cité fait partie des choses naturelles et que l'homme est par nature un animal politique ; si bien que celui qui vit hors Cité, naturellement bien sûr, et non par hasard des circonstances est soit un être dégradé, soit un être surhumain : il est comme celui qu'Homère injurie en ces termes : "sans lignage, sans loi, sans foyer". Car un tel homme est du coup passionné de guerre. Il est comme une pièce isolée au jeu de trictrac. C'est pourquoi il est évident que l'homme est un animal politique, bien plus que n'importe quelle abeille, ou n'importe quel animal grégaire. Car, nous le disons souvent, la nature ne fait rien en vain. Et seul, parmi les animaux, l'homme est doué de parole. (…)
De plus la Cité est par nature antérieure à la famille et à chacun d'entre nous. Car le tout est nécessairement antérieur à la partie. Que donc la Cité soit à la fois naturelle et antérieure à chacun de ses membres, c'est évident. S'il est vrai, en effet, que chacun pris isolément n'est pas autosuffisant, il sera dans la même situation que les autres parties vis-à-vis du tout. Aussi, celui qui ne peut appartenir à une communauté, ou qui n'en a nullement besoin du fait qu'il est autosuffisant n'est en rien une partie de la Cité : par conséquent, c'est soit une bête, soit un dieu. » (Traduction de Jean TRICOT).
Ce texte « attribué » à ARISTOTE nous offre donc vraiment la vérité vraie !
Ah, tout est dit… La Cité existe avant l’homme… et il ne peut en être autrement…
ARISTOTE nous offre une suite de certitudes qui construit l’humain en « animal politique », sinon, il ne serait pas… ou serait un dieu (séparé de son Olympe ?).
Pour ARISTOTE, l’homme est supérieur à tout, il est le seul à avoir la parole, la nature est faite pour l’homme, et ne fait rien en vain… et surtout que l’homme est « le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des autres notions morales »… Merci encore à Thomas d’AQUIN — ce père de l’église catholique — d’avoir usé de ces « vérités scientifiques » pour construire sa Somme Théologique !
Ah, l’abeille hors de sa ruche, peut-elle vivre ?
Et si l’homme n’était pas « un animal politique » ?
[iv] Merci à Monsieur Laurent FABIUS, excellent porte-parole contemporain de l'ensemble de la classe politique… Il a su — par ses propos rapportés — nous faire comprendre qu'un politicien est trop préoccupé à penser à sa carrière pour avoir le temps de s'inquiéter de l'humain !
J'ai aimé ton regard, j'ai aimé ton visage.
Un instant j'ai pensé naître du paysage.
J'ai deviné ton corps, j'ai saisi ce parfum,
L'effluve délicat... Et mes sens éveillés
Je me suis vu grandir, tout comme toi, sans fin.
La vie alors me semble un merveilleux présage
Où l'amour dans nos pas s’offre en guide sans âge.
Yeph :
— Sa présence est constructive.
Je l’aime.
Pol :
— Est-ce une réalisation concrète et intéressée de ta réalité hétérophile ?
Yeph :
— Absolument.
Chris :
— C’est la raison pour laquelle beaucoup sont en pleine crise de jalousie.
Ils pensent que ce nouvel amour t’éloigne d’eux.
Yeph :
— Le fait que j’aime Ivan est cependant une chance pour tous les autres.
L’humain s’enrichit d’harmonie dans chacune de ses rencontres.
Je recherche moi-même à être heureux dans les trois phases, la narcissique, autant que l’homophile et l’hétérophile.
J'ai même accueilli avec elle le désir d'un enfant !
Si c'est une fille, elle aura certainement le prénom féminisé de mon jumeau…
Pour mémoire !
Pol :
— Et nous…
Et que devient Ély dans cette nouvelle histoire ?
Yeph :
— Ne vous ai-je pas déjà adoptés et surtout reconnus depuis si longtemps ?
Je vous aime en donnant car je reçois beaucoup.
L'enfant issu du sang fait de nous un géniteur… sans nous appartenir pour autant[i].
C'est la puissance de l'amour investi et la force de l'éducation transmise qui peut nous construire comme parents !
Il n'y a pas de hiérarchie familiale.
Pol :
— Pourtant je ne peux pas être le géniteur de mon géniteur…
Yeph :
— Oui, et tuer le père n'y changera rien : il y a la filiation généalogique qui n'est pas nécessairement la plus importante.
La reconnaître permet finalement de se situer dans l'espace-temps.
Il y a aussi la transmission du savoir et de l'amour… qui ne peut se mesurer.
L’important enfin est de créer un havre, une île, où l’enfant trouve une certaine sécurité avec celles et ceux qui occupent le lieu… qu’il puisse se ressourcer, et repartir à l’aventure.
Certains construisent leur famille !
Chris :
— Pourtant tu attaches à notre fratrie une très grande valeur ?
Yeph :
— Bien entendu !
Pour mieux me connaître et me comprendre.
Puisque je vous aime, autant privilégier les liens du sang…
Et savoir d’où je viens me permet davantage de saisir où je vais !
Pol :
— Donc Tomas, Chris et tes parents génétiques comptent davantage que nous ?
Yeph :
— Ah, mon cher Pol, encore et toujours cette peur inscrite en toi ?
Quand sauras-tu t'extraire du système politico-religieux instituant des degrés dans l'amour ?
Les gènes nous apprennent quelques bribes de notre histoire, ils ne devraient pas nous emprisonner dans l’esprit du clan…
Cet enchaînement nous conditionne dès la naissance, pour nous obliger à choisir sans cesse ce que nous aimons le plus… qui nous devons préférer…
Cela peut entraîner l'enfant jusqu'à la nonvie[ii]…
Je serai toujours là pour chacun.
C’est cela l’amour !
Ne cherchons pas à créer de hiérarchie de préférence en réalisant un choix triché.
Chris :
— Mais le choix a du sens.
Je pense même te l'avoir souvent entendu dire.
Sans notre capacité à choisir, nous ne pouvons pas vivre !
Yeph :
— Absolument cher Chris, nous devons choisir continuellement… d'instant en instant.
La vie comme la vérité sont des suites de portes nouvelles.
Franchir l'une invite à ouvrir les suivantes… ou à s’enfermer.
Aussi, le fait de contempler les chemins qui s'offrent à toi ne t'assure pas d'avoir l'audace d'avancer encore.
Au-delà du choix, il y a la volonté !
Alors, si nous osons l'action… nous pouvons savourer le plaisir de la rencontre et aimer sans comparaison.
Pol :
— Oui, aller de l'avant, aimer, apprendre à aimer…
Cependant… n'y a-t-il pas une personne — au moins une — que tu préfères à une autre ?
Yeph :
— C'est comme si tu me demandais la couleur ou la musique que je préfère…
Tout dépend de l'humeur et de la situation du moment !
Sincèrement : non…
L'amour ne se cloisonne pas, ne s'emprisonne pas…
Je savoure l’instant sans m’inquiéter inutilement de l’instant d’après… je l’envisage, tout en gardant ma liberté !
Je n'ai pas d'exclusivité dans la durée, ni dans la rencontre.
Pol :
— Vraiment…
Même pour ta propre mère ?
Nous n'en avons pas eu.
Tu es parmi les derniers vivants à être issu d'une filiation biologique reconnue.
Chris :
— C'est vrai…
Tomas et moi ne savons rien de nos parents.
Le programme d'éducation de l'Austrel avec le CEI, nous a sélectionnés dès notre conception.
Même le mot fratrie n'existait pas au Centre !
Yeph :
— Ah, Pol… d’où je viens ?
Ah, Chris…
J'ai eu en effet les mêmes géniteurs que toi et qui furent aussi mes parents.
Cette histoire m'a été plaisante.
Pour d'autres, avoir une famille, cela pouvait être terrible !
Il ne faut surtout pas idéaliser cette époque, pour le moment révolue.
La tradition — avant la Chalystime — n'était pas simple non plus à vivre pour les enfants en général.
Certains étaient chanceux… d'autres beaucoup moins.
Pour vous offrir un joli cadeau, sachez que la mère, le père dont vous parlez — sans en connaître le sens — pouvaient être, dans les meilleures des situations, une "maman" et un "papa", premiers mots généralement prononcés par le bébé aimé.
Pol :
— Papa…
Maman ?
Chris :
— C'est magnifique…
Pol :
— C'est magique !
J'en ai les larmes aux yeux…
Dis-nous, cher Yeph, ce que c'est… une maman[iii] ?
Chris :
— Oui, parle-moi de celle qui aurait pu s'occuper de moi, avec Tomas…
Raconte-nous une belle histoire !
Yeph :
— Elle est belle en effet. Compliquée aussi.
Il nous faudrait cependant des cycles et des cycles pour vous dévoiler ce passé… alors que le présent est déjà chargé de questions. Et hier sera nécessairement revisité par mes humeurs de l'instant.
Sachez donc surtout que j'ai été aimé.
Oui, j'ai été beaucoup aimé.
Je n'ai pas toujours été compris, hélas.
La hors normalités rend la communication très difficile. M'éduquer s'avérait complexe pour une famille formatée par un système qui n'a rien à envier au regard de celui d'aujourd'hui.
Ma grande chance — pour ne pas me perdre et ne pas perdre cette parentalité — c'est que moi-même, j'ai appris à les aimer.
J'ai su découvrir comme mère et père… puis comme maman et papa, ces êtres qui m'ont donné la vie.
Pour arriver à cette réalité, la liste est longue des magisters — parents adoptifs de complémentarités — qui m'ont construit dans la rencontre avec moi-même.
Il y a eu dans mon histoire de grandes dames et de grands messieurs… Vous en connaissez certains.
Pol :
— Oui, en effet…
Je comprends beaucoup mieux…
Tu as su avec art et délicatesse nous offrir quelques étoiles pour nos nuits trop sombres…
Yeph :
— C'est une grande joie pour moi de vous avoir offert ces personnages de qualité qui m'ont aidé à grandir.
Je leur dois tant… notamment cette rencontre sincère avec ma famille.
Alors, en paix… j'ai su aller vers eux et les aimer.
Un grand nombre nous a quittés… j'ai, depuis, des milliers de soleils dans des galaxies lointaines qui sensent ma vie quotidienne !
Oui, je suis heureux en regardant les étoiles[iv], car je sais qu'ils sont tous des forces vives d'énergie d'amour dans mon univers…
Pol :
— Merci pour cette découverte touchante, que nous gardons précieusement dans notre cœur.
Je comprends mieux ta retenue.
Merci pour ces êtres de lumière rencontrés grâce à ton sens de l’échange et du don.
Ah, Odyl, John… Sibyl…
Je ne pouvais pas imaginer leur importance si grande à tes yeux… avant cette explication.
Et tu as su nous les donner… sans les perdre !
Chris :
— Oui, merci…
Oh, grand merci !
Tu peux de même compter sur ma discrétion.
C'est si facile hélas de salir une belle histoire en l'écrivant de manière déformée et trichée pour la rendre spectaculaire ou glauque.
Protège-toi toujours de la presse, et des médias : ces passionnés de poubelles et des relents de caniveaux… ont la triste habitude de dévoyer la mémoire et l'honneur en stigmatisant une phrase, un mot parfois — un court extrait d'une œuvre qu'ils ne liront probablement jamais — pour offrir aux spectateurs, et aux lecteurs… victimes perverses consentantes, quelques mensonges de plus.
Et quand le message réussit à passer — grâce à la lâcheté ou aux intérêts de certains[v] — le proverbe détestable et formaté s'impose : "il n'y a pas de fumée sans feu".
Ah, les voyeurismes journalistiques et pseudo historiques sont dramatiquement toxiques.
C'est aussi un précieux outil de propagande et de guerre pour les tyrannies politiques et religieuses, régnant sur la justice fausse et si souvent inique, tenues par ces petits juges[vi].
Ils distribuent le droit de vie et de mort… dans cette redoutable fourmilière géante où nous ne sommes que des êtres condamnés à être silencieux et utiles[vii].
Pour vivre heureux, vivons cachés… des personnes qui ne peuvent comprendre notre bonheur[viii], et qui préfèrent briser un trésor plutôt que de l’admirer.
La jalousie est une plaie qui infecte la beauté du monde et tue l'amour.
Pol :
— Tu restes donc proche de nous…
Tu ne nous quitteras pas, Yeph ?
Même pour Ivan ?
Vraiment ?
Yeph : - J'ai plaisir à vous retrouver.
Sans vous tous, je ne suis rien.
J’ai déjà tant perdu des aventures passées… effacées de vos mémoires !
Vous avoir retrouvés affectivement comme physiquement est essentiel à ma quête.
Ivan — par sa présence — est un élément supplémentaire et vital de ma réalité humaine.
J’ai besoin d’elle.
Elle m’apprend, elle me donne et me sécurise ; je tente de lui offrir aussi ce que je puis découvrir et bâtir.
J’ai œuvré pour la rencontrer.
[i] Merci à Khalil GIBRAN. Ce poète et peintre libanais est toujours la référence — depuis plus de cent ans — des trésors à découvrir en langue arabe, sans se sentir emprisonné par une quelconque religion. Il se présente comme « universel » dans son regard sur la vie. Oui, Khalil GIBRAN — ce Victor HUGO libanais, selon les propos d’Alexandre NAJJAR — nous a offert en poèmes des enseignements dignes des philosophes les plus éclairés sur la notion de l’Amour Humain.
Voici le poème sur « les enfants », extrait du recueil « le Prophète » :
« Et une femme qui tenait un bébé contre son sein dit, Parlez-nous des Enfants.
Et il dit :
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à la Vie.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne sont pas à vous.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées.
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez héberger leurs corps, mais pas leurs âmes.
Car leurs âmes résident dans la maison de demain que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves.
Vous pouvez vous efforcer d'être comme eux, mais ne cherchez pas à les faire à votre image.
Car la vie ne marche pas à reculons, ni ne s'attarde avec hier.
Vous êtes les arcs desquels vos enfants sont propulsés, tels des flèches vivantes.
L'Archer vise la cible sur le chemin de l'Infini, et Il vous tend de Sa puissance afin que Ses flèches volent vite et loin.
Que la tension que vous donnez par la main de l'Archer vise la joie.
Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime également l'arc qui est stable. ».
[ii] Merci au film « Mister NOBODY », de Jaco van DORMAEL. Cette réalisation philosophique peut être reçue différemment, avec cette possibilité de la non vie pour un enfant qui ne saura pas choisir entre l’un ou l’autre de ses parents… lors de leur séparation.
Le drame du choix « binaire » pour un être pluripossible… c’est souvent la mort annoncée de sa capacité créatrice.
[iii] Merci à Régis LOISEL et à son douloureux PETER PAN, notamment lorsque le jeune PETER conte aux petits orphelins le bonheur d'avoir une maman… avant d'aller retrouver sa désolation de mère.
[iv] Merci à Antoine de SAINT-EXUPÉRY pour son Petit Prince… qui ne m'a pas consolé, malgré son assurance de fol enfant.
[v] Merci à Yanick PHILIPPONNAT, un grand expert journaliste, spécialiste incontournable des brèves de prétoires et des échos de la Salle des Pas Perdus… Celui qui sait ce qu'a dit l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours mais qui n'a pas eu peur… du ridicule ?
L’information diluée devient très vite une source de mensonges et de calomnies.
[vi] Merci à René BARJAVEL, pour l'ensemble de son œuvre et particulièrement avec cette note, l’excellent « Jour de Feu »… où comment dans les années 50 (1950), un homme nommé Jésus est jugé et condamné alors qu'il semblait innocent… « grâce » au jeu des médias et de la propagande.
[vii] Merci à la bande dessinée américaine « Judge DREDD » immortalisée au cinéma dans un film digne des chefs d'œuvre de série…"B".
Les juges y sont à la fois policiers, jurés et bourreaux… et leur porte-parole — très représentatif — joué avec talent par Sylvester STALLONE.
[viii] Merci à Jean Pierre CLARIS de FLORIAN, poète et fabuliste de talent qui est mort bien trop tôt pour pouvoir achever sa triste et jolie phrase, extraite de la fable : « Le grillon ».
Oui, pour vivre heureux vivons cachés… de celles et ceux qui ne peuvent pas comprendre notre bonheur !
JOLIE DAME
S’il me fallait chanter le regard, le visage,
De la femme séduite un matin près de moi ;
Respectez cette image audacieuse et sage,
Où le rire est un vers… d’une larme à l’émoi !
— Ne jugez pas l’enfant, il ose ainsi vous dire
Son amour sans détour — il aime être écouté :
J’ai plaisir à l’étreinte, à l’échange, au sourire,
Être là dans son pas, marcher à son côté...
Je conçois la grandeur et l’honneur d’être mère :
La grâce et le désir, d’élever en ce sein
L’espoir d’une naissance, appel à la lumière...
Et n’ai-je point d’attrait, pour tout cela, ma dame ?
S’ajoutant à ce corps offert par le divin,
Je vous aime du cœur, au regard de votre âme.
Yeph :
— Ivan a su aussi me séduire.
Nous nous aimons sincèrement — par intérêt réciproque — sans nous enfermer dans un encouplement stérile[i].
C’est une source précieuse de vie que je pense mériter !
Pol :
— Bien peu d’entre nous connaissent son histoire.
Franch la nomme l'Arlésienne.
Son existence est même parfois mise en doute !
Chris :
— C’est étrange que tu sois allé aussi loin, pour rechercher un être si différent des femmes de la Cité.
Yeph :
— Nous méritons chacune de nos rencontres[ii]…
Je n’appartiens à personne.
Ivan est une complémentarité détachée de tout formatage.
Il y a autant le cœur que l’esprit — tout comme aussi le corps — qui entrent en jeu dans ce choix de vie.
Est-ce le fait du hasard, de la chance ou du destin selon les croyances de chacun ?
J’ai peut-être une bonne étoile ?
Tout peut être lié à ma capacité à apprendre et à oser la découverte ?
Pol :
— Et ce serait pour toujours ?
Tu penses l'aimer vraiment…
Comment es-tu sûr de ne pas te tromper ?
Yeph :
— C’est pour chaque jour !
D'instant en instant…
Soir après matin, je reçois et j'apprends à l’aimer.
Demain n’existe pas, même si j’ai des projets pour mille ans à réaliser avec elle…
Aujourd’hui, nous sommes heureux ensemble.
À nous de finaliser un demain et poursuivre — si nous le souhaitons — l’harmonie qui nous unit.
Chris :
— Alors te voici rassuré, mon cher Pol ?
Pol :
— Oui…
C’est fort intéressant toutes ces explications.
Mais…
Si je ne crains plus ton départ… que devenons-nous concrètement alors que tu t'installes tranquillement et égoïstement dans cette construction bourgeoise hétérophile ?
De bons souvenirs ?
Ta vie avec Ivan est-elle désormais incompatible avec de nouvelles aventures homophiles ?
Chris :
— Hum…
Là tu fais fort !
Yeph :
— Mon cher Pol, devrais-je frustrer ma nature ?
Au nom de la raison sociale, suis-je condamné à délaisser en partie mon cœur et mon corps ?
Qui exigerait pour moi de vous laisser orphelins des amours particulières si riches à la construction de mon être ?
Ivan n'est pas une prison.
Le lien qui nous unit est une énergie pure de forces vives, pour nous aider à la rencontre.
Entends-le et tente de comprendre : je ne suis absolument pas adepte de l'encouplement.
Ivan et moi, ensemble, nous agrandissons notre champ de vision…
Nous enrichissons notre quotidien par la découverte du monde, en sachant le plaisir de nous retrouver pour reprendre des forces, nous rassurer, nous consoler parfois, raconter… comprendre et repartir à l'aventure !
Pol :
— Ah… merci !
J’ai les éléments qui me manquaient pour être convaincu du bien-fondé de ta démarche.
Je suis ainsi rassuré, afin de poursuivre ma quête auprès d’Emma.
Yeph :
— Oui !
J’avais compris que tu souhaitais davantage avec elle.
C'est une femme formidable.
Elle représente énormément pour moi, même si la place que mon cœur lui offre est différente de celle attribuée à Ivan.
Chris :
— Sans hiérarchie cependant…
Yeph :
— Certainement, Chris !
Pol :
— Et moi, j'aimerais inviter Emma à vivre ensemble quelques belles aventures…
Me sens-tu prêt ?
Yeph :
— Te sens-tu prêt ?
Le seras-tu un jour ?
Emma devra-t-elle attendre un être achevé, parfait… devenu finalement stérile ? Elle finira peut-être par se lasser ?
Chris :
— Tu nous as dit un jour qu'il faut désirer être désiré par l'être que nous désirons[iii]…
Pol :
— Tu as raison.
Je dois laisser mon cœur s’exprimer.
Avoir confiance en moi, dans mon cheminement.
Il n’y a pas d’âge ou de temps annoncé pour oser la rencontre.
Aller vers l’autre est une folie.
J’aime ta gestion de l’amour au jour le jour. C’est bien à nous d’apprendre à trouver chez l’autre un espace de désir à vivre, sans cesse renouvelé.
Il ne doit pas y avoir de crainte face à l’échec de la rencontre ou plutôt l’angoisse de la peur de cette peur, pour rester dans l’usage de la sémantique générale[iv].
La découverte peut être fort riche sur un temps donné.
Nous ne sommes pas maîtres de la durée de notre vie ou de notre passion ! Un jour ou l’autre, nous serons séparés par la mort ou le choix d’une autre route.
Imposer aux humains une union pour toujours est un leurre, un mensonge, une tromperie destructrice.
Il doit certainement y avoir de basses raisons économiques derrière les lois de l'Austrel… quand je vois l’intérêt qu’il porte au mariage.
Rien dans les êtres que nous sommes n’est figé pour l’éternité. La fidélité n’est donc pas dans la continuité mais dans l’instant.
Yeph :
— J’apprécie tes propos.
Tu sais désacraliser notre capacité à aimer, tout en magnifiant l'amour.
Comprendre l'amour humain, c'est quitter enfin l'univers triché et carcéral de la morale sociétale pour vivre libre dans un monde aux valeurs révélées par l'axiologie[v].
Tu as bien saisi ma souffrance avec le départ de Tomas, et ma joie d’être à la recherche d’autres amours.
Je n’ai pas tenté de maîtriser mon choix pour Ivan : je l’ai accueillie, avec ses mystères, ses craintes et ses difficultés.
Je te souhaite aussi de bons vents pour cette route choisie avec Emma !
Pol :
— Merci mon ami.
Nous nous retrouvons donc bientôt.
Tu viens, Chris…
Je vais rejoindre Franch…
Il est ce grand frère un peu fou que je n'ai jamais eu…
Yeph :
— Ah…
Comment va-t-il, ce grand frère vraiment fou que tu as finalement ?
Pol :
— Ce n’est pas si simple…
Chris :
— Le mot est faible !
Pol :
— Oui… Heureusement, Chris et moi sommes de plus en plus proches.
Ensemble, sans surévaluer nos forces, nous l’aidons à recouvrer la paix, après chaque rencontre avec Tomas…
Ses jeux de guerre aussi lui permettent de ne pas s'enfermer dans la mémoire de ses amours perdues.
Yeph :
— Nous avons devant nous tant de beaux mondes à construire !
Franch s'occupe de la démolition des horreurs morales bâties par les hommes…
Chris :
— Tu le présentes comme utile dans son plaisir de tout massacrer !
Yeph :
— Oui.
Franch est notre formidable bulldozer.
Son onde de choc a du sens, et il assume un rôle qui lui va bien pour le moment.
Plaise à lui de veiller davantage à son intégrité physique.
Le perdre serait douloureux pour nous tous !
Pol :
— S’il pouvait t’entendre…
[i] Merci aux inventeurs de mots médiatiques comme Vincent CESPEDES, essayiste, qui ont bien compris — comme l’expliquait Alfred Abdank (Habdank) KORZYBSKI — que pour que l’idée puisse être expliquée par le mot… il est parfois nécessaire de le créer… surtout au regard de la pauvreté du vocabulaire de la langue française !
C’est tout un art de senser une idée…
[ii] Merci à François MAURIAC pour cette belle citation qui ouvre à la question : « Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer ».
[iii] Merci à Philip KENNEDY, frère dominicain australien — philosophe éclairé à ses heures disponibles — dont la rencontre amoureuse a permis le jaillissement de cette phrase « je désire être désiré par l'être que je désire ».
[iv] Merci à Alfred Abdank (Habdank) KORZYBSKI, philosophe éclairé, révélateur trop peu écouté de la construction binaire de ce monde qui est enfermé dans une logique du conflit. Les peuples continuent à préférer la guerre par peur ou convoitise… à l’art de la rencontre. La Sémantique Générale est une porte très importante ouvrant à l’étude de l’Amour Humain.
[v] Merci à Cyril ARNAUD, pirate philosophe, musicien… être éveillé qui notamment par son essai « Axiologie 4.0, pour une nouvelle axiologie » nous offre les clefs pour révéler nos valeurs, libérées de la morale.
Vous pouvez aussi acheter en ligne la version PDF ou papier de ce théâtre philosophique d'anticipation, en quelques clics !
Vous aurez la toute dernière version de mai 2016 avec une nouvelle couverture !
Le papier, meilleur que l'Internet ?
3€ sont versés à l'auteur.
En moyenne, depuis trois ans, La mort de l'Archyeur est lue en lecture libre, par près d'une centaine de personne, chaque mois.
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Et vous pouvez aussi faire un don :
Merci !
Yves Philippe de Francqueville pirate des mots et philanalyste en herbe présente le quatrième et dernier tome du Cycle de l'Austrel : la Mort de l'Archyeur.
Deuxième partie.
Tous droits réservés ©.
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L'auteur n'accepte pas l'idée qu'une phrase de son œuvre soit extraite de son contexte, pour un usage nauséeux.
Ce serait une bassesse journalistique de plus ?
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Auteur : Yves Philippe de Francqueville